Alors que la communauté internationale se réunissait pour sécuriser les financements du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme pour la période 2027 – 2029, la France a choisi le silence. Pour la première fois, le Président de la République n’a ni participé à la conférence de reconstitution ni annoncé la moindre contribution française.
Ce désengagement est grave car il met en péril des millions de vies, rompt avec l’héritage français en santé mondiale et tourne le dos aux populations les plus vulnérables.

1) Le désengagement français dans un contexte de crise mondiale

Le 21 novembre, à Johannesburg, se tenait la 8ᵉ conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le VIH/​sida, la tuberculose et le paludisme. Instrument central de la santé mondiale depuis plus de vingt ans, le Fonds a déjà permis de sauver des dizaines de millions de vies et de financer traitements, dépistages et programmes de prévention dans plus de 100 pays. Cette année, les engagements annoncés atteignent 11,34 milliards de dollars, très en-​deçà de l’objectif de 18 milliards jugé nécessaire pour la période 2027 – 2029. La France, deuxième contributeur historique du Fonds et acteur clé de sa création, a choisi de ne pas être au rendez-​vous : Emmanuel Macron n’a pas pris part au sommet, et aucune promesse de contribution française n’a été annoncée pour le prochain cycle. C’est une rupture majeure avec l’engagement initié au début des années 2000 et réaffirmé en 2019, lorsque la France présidait elle-​même la conférence de reconstitution à Lyon.

Ce retrait intervient alors que la lutte mondiale contre le VIH/​sida traverse une crise inédite. La suspension du programme américain PEPFAR, pilier de la réponse internationale, fait peser une menace directe sur l’accès aux traitements et à la prévention pour des dizaines de millions de personnes. Les estimations de l’ONUSIDA montrent qu’un arrêt durable de ces financements pourrait entraîner plusieurs millions de décès supplémentaires liés au VIH/​Sida, des millions de nouvelles infections et des centaines de milliers d’enfants orphelins d’ici 2029.

Dans le même temps, une étude publiée en 2025 sur l’impact de la possible disparition de l’USAID en matière de santé mondiale alerte sur plus de 14 millions de décès évitables d’ici 2030, dont 4,5 millions d’enfants de moins de cinq ans, si les coupes budgétaires se poursuivent. Au lieu de compenser ces reculs, la France choisit de se désengager, y compris sur son aide publique au développement, de nouveau amputée dans le budget 2026. Pour les personnes vivant avec le VIH, pour les communautés les plus exposées – en particulier les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les travailleuses et travailleurs du sexe, les usager·es de drogues, les femmes et les jeunes des pays du Sud – cette combinaison de décisions se traduit concrètement par des ruptures de soins, des programmes de prévention annulés et des morts évitables.

Les organisations mobilisées autour de la conférence de Johannesburg estiment qu’en l’absence de contribution française au niveau précédent, ce sont notamment :

  • plus de 2 millions de vies qui pourraient être perdues 
  • près de 3 millions de personnes privées d’un traitement antirétroviral 
  • 57 millions de personnes privées d’un dépistage pour la tuberculose 
  • plus de 200 millions de moustiquaires contre le paludisme qui ne seront pas distribuées

En se retirant des dispositifs multilatéraux de santé, la France et les Etats-​Unis abandonnent la promesse d’un monde sans sida en 2030 et tournent le dos aux populations les plus vulnérables.

2)  Remettre la France au rendez-​vous de la solidarité internationale

Face à cette situation, nous appelons le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement à prendre immédiatement leurs responsabilités. Pour que la France cesse d’être complice d’un recul historique de la santé mondiale, nous demandons :

  • Une contribution française immédiate au Fonds mondial, au moins au niveau annoncé en 2022, sans euro de moins, afin de combler une partie de l’écart avec l’objectif global de 18 milliards de dollars
  • L’inscription pérenne des financements de santé mondiale dans la loi de finances, en redirigeant pleinement les taxes de solidarité internationale (taxe sur les transactions financières, taxe sur les billets d’avion) vers leur objet initial : la lutte contre les grandes pandémies et le renforcement des systèmes de santé
  • Un arrêt des coupes dans l’aide publique au développement consacrée à la santé, avec une trajectoire d’augmentation pluriannuelle cohérente avec les engagements internationaux de la France
  • L’association pleine et entière des associations de lutte contre le VIH/​sida, à l’élaboration d’une stratégie française de santé mondiale, fondée sur les droits humains, l’égalité et l’accès universel aux soins
  • Une initiative diplomatique française pour compenser les reculs américains, en mobilisant les autres États et les financeurs privés afin de sécuriser durablement les programmes de traitement, de prévention et de réduction des risques

La santé est  un bien public mondial et la  France doit choisir son camp. Soit elle reste fidèle à l’héritage qui l’a vue à l’avant-garde de la création du Fonds mondial, soit elle accepte que des millions de vies  deviennent les victimes collatérales de décisions budgétaires à courte vue.