Les deux structures LGBT de la majorité actuelle LREM et Modem ont diffusé un document listant des propositions LGBT qu’ils auraient travaillé « de façon approfondie ». Le résultat tient en vingt pages avec « 60 propositions » sur les droits LGBT+. Des propositions trop faibles, risibles s’il ne s’agissait pas de la vie quotidienne de citoyen·nes qui attendent toujours des progrès véritables…
Si loin du réel
La déconnexion avec le réel des militants de cette équipée « marchiste » est grande. On ne peut pas attendre de groupes LGBT officiels, se targuant d’être des membres de la majorité de ne faire qu’œuvre de SAV à moins de 8 semaines d’une élection majeure. Le tout, en guise de voiture-balai ou pour se faire uniquement l’écho des éléments de langage d’une majorité défaillante à de nombreux égards.
L’exercice critique n’est pas simple, et l’accompagnement d’une majorité au pouvoir est loin d’être facile. Mais il n’interdit ni le travail de fond – réel – ni une approche militante – réelle elle aussi sur des sujets dont on se veut militant et expert.
Force est de constater que la politique menée par Macron depuis 2017 est de droite et que la grande majorité des alliances (officielles ou de fait) de LREM pour les dernières élections, aux municipales 2020 (Toulouse, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Nice, Rouen, Aurillac, Le Havre, Clermont-Ferrand, Paris 5e et 9e, Angers, Albi, Tours, etc.) comme aux départementales et régionales 2021 (Grand Est, PACA, Hauts de France…), ont été scellées avec des élu·e·s/listes/programmes de droite LR/UDI qui ont très souvent été hostiles aux LGBT et à leurs droits… On a vu encore ces derniers jours l’UDI investir officiellement la députée aux propos LGBTIphobes Agnès Thill, dont LREM avait fait tout un cirque pour ne pas l’exclure en dépit de ses discours injurieux et haineux. Et d’autres personnes élues députés LREM en 2017 sont à présent derrière le candidat fasciste Zemmour… C’est dire.
Un document pas la hauteur des enjeux
Tout tient en 10 thématiques trop peu travaillées ! On regrettera ainsi la cruelle absence de données précises, d’objectifs chiffrés, de liens/sources d’infos ou d’arguments solides pour convaincre les élus/gouvernants réticents… Alors même que la majorité et ses élu·e·s disposent des accès à des données, des chiffres, des faits sur la nature réelle de l’évolution des droits LGBTI depuis 2017…
Les 20 maigres pages – dont 12 consacrées à ces pseudos « 60 propositions » – illustrent davantage un document alibi que de travail. À titre de comparaison, l’association APGL a sorti la semaine dernière 34 propositions rien que sur la parentalité et les familles LGBTI+.
Les parties sur le « bilan » LGBT (sur 20 points) de ce mandat sont très idéalisées, largement contestables (exemple : s’attribuer le vote très récent au parlement d’avancées sur la convention Aeras au sujet des questionnaires de santé des assurances votée CONTRE l’avis du gouvernement LREM), manquant de sincérité et avec des approches éloignées d’une mise en pratique. Les formulations : « commande de rapport… », « démarches entreprises pour… », « poursuite des actions… », « renforcement de la boite à outils… », « début d’enquête… », « adoption prévue… » et autre « projet de guide… » continuent d’illustrer le vague d’u travail fourni par cette majorité et le refus de ce gouvernement de travailler vraiment à concrétiser des avancées légales pour les LGBTI.
Une compilation de termes flous, de propos vagues, quand ils oublient aussi que des actions ont déjà été faites par d’autres, sans véritable engagement, ni chiffrage, ni calendrier : « sensibiliser, ouvrir un débat, favoriser, simplifier… ».
Il n’y a que 3 propositions sur la santé – dont aucune n’évoque le VIH-sida -, 2 uniquement sur les séniors, 2 sur l’éducation et la jeunesse — à raison avec le triste bilan du ministre Blanquer à l’Éducation et sur les questions LGBTI notamment.
Quant aux médias, à l’histoire, à la santé mentale, au handicap, aux libertés individuelles, à l’hôpital, aux droits et à la santé des trans, à la police, à la justice… Toutes ces thématiques et d’autres sont passées à la trappe purement et simplement. Ce régime minceur ne présage rien de bon pour les avancées des droits LGBTI dans les prochaines années…
Les personnes LGBTI+ et les associations attendent et méritent mieux pour l’égalité des droits et le retour de la France dans le Top 5 du classement Ilga-Europe que cette approche.
