En déposant une contribution à la convention du PS “le temps des femmes”, HES LGBTI tient à réaffirmer que les droits des femmes et les droits des LGBT sont toujours liés. Partout dans le monde, là où les droits des femmes régressent, les droits des personnes LGBT sont également menacés : cette évidence mérite pourtant d’être rappelée.
À l’heure où les médias, l’extrême droite, une droite réactionnaire et malheureusement parfois aussi une partie de la gauche semblent céder aux paniques morales qui voudraient nous faire placer la biologie au coeur du féminisme, HES souhaite apporter sa réflexion et son regard sur des sujets essentiels pour les militant.es socialistes que nous sommes.
L’émancipation, l’autodétermination et la prise en compte dans la construction de notre projet politique des personnes lesbiennes, bies et trans (LBT) sont pour nous au cœur du temps des femmes.
I) Violences de genre : les lesbiennes, les femmes bi et les personnes trans (LBT) aussi.
1 – Lutter contre les violences sexistes et sexuelles envers toutes les femmes
Présentée comme grande cause des quinquennats d’E.Macron, les violences sexistes et sexuelles ont fait l’objet d’un dispositif législatif renforcé mais insuffisant, le nombre de féminicides ne baisse pas. Ces crimes sont systémiques, leur origine se trouve au cœur même de notre société, au cœur du patriarcat.
La Convention d’Istanbul, ratifiée par la France en 2014 et par l’Union Européenne depuis juin dernier, à partir de laquelle la France doit construire des politiques publiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, s’appuie sur la notion de genre (et non de sexe biologique) qu’elle définit comme « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes ».
L’obligation de mesures de protection dépourvues de toute discrimination imposée par la Convention d’Istanbul implique notamment la protection des personnes transgenres et des personnes cisgenres homosexuelles et confirme le rôle central des acteurs associatifs et de terrain dans la construction de politiques publiques contre les VSS.
La présentation dans le débat public des violences conjugales induit un caractère fortement hétéronormé alors que les violences sexistes et sexuelles existent aussi dans les couples LBT.
Une enquête de l’INED, publiée en 2021, montre que les femmes lesbiennes et bisexuelles sont touchées par une violence spécifique et confirme une surexposition des minorités sexuelles et de genre aux violences dans la famille et dans l’espace public par rapport aux hétérosexuel·le·s. Les violences dans les couples de femmes revêtent davantage une dimension psychologique. Ces chiffres, premiers dans leur approche intersectionnelle, permettent de montrer scientifiquement la réalité des violences que les femmes LBT subissent. Ce sont des données qu’il faut prendre en compte pour des politiques publiques en matière de lutte contre les VSS.
Selon le dernier rapport de SOS homophobie, 12% des cas de lgbtphobie rapportées à l’association sont spécifiquement lesbophobes. Ces violences prennent place principalement dans le cercle familial (pour 28 % des cas), suivi par le cadre professionnel (13 %), le voisinage (9,5 %) et le milieu scolaire (9,5 %) et elles sont partie intégrante des violences sexistes.
En plus des mesures qui devront être prises pour une meilleure prise en compte des violences sexistes et sexuelles – formation des magistrats, des policiers, développement de points d’accueil en lien direct avec les commissariats – nous proposons :
- un travail de données et d’études mené par les pouvoirs publics dans les couples LGBT permettant une prise en compte dans leur spécificité des VSS
- une meilleure formation du personnel accueillant des victimes de VSS à l’accueil d’un public LGBT
2) Pour une plus grande visibilité
Les femmes lesbiennes ont été à l’avant garde dans les combats féministes (au sein du Mouvement de Libération des Femmes – MLF – par exemple) et elles l’ont été aussi dans les combats LGBT+ (au sein du Front homosexuel d’action révolutionnaire – FHAR – qu’elles ont ensuite quitté pour créer “les gouines rouges”) en étant souvent “oubliées” de l’histoire officielle de ces luttes.
Les femmes lesbiennes et bisexuelles (cis ou trans) sont à la croisée d’une double discrimination, celle liée au genre et celle liée à l’orientation sexuelle et parce que les mots sont l’expression d’une existence et de ce qui fait société, les lesbiennes ont longtemps souffert (et continuent de souffrir) d’un effacement et d’une invisibilisation de leurs parcours de vie, ou d’une hypersexualisation vue sous le prisme d’un regard masculin et hétérosexuel. L’utilisation du terme « lesbophobie » est récent et que ce n’est qu’en 2019 que google a changé son algorithme pour que le terme « lesbienne » ne soit plus associé à de la pornographie.
De même que les femmes ne sont pas un sous-groupe d’une communauté républicaine faussement universelle car essentiellement masculine et patriarcale, les femmes lesbiennes ne sont pas une sous-communauté dans une communauté LGBTI+, surtout empreinte d’une visibilité essentiellement gay. Nommer la lesbophobie, utiliser le terme lesbienne dans les espaces de socialisation, dans les mouvements LGBTI+, et dans les approches politiques, c’est reconnaître les combats, les droits à conquérir, les politiques publiques à construire en direction des femmes lesbiennes.
