Les Forums de la refondation du PS étaient organisés autour de questions auxquelles nous avons voulu répondre : Quel regard portez-vous sur la conquête et l’exercice du pouvoir ? Quels sont les grands défis pour le Parti socialiste ? Quelles sont les valeurs et l’identité des socialistes ? Quels sont les grands défis pour la France ? Comment vois-tu notre pays dans 20 ans ? Voici une réponse à 4e question.
La société française a parlé de beaucoup de choses en préparant la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. De ce qu’elle contenait, de ce qu’elle ne contenait pas, de la transformation des structures familiales, de l’évolution des modes de vie. L’ensemble a donné lieu à un étonnant débat, prenant parfois des allures de pugilat, où les clichés et les raccourcis ont eu « bonne presse ». On pourrait presque écrire qu’en 2012 et 2013, le XIXe siècle s’en est violemment pris au XXIe !
Car en un siècle, que de changements, changements scientifiques, anthropologiques, politiques, sociaux, que de progrès :
- Avoir un enfant était hier un événement incontrôlable de la vie d’un couple. C’est devenu un acte volontaire, projet conscient, maîtrisé dans le temps, répondant la plupart du temps à un désir d’adulte.
- Fonder une famille répondait hier à un modèle unique et indépassable : le couple hétérosexuel marié et fécond, pouvant charrier son lot de secrets et de souffrances. Ce modèle a été dépassé et est devenu pluriel, avec ou sans mariage, recomposé ou non, hétérosexuel ou homosexuel, avec une filiation biologique, une filiation adoptive ou une filiation reposant sur une assistance médicale. La récente décision de la Cour de cassation à propos des enfants nés d’une PMA réalisée à l’étranger le confirme.
- Vivre son homosexualité était hier inconcevable, cette réalité se vivait cachée, parfois sous couvert d’un triste mariage, souvent dans le secret désapprobateur des familles. Aujourd’hui, on peut être lesbienne ou homosexuel sans honte ni gloire, et plus sereinement. Les lois, la jurisprudence, les pratiques quotidiennes en France, et pour une large part au niveau européen, nous hissent à un niveau d’acceptation et de protection jamais atteint.
- Regarder le monde supposait hier de le deviner à travers des reportages de la presse écrite ou à l’occasion de rares, longs et pécunieux voyages. Nous regardons le monde en direct sur internet et pouvons beaucoup plus simplement le parcourir à l’occasion de voyages organisés par les compagnies low cost.
Voilà pourquoi nous devons répondre aux défis du XXIe siècle, et non à ceux, peut-être plus confortables, du XIXe. Pour répondre à ces défis, nous croyons judicieux :
- D’assumer dans nos esprits le « désir d’enfant » qui est une réalité depuis plusieurs décennies. Oui, avoir un enfant est un projet d’adulte, une responsabilité de vie prise en connaissance de cause et qui répond à un désir. Contester cela, c’est démissionner de cette responsabilité, déresponsabiliser la démarche parentale et s’en remettre à un fatalisme anachronique.
- D’adapter notre droit familial à la réalité des familles d’aujourd’hui, non pour obliger des familles à se déstructurer, comme le prétendent les conservateurs, mais pour permettre à toutes les familles fondées sur un projet parental de se structurer autour de ce qui fait la famille aujourd’hui : la filiation et la transmission.
- D’approfondir l’éthique de nos usages des découvertes scientifiques et médicales.
> L’accès à la PMA est soumis à des conditions médicales dans la loi. Dans la pratique, ces conditions ne sont pas indépassables. Ce qui l’est, en revanche, c’est la fiction biologique puisque la PMA n’est ouverte qu’aux femmes en couple hétérosexuel. L’ouvrir concrètement dans les mêmes conditions à toutes les femmes permettrait de sortir sereinement de cette fiction et d’affirmer un principe d’égalité.
> L’accès à la GPA est interdit en France depuis 20 ans. Au nom du refus de la marchandisation du corps des femmes sur notre territoire, dans un monde aujourd’hui accessible, on a laissé se développer la GPA commerciale dans un certain nombre de pays. En Europe, 8 pays ne l’interdisent pas et 3 l’organisent et l’encadrent, parmi les 28 états membres. Approfondir l’éthique, ce serait développer en France et proposer à l’Europe et au monde un modèle de GPA non commercial, éthique, valorisant le don et le projet parental. Poursuivre dans la voie de l’interdiction, c’est laisser la porte ouverte à des dérives et faire reposer notre avenir sur une chimère : la question n’est pas de savoir si la GPA est médicalement possible ou pas, elle l’est et le restera.
Voilà 3 pistes pour embrasser enfin notre XXIe siècle, commencé depuis plus de 15 ans !