Propositions déjà réalisées, dangereuses ou farfelues
Le « Soyez fiers d’être des amateurs » revendiqué par le président sortant, ne peut pas être un mantra repris par ceux qui affichent de réfléchir profondément à des sujets. Le lot d’« angles morts » non traités revient presque à un aveuglement volontaire…
Il y a une proposition demandant le vote d’une résolution au Parlement européen pour faire interdire les « thérapies de conversions ». Cette résolution a déjà été votée… depuis le 1er mars 2018 (et vote similaire, à nouveau, 3 ans après, le 11 mars 2021). Recycler dans le vide des votes déjà acquis et parier sur l’amnésie des militant·e·s, est-ce une stratégie assumée ?
La proposition de l’« abrogation des infractions de proxénétisme » est, dans la formulation, très ambigüe à minima. Cela pourrait favoriser/légaliser les trafics humains et réseaux mafieux esclavagistes exploitant dans les pires conditions (avec souvent du chantage, des viols, des coups, des addictions induites et même des meurtres) les travailleur·se·s du sexe (TDS)…
Il ne peut pas être possible de s’approprier, sans vergogne, des progrès dus aux associations et à leur pression, dans des combats que LREM n’a pas portés et fait des propositions que le gouvernement a constamment refusées durant les années passées ! Mais bon, pourquoi se gêner : « plus c’est gros, plus ça passe » ?
Oser écrire que les jeunes trans seraient aidés en milieu scolaire alors que les brimades, harcèlements, mégenrages répétés par l’Éducation nationale, violences et même suicides se sont multipliés ces dernières années, avec des discours honteux de la part du ministre, est indigne.
Sur l’école, encore, proposer de « faire intervenir de manière obligatoire les associations de lutte contre les discriminations en classe de troisième » semble déjà ridicule en faisant des associations les auxiliaires obligés d’une éducation nationale incapable de se donner les moyens de travailler sur ces questions. Et c’est d’autant plus invraisemblable quand la dirigeante du conseil supérieur des programmes (CSP) nommée par Blanquer a très récemment estimé au Sénat que la lutte contre les discriminations (LCD) serait une « opinion » n’ayant pas sa place dans un programme scolaire et qu’on parlerait déjà trop des LGBT+ dans les collèges ! Vous ne rêvez pas, nous sommes toujours en 2022.
Les rendez-vous électoraux ne permettent pas tout
Comble du cynisme électoraliste, ils prétendent soudain vouloir « renforcer l’octroi de l’asile pour les personnes LGBT+ » alors même que pendant 5 ans, la réalité de terrain pour les migrants et réfugiés LGBTI+ s’est complexifiée et dégradée de manière tristement spectaculaire (et au passage les demandes de titres de séjour à des fins de soins médicaux pour les personnes séropositives ont même été transférées à l’OFII avec à présent… quasiment zéro dossier validé !).
Si les militantes et militants des droits LGBTI ont pu voir un net progrès par rapport à leurs « idées » pour les régionales et départementales de 2021, qui pouvaient tenir sur une feuille A4 recto verso au maximum, le compte n’y est toujours pas.
On trouvera remarquable que, pour des groupes militants, pas un mot, pas une analyse ne soit faite sur les piteux résultats de la France entre 2018 et 2021 dans le classement annuel ILGA-Europe (malgré quelques grotesques manipulations de la part de LREM et de ministres lors des sorties pour cacher la vérité ces dernières années).
HES s’étonne aussi de la mention appuyée dans les remerciements visant « le groupe SOS » (grande entreprise très largement arrosée d’argent public venant de votes de majorités de tous bords politiques, au plan national et local) pour un document partisan. Alors que son dirigeant a été gravement mis en cause (dans la presse nationale) pour des attouchements supposés envers de jeunes collaborateurs gays, et qui siège au bureau exécutif de LREM : quelle a été la nature de son aide à deux associations partisanes incluses dans LREM ?
HES donne rendez-vous vendredi 11 février pour la diffusion de son Manifest’HES 2022
Nous donnons rendez-vous demain aux associations LGBTI (et à tou·te·s les défenseur·e·s de l’égalité des droits et du progrès) soucieux de voir les droits progresser vraiment, pour lire nos propositions pour 2022 et au-delà, réalistes, mais ambitieuses, précises et détaillées à travers… 600 mesures !