La Commission européenne vient de présenter sa nouvelle stratégie LGBTIQI+ 2026 – 2030, qui prolonge et actualise le premier cadre adopté en 2020.  Ce texte marque une étape importante : il reconnaît que les droits des personnes LGBTQI+ sont un pilier de la démocratie européenne, et non un simple enjeu “sociétal”.

Si cette stratégie apporte  des avancées symboliques et politiques, elle appelle aussi à une mise en œuvre beaucoup plus offensive et cohérente.

1) Une continuité assumée, mais un tournant politique

En 2020, la première stratégie européenne poussée par  la Commissaire socialiste avait ouvert un cadre inédit pour les droits LGBTQI+.
Celle de 2026 – 2030 s’inscrit dans cette continuité, tout en opérant une inflexion claire : l’heure n’est plus à la conquête, mais à la défense et à la consolidation.
Dans un contexte de montée des extrêmes droites et d’offensives anti-​genre, la Commission affirme que la liberté de vivre, d’aimer et d’être soi-​même fait partie intégrante de la promesse démocratique européenne.

Ce changement de ton est bienvenu. Il exprime une Europe consciente que l’égalité n’est jamais acquise et qu’il faut désormais la protéger autant que la promouvoir.

La stratégie se construit autour de trois priorités affichées : protéger, autonomiser, engager

Elle fait de la sécurité et de la dignité des personnes LGBTIQ+ une priorité absolue en annonçant le renforcement du cadre pénal européen contre les discours et crimes de haine, l’appui à l’interdiction des thérapies de conversion, la lutte contre les mutilations intersexes, et la reconnaissance du droit à l’autodétermination de genre. Elle prévoit aussi une meilleure protection des marches des fiertés et des associations, ainsi qu’un soutien accru aux victimes de violences.

Ces engagements vont dans le bon sens, mais demeurent souvent au stade de l’intention ou recyclent des promesses déjà faites. 
Le texte prévoit des mesures sur l’emploi, la santé (y compris mentale), l’éducation, le logement et la culture, avec une approche intersectionnelle : lutter contre les discriminations cumulées, dans les entreprises, les écoles, les hôpitaux, les transports, le sport. Il réaffirme la nécessité d’un accès égal aux soins et d’une formation inclusive dès le plus jeune âge.
La Commission entend aussi réduire les inégalités économiques, notamment via un plan européen de lutte contre la pauvreté LGBTQI+. Mais ces dispositifs reposent encore trop sur la seule bonne volonté des États. Sans harmonisation législative, l’Europe risque d’entretenir des inégalités de droits d’un pays à l’autre, et faire que seule une minorité des citoyens LGBTQI+ en Europe bénéficient d’un cadre protecteur et émancipateur.

L’Union invite chaque État membre à adopter un plan national LGBTQI+ d’ici 2027 et prévoit la création d’un Forum européen des politiques LGBTQI+, associant collectivités locales, associations et chercheurs. Elle entend aussi inscrire la lutte pour l’égalité dans sa politique extérieure, en soutenant les militant·es menacé·es et en défendant la décriminalisation universelle de l’homosexualité.

C’est une vision cohérente : celle d’une Europe qui agit à la fois en interne et à l’international, pour faire.

2) Une ambition réelle mais des moyens encore limités

La stratégie se distingue par son cadrage politique fort : elle relie explicitement la protection des personnes LGBTQI+ à la résilience démocratique de l’Union. Elle fait le lien entre égalité, innovation et cohésion sociale, en rappelant que les sociétés inclusives sont aussi les plus justes et les plus créatives.

Mais sur le plan concret, l’Europe reste souvent au milieu du gué :

  • aucun engagement de reconnaissance automatique du mariage et de la filiation entre États membres ;
  • pas d’interdiction européenne ferme des thérapies de conversion ;
  • un recours trop timide aux mécanismes de sanction contre les États qui violent les droits LGBTQI+ ;
  • une mise en œuvre qui repose largement sur la bonne volonté nationale, et non sur une obligation juridique commune.

En d’autres termes : une Europe qui affirme, mais qui peine encore à contraindre.

Nous déplorons encore la mollesse et la lenteur avec laquelle la Commission décide de gérer les nombreuses atteintes aux droits LGBTQI+ en Hongrie : des actions fortes et pro-​actives doivent permettre de donner un signal fort aux personnes LGBTQI+ en Europe, et de démontrer une réelle volonté politique de se saisir à bras le corps de cette stratégie et de la mettre en oeuvre pleinement. 

3) Des  exigences politiques qui  doivent guider la suite

 La France doit s’aligner sur les ambitions européennes, en inscrivant la reconnaissance pleine des familles arc-​en-​ciel, la simplification du changement d’état civil et la lutte contre les violences LGBTIphobes.  Elle doit redevenir un pays moteur dans la défense des droits LGBTQI+, ce qu’elle n’est plus depuis plusieurs années, en ne cessant de dégringoler dans le classement annuel de l’ILGA Europe. 
L’Europe doit aussi conditionner son soutien et ses financements au respect de l’État de droit et des droits humains, y compris ceux des personnes LGBTQI+. Elle doit soutenir les marches des fiertés,  les militant·es en danger, les ONG menacées, et défendre les libertés fondamentales dans tous les espaces  internationaux.

L’Union Européenne ne peut plus se contenter de déclarations d’intention : elle doit se doter d’outils contraignants, de budgets spécifiques et de mécanismes de suivi effectifs.

HES continuera de porter cette exigence au sein des espaces de discussion socialistes au niveau européen : faire de l’égalité un levier de transformation sociale et démocratique de partout en Europe. Ainsi, HES continuera à s’associer aux élu.e.s de la Délégation de la gauche sociale et écologique au Parlement européen pour que cette stratégie soit une réalité en Europe, et sur les dirigeants du PS pour porter ce combat au sein du Parti Socialiste Européen – et notamment là où notre famille politique est au pouvoir.

Lire la Stratégie LGBTI+ 2026 – 2030 de l’Union Européenne