Le manque de visibilité des femmes LBT se retrouve hélas dans les médias (même pour les sujets qui les concernent), dans les milieux économiques, dans les partis politiques. En son temps, la Députée-Maire Françoise Gaspard a longtemps été la seule femme politique ouvertement lesbienne dès les années 80. Il faudra ensuite attendre les années 2010 pour que la sénatrice Corinne Bouchoux fasse son coming out et…2023 pour qu’une membre du Gouvernement, Sarah El Hairy fasse de même.
Le Parti Socialiste pourra engager une démarche volontariste en matière de visibilité :
- dans les communes qu’il dirige en encourageant la nomination de rues et de lieux publics de femmes lesbiennes, bi ou trans (et les méritantes ne manquent pas : Bambi, Rosa Bonheur, Claude Cahun, Colette, Ovida Delect, Marielle Franco, Loïe Fuller, Nadine Huong, Andrée Jacob et Eveline Garnier, Marsha P. Johnson, Elsa Kotchever, Sappho, Rose Valland, Renée Vivien, Monique Wittig…)
- en proposant ou soutenant des manifestations publiques à l’occasion de la journée de la visibilité lesbienne et de la journée de la visibilité trans
- en s’assurant d’une représentativité des femmes LBT dans ses instances et dans les candidat.es qu’il investit
- en favorisant l’inclusivité des formulaires (y compris dans ses formulaires internes)
II) Droit à disposer de son corps : pour l’égalité des couples et des personnes de toute orientation sexuelle et de toute identité de genre
1) Pour un accès réel et égal à la PMA
L’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes revêt une dimension féministe puisque pour la 1ere fois, une filiation sans père est devenue possible et légale. Depuis l’adoption de la loi de bioéthique de 2021, seulement 21 naissances ont été comptabilisées dans ce cadre par l’agence de Biomédecine fin 2022 et plus de 23 000 demandes seraient en attente depuis l’entrée en vigueur de la loi. Plus de la moitié de ces demandes concernent des femmes seules. Par manque de courage et de volonté politique, des milliers de femmes et de couples se retrouvent confrontés à des parcours interminables, avec peu d’espoir d’aboutissement de leur projet parental dans un parcours légal en France. En sus des inégalités territoriales, l’inégalité d’accès à la PMA est sociale : les informations sont difficiles d’accès et tou•te•s n’ont pas les moyens financiers de se reporter sur un parcours à l’étranger – payant – pour pallier les déficiences du parcours en France. De plus, la loi bioéthique a créé avec la reconnaissance conjointe anticipée (RCA) pour les seuls couples de femmes une discrimination légale qu’il conviendrait d’abroger.
Nous sommes favorables à la mise en place de plusieurs mesures pour sortir de cette impasse dans lequel les gouvernements Macron et leur majorité parlementaire ont enfermé ces projets parentaux :
- la reconnaissance anticipée de parentalité doit pouvoir se faire gratuitement en mairie et non devant un notaire
- Autoriser la méthode ROPA (Réception de l’Ovocyte par la Partenaire) qui permet le don d’ovules entre deux femmes en couple
- le renforcement et l’implantation de CECOS dans les zones sous dotées et une harmonisation de leurs pratiques pour une égalité territoriale
- Agir pour une harmonisation européenne de l’âge légal pour bénéficier d’un transfert d’embryon ou d’une insémination artificielle
- Permettre le don relationnel (ou don fléché) d’un tiers donneur identifié qui accepte de donner ses gamètes à un couple ou à une femme seule sans être parent
- Autoriser l’auto-conservation de gamètes pour toutes les personnes, hors raison médicale et sans limite d’âge, et utilisation simplifiée
- Refondre la procédure de don de gamètes pour la simplifier, la dépathologiser et la rendre plus rapide pour les donneur.se.s
- Organiser une vaste campagne d’incitation aux dons de gamètes
- Ouvrir le doit aux personnes trans à pouvoir faire des dons de gamètes sans condition particulière
- Systématiser les plans de sensibilisation à la lesbophobie et à la transphobie dans les CHU et les administrations de la CAF, de la CPAM et des collectivités territoriales. Sensibiliser les associations de représentants d’usagers à la transphobie et la lesbophobie.
- Ouvrir la PMA à toutes les personnes en capacité de porter une grossesse afin de mettre fin à la discrimination créee par la loi bioéthique à l’égard des hommes trans.
