80e CONGRÈS DU PARTI SOCIALISTE CONTRIBUTION DE HES LGBTI+
Le « chemsex » (contraction anglo-saxonne des mots « sex » et « chemicals ») désigne l’usage de drogues – stimulantes ou récréatives – dans un contexte d’activité sexuelle, notamment pour se désinhiber, être euphorique, faire durer les séances ou encore expérimenter diverses sensations. Cette pratique, notable parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) de tous âges et tous milieux, entraîne de lourds problèmes d’addiction, des effets secondaires impactant vite la santé, des hallucinations, des prises de risques, une dépression, une désocialisation très rapide (y compris de CSP+ auparavant très bien intégrés dans la société), mais aussi des décès brutaux.
C’est « une expérience individuelle de plaisirs qui vont bien au-delà de la stricte consommation de produits et de la sexualité », mais dont « les trajectoires (d’implication ou d’abandon) se caractérisent par leur extrême diversité » (Enquête « Apaches — Attentes et PArcours liés au CHEmSex » de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives).
C’est un véritable enjeu de santé publique. Les drogues utilisées sont un panel varié de produits psychoactifs, aux effets très fortement addictifs. Il s’agit de psychotropes ou de drogues de synthèse peu chères, dont l’accès est aisé dans l’achat en ligne via des sites ou applis, certains sont même dits « récréatifs » : « Crystal Meth » (méthamphétamine, stimulant puissant), GHB/GHL (puissant psychotrope, souvent appelé « drogue du violeur »), cathinones (issues de feuilles de khat, ou de synthèse) dont la 3MMC (drogue de synthèse), « Tina », kétamine (anesthésique vétérinaire, détourné de son usage classique), MDMA (ecstasy), etc.
Ils sont utilisés avec la volonté d’accroître la confiance en soi, mais surtout les « performances sexuelles » et d’augmenter les sensations durant l’acte intime. Ils sont souvent responsables de soucis cardiaques (tachycardie, palpitations), d’hallucinations, d’agitation pouvant mener au délire et jusqu’au décès d’utilisateurs, y compris jeunes et sportifs. Et la prise conjointe d’alcools et/ou de produits de type « Viagra », fréquente, aggrave beaucoup les risques. Les pompiers, médecins et hôpitaux rapportent depuis des années de nombreux cas de comas et décès.
La complexité pour traiter sereinement ce sujet vient de la conjugaison de plusieurs tabous : ceux liés au sexe (notamment à la sexualité des personnes LGBTI), aux drogues et à la mort. Le phénomène a été d’abord mis en évidence chez certains gays « clubbers » aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ou de grandes métropoles. Il s’est ensuite très largement étendu et répandu dans divers pays et milieux depuis les années 2005/2010. Il concernerait à présent plus de 15 % de femmes et 25 % d’usagers en milieu rural. Cette pratique, en développement important selon tous les acteurs de terrain depuis plus de 15 ans, a de nombreuses conséquences sur la santé corporelle et psychique et sur la vie des usagers.
Les conduites à risques sont plus importantes parmi les usagers et font qu’un « chemsexeur » sur 3 est séropositif (Étude « Sea, Sex et Chems », Dr Cessa), mais elles sont aussi « affaire de méconnaissances d’une part et d’un rapport personnel aux prises de risques d’autre part » (étude « Apaches »). Les confinements et replis au domicile dus au Covid ont accentué ces phénomènes.
Ainsi que les enquêtes et études le recommandent (et avec les recommandations globales qu’elles indiquent), les socialistes doivent se mobiliser afin de mener une lutte efficace alliant la prévention des conduites addictives et l’information sanitaire nécessaire pour aborder efficacement la question du chemsex. Socialistes, nous porterons l’exigence de :
- La réalisation d’un vrai état des lieux exhaustif des outils de prévention existants et diffusés auprès des « chemsexeurs », en France et à l’international, notamment dans le monde la nuit,
- Associer les éditeurs d’applications de rencontre à la diffusion d’outils de prévention efficaces,
- Mettre en évidence les bonnes pratiques légales, sanitaires et médico-sociales mises en place dans les pays de l’UE et les dupliquer avec une déclinaison aux niveaux national et local,
- Organiser toute l’année des campagnes de prévention, brochures, sites web et applis clairs, des interventions précoces sur le sujet, dans la cadre d’un plan national d’information et de Réduction des Risques (RdR) à élaborer rapidement entre États, associations, experts de santé, sexologues, addictologues, monde festif, collectivités locales volontaires et les services de police/justice concernés,
- Mener une politique d’information et d’éducation à la RdR pour les personnes concernées (à la fois dans l’usage de drogues et en santé sexuelle),
- Allier approches médico-psychosociale et communautaire : parcours d’accompagnement, rendez-vous spécialisés dans les centres de santé sexuelle.
Réponse sanitaire et engagement des autorités publiques
Face au chemsex, il importe d’indiquer qu’il ne peut s’agir d’établir des réponses qui ne viennent que des milieux au sein desquels ce phénomène a été observé uniquement, et que, comme pour tout phénomène humain, il est illusoire de croire à une circonscription définitive à un groupe social.
Outre l’information et la prévention qui doivent être organisées le plus efficacement possible en impliquant autant les acteurs de la santé communautaire (ou populationnelle), les réseaux associatifs et les réseaux de commerçants et entreprises existants, il faut une mobilisation des professionnels de santé. Et il faut une action résolue des pouvoirs publics pour être aux côtés des acteurs et professionnels de santé.
La formation de ces derniers reste cruciale pour une prise en charge de ce phénomène. Dans les derniers mois, les professionnels de santé interrogés dans la presse révélaient un déficit quasi-total de formation sur ce qui restait perçu comme un phénomène ultra-minoritaire voire fantasmé par certain·e·s.
