HES est cosignataire d’une tribune parue dans Libération ce jour. Le débat sur les modes de filiation à établir dans la prochaine révision de la loi, doit se faire sans anathème et en gardant à l’esprit que cette révision doit d’abord et avant tout ouvrir la PMA à toutes les femmes.

Voici le texte d’une tribune parue dans Libération ce jour, sur la prochaine réforme de la filiation.

HES défend depuis longtemps le principe d’une déclaration anticipée de filiation (filiation et autorité parentale dans noter Manifest’HES) pour les couples ayant recours à la PMA ou la GPA Défenseur des droits avait lui-​même rendu un avis défendant la « déclaration commune anticipée de filiation ».

Les débats actuels autour de ce que seront les arbitrages de l’exécutif avant le projet de loi pour la PMA (si tant est qu’il arrive un jour sur le bureau du législateur), autour de la filiation, des déclrations anticipés, des mentions sur les actes officiels, ne doivent pas faire oublier un point et un seul : l’ouverture de la PMA à toutes les femmes n’a été que trop attendue par nos concitoyennes et par toute la société française. Il ne saurait être question de reporter, attendre, ou retarder davantage une mesure sur la seule base de la divergence d’opinions entre des associations qui demandent TOUTES l’ouverture de la PMA.

 

La réforme bioéthique ouvrant la PMA à toutes les femmes traitera de l’établissement de la filiation en cas de recours au don. À ce sujet, une tribune est parue dans Libération le 3 mai dernier, accusant les partisans d’une « déclaration commune anticipée de filiation » de vouloir stigmatiser les enfants. Cette tribune invente de toutes pièces un marquage à l’état civil, « conçu par don », que personne n’a jamais proposé. Mais ce n’est pas tout. Dans son ardeur à dénoncer de prétendus dangers, elle fait défiler toutes les composantes du discours le plus traditionaliste sur le don.

Ce serait une « information médicale confidentielle » appartenant aux parents et « totalement privée » ; il ne faudrait pas que l’enfant « puisse découvrir un jour sur son état ­civil qu’il est issu d’un don ». Au point d’en arriver à des phrases présentant le don comme une honte : « Veut-​on vraiment révéler à son conjoint qu’on est né d’un don ? » ; « Veut-​on qu’on sache que nos parents ont eu recours au don ? »

Sous prétexte de dénoncer un stigmate imaginaire, voilà qu’on se met à stigmatiser pour de bon.

Cette rhétorique est, hélas, bien connue. C’est celle qui s’est imposée il y a cinquante ans, quand on pensait que pour être « une famille comme les autres », il fallait passer pour une famille biolo­gique. Le recours au don devait être secret. Tout a été fait pour cela, jusqu’à sélectionner un donneur du même groupe sanguin que le père stérile. Le droit a apporté sa contribution : en établissant la filiation comme si les parents étaient les deux géniteurs et en anonymisant à jamais le donneur, on escamotait le don.

Ainsi, pour « protéger » ces familles, on a renforcé un insidieux et terrible stigmate : celui qui vient de l’intolérance sociale. Car le recours au don n’a rien de honteux ! Ce qui le rend honteux, c’est que la médecine l’organise tout en le dissimulant, que le droit transforme les parents sté­riles en faux géniteurs et leurs enfants en passagers clandestins de la parenté. Les grandes victimes de ces montages, ce sont des dizaines de milliers de familles, enfermées dans les secrets et les mensonges, et surtout les enfants, privés par l’État du droit de connaître leur propre histoire et d’accéder à leurs origines.

Aujourd’hui, l’enjeu est de sortir enfin de ce stigmate. La majorité des parents veulent assumer le don. Les professionnels les y incitent. La première génération de personnes conçues par don sort de l’ombre et revendique la fierté d’être soi. Elle défend ses parents, et réclame le droit de pouvoir connaître l’identité du donneur, qu’elles n’ont jamais pris pour un père.

Parallèlement, dans l’attente de la réforme nombre de couples de lesbiennes ont réalisé une PMA à l’étranger. Dans leurs familles, le recours au don est évident, connu de tout l’entourage, et les enfants savent comment ils ont été conçus. En un mot, ces familles revendiquent le don. Ce faisant, elles révèlent l’enjeu politique essentiel. Le don n’est pas une question « privée » de « conception » (comme disent nos détracteurs), c’est une question sociale de filiation. Ce qui pour les médecins est une technique, est pour les parents une façon nouvelle de faire famille.

Dans un tel contexte, on comprend mal que certains militants des droits LGBT+ se mettent ­subitement à défendre la vieille logique du secret. Celui-​ci est ­impossible pour les familles ­homoparentales. Pour leurs ­enfants, de toute façon, il faudra instituer une modalité nouvelle d’établissement de la filiation. « Présomption de comaternité » et « reconnaissance » (pour la mère sociale) ou « déclaration commune anticipée de filiation » (pour les deux), quelle que soit la solution choisie, elle signifiera que le couple a eu recours au don.

