Tribune cosignée par Flora Bolter, co-référente de Fiertés en commun, plateforme LGBT+ de Paris en Commun, Mélissa Bacholle, coresponsable de la commission parisienne de Fier·e·s et Révolutionnaires (commission LGBTQI+ du PCF), Lennie Nicollet, Président d’HES, Socialistes LGBT, et Malorie Peyrache, Référente nationale du comité LGBTI de Génération·s
La tribune est parue sur le Huffington Post le 10 mars 2020
Aujourd’hui en France, l’assistance médicale à la procréation (PMA) est encore réservée aux seuls couples hétérosexuels, et son ouverture plus large, proposée depuis 2012, est encore à l’examen par notre Parlement. Dans ce feuilleton interminable, l’article 1 de la loi de bioéthique ouvrant la PMA à toutes les femmes vient d’être voté début février par le Sénat, ce qui est une avancée.
Hiérarchisation des familles
Mais cette avancée s’est faite au prix de reculs inacceptables par rapport au texte initial, déjà imparfait, et le modèle de société proposé par cette nouvelle version est marqué par la hiérarchisation des familles et le refus de sécuriser les liens de filiation : il remplace l’interdiction actuelle par un système de discriminations institutionnalisées.
Comme personnes LGBT+, nos couples et nos familles existent déjà, avec ou sans mariage, et sont des familles comme les autres. Comme associations représentant au sein de partis politiques les personnes LGBT+ et leurs droits, nous ne pouvons que constater les effets délétères qu’aurait pour nous et pour toutes les personnes LGBT un vote à l’identique par l’Assemblée nationale, et appeler les député· e· s à corriger ce qui peut l’être dans l’intérêt des valeurs d’égalité que nous défendons et dans celui des familles dans toute leur diversité.
Nous regrettons les atermoiements politiques depuis 2012, y compris lorsqu’ils étaient le fait d’une majorité de gauche, et nous saluons le progrès que représentera malgré tout l’ouverture de la PMA aux lesbiennes et aux femmes célibataires.
Une filiation dès la naissance avec les deux mères
Mais nous ne pouvons cautionner un système qui rembourserait les frais de PMA pour les couples hétérosexuels uniquement, comme si leurs projets parentaux seuls méritaient la solidarité de notre sécurité sociale. Nous rejetons le classisme de ce choix à deux vitesses, qui réserve de fait la PMA aux seules femmes riches. Nous avons déjà pu constater les effets délétères sur les couples de femmes et leurs enfants de la longue et usante procédure d’adoption par la seconde mère, et nous n’acceptons pas que continuent les drames de séparation que cela entraîne : il est temps d’établir une filiation dès la naissance avec les deux mères.
Sécuriser les familles homoparentales dès la naissance est une exigence dans l’intérêt même des enfants ; et la procédure pour ce faire doit être la même pour les couples de femmes et les autres couples. La retranscription de l’état civil des enfants issus de GPA à l’étranger est un autre moyen de sécuriser les liens familiaux dans l’intérêt des enfants : en rejetant sa simplification, le Sénat contribue à maintenir des familles, notamment homoparentales, dans la précarité (et s’oppose à la jurisprudence de l’arrêté n°1112 de la Cour de cassation du 18 décembre 2019).
Enfin, nous pensons que tous les projets parentaux, y compris par double don, de personnes en mesure de porter une grossesse, qu’elles soient cis ou trans, ont le droit d’être considérés et accompagnés médicalement, sans considération d’état civil et sans conditionnalité à géométrie variable.
Appel aux député·e·s
La navette parlementaire fera, nous l’espérons, son œuvre ; les décrets d’application et d’organisation opérationnelle rajouteront ensuite encore des délais. Ce sont les mairies qui accueillent l’état civil, les mairies et les départements qui accompagnent au quotidien les parents par les services de proximité et les services sociaux. Nos élu·e·s dans les communes et les départements sont engagés au quotidien pour accompagner toutes les familles avec le même respect ; ils savent leurs besoins et connaissent les difficultés que cause le système actuel.
Parce que nous portons avec fierté ces valeurs au plus près de nos administré·e·s, nous demandons aux députés·e·s de permettre réellement à toutes les personnes qui attendent l’ouverture de la PMA depuis si longtemps de donner corps à leurs projets de vie et de ne pas décevoir leurs attentes.