Il est vital que les actions déjà engagées par certaines équipes soient dupliquées et diffusées avec l’aide des autorités sanitaires. C’est la formation des soignants et l’information des structures de soin qui permettra une prise en charge améliorée et efficace.
Pour répondre à cet enjeu, il faudra aussi que les pouvoirs publics soutiennent des études et observations de terrain afin de faire remonter plus simplement les termes, pratiques et substances que les chemsexeurs peuvent employer et être mieux préparés pour avoir une réponse de prévention et d’aide médicale.
Répondre aux enjeux que le chemsex pose doit se faire dans une démarche, évidente pour une politique de santé publique, qui se démarquera à la fois des positions de jugement moral qui sont inefficaces et éloignent les patient·e·s des réseaux de soins et prévention et des discours simplistes sur les capacités d’action personnelle des usagers. Les stratégies d’aller vers seront aussi celles des structures et des organisations qui travaillent sur ce sujet.
Les socialistes doivent permettre de :
- Contribuer à l’organisation d’un réseau professionnel pour préparer les stratégies de prévention, les moduler et les mettre à jour. Ce réseau devra impliquer une multiplicité de discipline et permettra à la fois de sensibiliser les professionnels et de leur offrir un cadre pour leur retour d’expérience et les rendre accessibles aux associations. Les autorités sanitaires nationales et locales devront être un appui à la création et à la structuration de ce réseau,
- Aider les réseaux associatifs de santé populationnelle à obtenir les moyens de prévention et les relier intelligemment avec les équipes de santé chargées de la question pour un travail pertinent sur leur territoire d’action,
- Permettre aux organisations de commerçants, et aux structures dédiées telles qu’Enipse de pouvoir développer leurs actions avec le soutien des exécutifs locaux et des institutions (police, justice)
- Organiser la formation des services de secours, qui peuvent avoir à agir en situation d’urgence sur ces cas relevant de la pratique du chemsex, avec l’aide des outils développés par les équipes médicales et associatives
- Faire en sorte que le triptyque informer, accompagner, soutenir soit la maxime appliquée à chaque étape des approches de chemsexeurs plutôt qu’un jugement moral inefficace et inadapté dans le cadre des conduites addictives.
Les signataires :
- ARSAC Sam, FFE, Militant
- BERTEAU Jean-Philippe, FFE, Conseiller Fédéral
- BLOCHE Patrick, Paris, Adjoint à la Maire de Paris, Député honoraire
- BOURGI Hussein, Hérault, Sénateur de l’Hérault, Conseiller Régional d’Occitanie, membre du BN et du CN
- BRIBARD Stéphane, Paris, CA PS 10e
- CHANTREL Yan, FFE, Sénateur
- CHEIKH Alia, Seine-Maritime, Conseillère municipale déléguée
- DALLET Antoine, Charente-Maritime, Conseil fédéral Charente-Maritime
- ENGELMANN Frédéric, Loire-Atlantique, Titulaire CNCF, SF44 Europe et international
- FROMENT Rubens, Rhône, Animateur Fédéral MJS 69
- GARRAUD Valerie, Seine-Maritime, Conseillère Départementale
- GÉRARD Adrien, Meurthe-et-Moselle, Secrétaire Général HES LGBTI+
- GONY Gilles, Paris,
- GUCKERT Olivier, Meuse, Premier secrétaire fédéral, élu municipal et communautaire
- GUILLORY Franck, Paris, BF / Co-secrétaire de section Paris Centre
- H’LIMI Elias, Val-de-Marne,
- HELLEU Gilles, Haute-Garonne, Secrétaire de section de Saint-Jean
- HIRIGOYEN Hervé, Haute-Garonne, Conseil fédéral aux discriminations du 31, Titulaire du CF 31
- HUBERDEAU David, Rhône, Coordinateur HES Lyon
- HUMPHREY James, Haute-Garonne,
- LAGARRIGUE Philippe, Aveyron, Secrétaire de Section
- LASNIER Philippe, Paris, Formateur national, CA, HES
- LAVALETTE Dominique, Oise, Conseillère départementale de l’Oise
- LEBON Luc, Paris, SF, CF, Maire Adjoint 11e arrondissement de Paris
- LEMAIRE Cédric, Oise, Maire-Adjoint, Trésorier Fédéral
- LEVESQUES Valerie, Seine-Maritime, CN SF
- LOISEL Maxime, Oise, SF à la mobilisation
- Martinet Stéphane, Paris,
- NICOLLET Lennie, Seine-Saint-Denis, Président de HES LGBTI+, Conseiller municipal de Romainville
- PAWELSKI Léa, Seine-Maritime, Conseillère départementale et adjointe au maire de St-Étienne-du-Rouvray, SF
- PIC Anna, Manche, Députée 1SF SN BN
- QUINQUETON Denis, Paris, ex-président d’HES
- RAFOWICZ Emma, Paris, Présidente des Jeunes Socialistes
- RAUX Thomas, Rhône,
- RICORDEL Sébastien, Seine-Maritime, CF
- RODRIGUES Maxime, Haute-Vienne,
- ROQUES Sophie, Bouches-du-Rhône, Adjointe au Maire de Marseille, Secrétariat Fédéral
- ROUVIÈRE Guillaume, Paris,
- ROY Clarisse, Oise,
- SIMONET Victoria, Paris,
- SMADJA-FROGUEL Catherine, FFE, SF à l’égalité
- THOMAS Vanessa, Loire-Atlantique, Suppléante CN
- VAUGLIN François, Paris, Maire du 11e arrondissement de Paris
- ZUCCHI Jérôme, Gironde,