2) Pour une médecine inclusive
Nous militons également pour un accès aux soins plus respectueux des femmes et des personnes LBT, de leur parole et de leur intégrité physique et sexuelle. En effet, la biologie si elle joue un rôle évident en santé est loin d’être neutre dans son approche : la norme sociale étant tout d’abord cisgenre, hétérosexuelle et au fondement patriarcale, les personnes lesbiennes et trans sont de fait marginalisées. Ces approches de santé profondément hétéro et cis normées doivent être déconstruites à l’aide de politiques publiques volontaristes et nous militons pour :
- un droit à la santé et un accès aux soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire
- un système et des acteurs de santé publique respectueux des personnes
- construire des parcours de soin éthiques
- une meilleure formation du personnel soignant aux bonnes pratiques et aux problématiques rencontrées par les LBT
- associer les acteurs concernés à la définition des politiques de santé publique, y compris dans les Conseils d’administration des hôpitaux publics
- adapter l’offre de soins aux besoins s’agissant de l’accompagnement des transitions de genre
III) Pour l’égalité réelle de toutes et de tous : lutter contre les stéréotypes et représentations sexistes y compris dans leurs dimensions homophobes, lesbophobes, biphobes et transphobes
1) Déconstruire les stéréotypes de genre et lutter contre les LGBTphobies dans les parcours scolaires
Les violences systémiques liées au genre sont celles les plus ancrées dans nos sociétés et l’éducation à l’égalité des sexes et la lutte contre les stéréotypes de genre sont donc indispensables pour faire évoluer les mentalités. Le sexisme, l’homophobie, la transphobie ont un seul terreau commun : le patriarcat.
Aujourd’hui, plus de 22 % des jeunes de moins de 30 ans disent ne pas se reconnaître ni dans le genre féminin ni masculin (sondage IFOP novembre 2020). Nous ne devons pas y voir un danger, mais le signe d’une évolution sociétale à écouter et à prendre en compte. La remise en question de la binarité du genre est aussi une expression de la lutte contre les violences systémiques qui sont liées au genre. La lutte contre les préjugés, la haine et les stéréotypes de genre doit devenir une politique publique à part entière.
Selon une enquête de #NousToutes parue début 2022, seules 13 % des 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité promises dans les collèges et lycées, dans nos lois (depuis 2001 !) sont bien réalisées. Le même rapport questionne sur le contenu et la qualité des rares séances menées, centrées sur « une approche purement biologique de la vie affective et sexuelle » sans y aborder de manière juste et efficace le plaisir des femmes.
Il faut qu’une évaluation, indépendante des services du ministère, puisse évaluer l’effectivité des « 3 séances annuelles » (déjà insuffisantes) d’éducation sexuelle en cours réguliers sur tout le territoire.
Dans ces cours, nous sommes favorables à ce que soient intégrées correctement et de manière non normative, les différentes orientations sexuelles et identités de genre, sans cantonner les contenus des cours d’éducation sexuelle et affective à la seule biologie, aux questions de reproduction ou de santé sexuelle, mais aussi aux relations affectives, au consentement et aux rapports de domination.
2) La lutte contre la transphobie, corollaire des luttes féministes
Le fait que le masculiniste en chef de ce monde, Vladimir Poutine, désigne la transidentité comme la marque emblématique de la dégénérescence de son ennemi, l’occident , démontre bien où est la frontière du combat féministe au XXIe siècle. Les mouvements féministes doivent assumer l’absolue nécessité d’intégrer les nouvelles identités trans, et les récits variés de vie trans qui se multiplient partout sur la planète dans le matériel de lutte contre les stéréotypes de genre. Ne pas le faire, c’est donner à penser que l’état de nature biologique est le socle unique de toute vie humaine. Les attaques contre les traitements hormonaux de substitution des personnes trans ne sont que les ballons d’essai avant des attaques contre les moyens de contraception des femmes cisgenres, qui profitent des mêmes progrès et connaissance des métabolismes hormonaux.
Nous réaffirmons ici qu’une femme trans est une femme et Il est essentiel d’argumenter en faveur de la dignité humaine, des droits de tou·te·s à la fois dans le cadre de la législation française et dans les textes et engagements internationaux de notre pays. Exclure, par essentialisation et dans une lecture biologisante, les personnes trans parce qu’elles ne seraient pas « nées » dans le bon genre, est une erreur et une démarche qui s’oppose à la fois à une vision émancipatrice de la société et crée des cadres de lecture qui mènent à des visions réactionnaires et intégristes.
En tant que militant.es socialistes, féministes et LGBT+, nous portons le simple et pourtant si important principe de l’autodétermination, tel qu’il est d’ailleurs adopté par le Conseil de l’Europe depuis 2015. Chacun.e peut se déterminer (orientation sexuelle, genre) comme il et elle le souhaite : c’est cela l’émancipation, chère au cœur des socialistes.
Nous souhaitons que le Parti Socialiste se positionne de manière plus certaine sur la défense des personnes transgenres, lui qui a été le dernier parti à légiférer en 2016 sur les procédures de transition, en démédicalisant le changement de genre et en simplifiant le changement de prénom, et nous souhaitons qu’il porte demain les prochaines avancées notamment le changement de genre sur simple demande à la mairie.
La France doit pouvoir reprendre demain grâce aux socialistes le chemin de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, le chemin de l’égalité des droits, du respect de chacun.e, de la défense des minorités et des plus fragiles d’entre nous.