Et pour les autres familles, quelle bonne raison peut-​on avoir en 2019 de les enfermer dans le modèle « ni vu ni connu » ? C’est creuser l’écart entre les familles hétéroparentales et homoparentales, maintenir les premières dans le pseudo-​biologique et isoler les secondes, comme si elles étaient les seules issues de don. C’est pourquoi nous pensons que la meilleure solution est d’instituer une nouvelle modalité d’établissement de la filiation, iden­tique pour toutes les familles, que les parents soient mariés ou non mariés, de sexe différent ou de même sexe : la « déclaration commune anticipée de filiation ».

Elle seule garantit l’égalité des droits à tous les enfants.

Mais elle a aussi une profonde ­signification pour les parents : car elle institue enfin une façon d’établir la filiation qui reconnaît leur démarche. Lorsqu’ils consentent au don en France chez le notaire (ce qui est obligatoire) ou même à l’étranger, ils s’engagent à devenir les parents de l’enfant qui naîtra du don. Quand ils pourront signer une « déclaration commune », leur engagement ­deviendra explicite et solennel. Il valorisera ce qui pour eux est ­capital, la dimension solidaire de leur projet parental et le refus de toute hiérarchie entre le parent biologique et celui qui ne l’est pas.

On le voit, l’objectif n’est pas de « forcer » les parents à dire la ­vérité à l’enfant. Les enfants adoptés ont toujours eu dans leur état civil intégral la mention du jugement d’adoption. Qui oserait dire que cela les stigmatise ? C’est la même logique de reconnaissance que nous plaidons pour l’engendrement avec tiers donneur : assurer aux enfants une ­filiation qui ne soit plus faite pour effacer leur histoire. De surcroît, nous soutenons la proposition de réduire drastiquement les cas où l’état civil intégral des personnes est exigé. Cherchez le stigmate !

Le temps est venu pour la France de dire ce qu’elle pense des familles issues de don. Deux grandes voies s’opposent. D’un côté, la Manif pour tous, qui les a toujours considérées comme illégi­times, n’hésite pas à demander désormais l’interdiction générale du don de sperme, au motif que le seul « vrai » parent serait le parent biologique. De l’autre côté, se tiennent celles et ceux qui considèrent, comme nous, que le recours au don est une façon belle et digne de faire des familles, qu’elles soient hétéroparentales ou homoparentales.

Notre devoir est alors de leur offrir une vraie reconnaissance dans notre droit commun, avec une priorité : défendre les droits des enfants conçus par don à leur histoire, et à la possibilité de connaître leurs origines. C’est tout le sens de la « déclaration commune anticipée de filiation ».

Associations signataires : Associations des familles homoparentales (ADFH), Centr’Égaux, Les cigognes de l’espoir, Homosexualité et socialisme (HES), Mousse, PMAnonyme, Réseau fertilité France, Stop homophobie.

Premiers signataires : Régine Barthélémy, Avocate, membre du bureau du Conseil national des barreaux ; Dominique Bertinotti, Ancienne ministre à la Famille ; Jérôme Courduriès, Anthropologue ; Geneviève Delaisi de Parseval, Psychanalyste ; Gwendoline Désarménien, Assistante de direction, mère grâce à une PMA ; Étienne Deshoulières, Avocat ; Caroline Eliacheff, Pédopsychiatre ; Françoise Fabiani-​Braibant, Avocate aux Conseils ; Agnès Fine, Anthropologue ; Martine Gross, Sociologue ; Serge Hefez, Psychanalyste ; Danielle Hervieu-​Léger, Sociologue ; Fabien Joly, Avocat ; Marie-​Christine Le Boursicot, Conseillère honoraire à la Cour de Cassation ; Marie Labory, Journaliste, mère grâce à une PMA ; Séverine Mathieu, Anthropologue ; Caroline Mécary, Avocate ; Dominique et Sylvie Mennesson, Co-​présidents de CLARA ; Jennifer Merchant, Politologue ; Jean-​Pierre Michel, Ancien sénateur ; Pierre-​André Moretti, Notaire ; Israël Nisand, Gynécologue, fondateur du Forum européen de bioéthique ; Laëtitia Poisson-​Deleglise, Présidente de MAIA ; Denis Quinqueton, Codirecteur de l’Observatoire LGBT + de la Fondation Jean-​Jaurès ; Marianne Schulz, Juriste ; Evelyne Sire-​Marin, Magistrate ; IrèneThéry, Sociologue ; Françoise Thouin-​Palat, Avocate aux Conseils ; Laurent Toulemon, Démographe ; Soline de Warren, Metteuse en scène, mère grâce à une PMA.