Les Forums de la refondation du PS étaient organisés autour de questons auxquelles nous avons voulu répondre : Quel regard portez-​vous sur la conquête et l’exercice du pouvoir ? Quels sont les grands défis pour le Parti socialiste ? Quelles sont les valeurs et l’identité des socialistes  ? Quels sont les grands défis pour la France  ? Comment vois-​tu notre pays dans 20 ans  ? Voici notre réponse à la première question.

Ce qui frappe, d’abord, c’est le bilan, respectable, de l’action des gouvernements et des groupes parlementaires sur la période 2012 – 2017 : ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels, intégration de la lutte contre les discriminations et la haine anti-​LGBT+ dans les missions de l’État (transformation de la DILCRA en DILCRAH), nomination d’un Défenseur des droits devenu attentif aux questions LGBT+, démédicalisation du changement de la mention du sexe à l’état civil. Cinq années de progrès comme nous n’en avions peu connu. Satisfaction immédiatement douchée par un abandon majeur – l’ouverture à toutes les femmes de l’accès à la PMA – un calendrier inapproprié et une incapacité confirmée du Parti socialiste à entretenir un dialogue au long cours, constructif, avec la société civile. Il en résulte un mandat perçu, au mieux, comme décevant.

On a beaucoup écrit et dit sur l’abandon de l’ouverture à toutes les femmes de l’accès à la PMA. On s’est demandé si ce que l’on dit dans deux interviews vaut autant que ce que l’on dit dans un discours de lancement de campagne, dans un meeting associatif ou dans un programme électoral. C’est confondre la vie politique avec un inventaire notarié et signifier que la parole publique n’est que de peu de valeur. Le bénéfice de l’exercice ne saute pas aux yeux. On a dit que l’abandon se justifiait pour ne pas effaroucher davantage les opposants au projet de mariage pour tous. S’il n’avaient plus ce sujet-​là, un autre faisait l’affaire. Nous n’étions pas en train de négocier une augmentation du salaire horaire moyen, on écrivait ce qu’on voulait comme société pour demain, quelles lois voulait-​on pour encadrer les familles du 21e siècle. Et les opposants au projet n’était pas là pour obtenir une concession mais pour opposer en bloc leur modèle, inégalitaire, injuste, au modèle que nous sommes nombreux à défendre.

La critique sur le calendrier de la réforme est à la fois juste et injuste. Il est juste car un vote rapide, dans les tous premiers mois du quinquennat, de ce projet de loi aurait évité la mobilisation du camp réactionnaire sur une mesure aujourd’hui très peu contestée y compris par de farouches opposants d’alors. Mieux, c’est la mesure la plus positivement jugée du quinquennat ! Un travail rapide, pendant ou juste après l’été aurait sans doute aidé la société française à se concentrer sur d’autres débats essentiels pour notre avenir. Elle aurait également donné corps à l’idée plusieurs fois évoquée pendant la campagne que « la grande loi pour l’égalité est déjà prête ! » Nous n’osons pas croire qu’il s’agit d’un choix délibéré tant il a déchaîné la violence des mots et la violence des actes à l’encontre des personnes LGBT+. Le reproche est injuste dans la mesure où les parlementaires ont mis ce délais à profit pour réaliser un travail précieux, et même sans doute unique, de mise au jour d’une réalité sociale, avec discernement, avec attention, avec scrupule. De nombreuses auditions ont été menées débouchant sur un rapport parlementaire qui fera date.

Le Parti socialiste, pour sa part, aurait pu être un lieu ressources pour les progressistes soutenant ce projet de loi du gouvernement : 

  • contribuer à organiser et à coordonner la riposte médiatique aux inepties répétées à longueur d’antenne par les opposants aux mariage pour tous,
  • dialoguer régulièrement avec les associations engagées concrètement en faveur du projet de loi gouvernemental, en mesurant l’inédit de cette situation,
  • Organiser une mutualisation de moyens tant l’inégalité financière des mouvements est criante : une seule manif pour tous engloutit dix années de budget de l’association organisatrice de la marche des fiertés de Paris.

Ce ne fut pas le cas, sans doute en raison d’une vieille habitude qui veut qu’un parti au gouvernement se méfie du mouvement social. C’est l’un des effets de ce qu’on a théorisé sous le nom de « culture de gouvernement ». Hors, un dialogue plus abouti avec le mouvement social, outre qu’il aurait permis d’être plus efficace face à un courant réactionnaire sérieusement réarmé idéologiquement et en terme d’organisations, peut aussi irriguer différemment la réflexion d’un parti politique progressiste. À condition de vouloir réfléchir.