À l’été 1982, après l’arrivée historique de la gauche avec François Mitterrand au pouvoir et la disparition des « fichiers homos » de la police dès 1981, grâce à la majorité de gauche, socialiste, à l’Assemblée nationale, la « dépénalisation » de l’homosexualité est promulguée en France.

Dès novembre 1981, la proposition de loi no 527 « tendant à abroger l’alinéa 2 de l’article 331 du Code pénal » est déposée par le député Raymond Forni (alors jeune président de la commission des lois, futur président de l’Assemblée nationale). La rapporteuse de la loi sera Gisèle Halimi, avocate féministe de renom devenue députée de l’Isère. 

Il s’agissait de la principale demande des mouvements gays et lesbiens (pas encore LGBTI+) de l’époque, depuis l’après-guerre et les années 1950… En quelque sorte le « verrou » qui menaçait chaque personne homosexuelle dans sa vie privée et professionnelle, entre traque policière et chantage à l’« outing » (même si le terme n’était pas courant alors). 

La proposition de loi de la gauche visait à remettre au même niveau les âges de consentement pour les relations sexuelles. La distinction discriminatoire dans l’âge entre rapports homosexuels et hétérosexuels fut ainsi supprimée officiellement à la promulgation de la loi, le 4 août 1982.

Retrouvez ici le discours de la rapporteuse, Gisèle Halimi, et le discours de Robert Badinter, alors garde des Sceaux.

Robert Badinter : « Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels… ».

Des engagements pour les libertés, portés par la gauche

L’engagement de la gauche pour les droits LGBTI+ – les droits des homosexuels, comme on disait à l’époque – n’est pas venu naturellement. Le travail d’explications et d’argumentation de militantes et militants de terrain a été nécessaire pour proposer, échanger et convaincre les élu·e·s.

C’est un travail qui doit se poursuivre encore aujourd’hui, la gauche a historiquement intégré que les discriminations sont toujours un lent poison pour toute démocratie, mais le travail associatif, militant, politique pour porter ces sujets et les défendre reste plus que jamais d’actualité.

Depuis la fin de la pénalisation de l’homosexualité, avec les lois intégrant les haines anti-​LGBTI parmi les circonstances aggravantes considérées devant la justice, le comparatif droite/​gauche historique pour les droits des LGBTI en France ne laisse que peu de doutes.

Égal accès aux emplois publics, interdiction des discriminations à l’embauche, pour la location d’un bien immobilier, création du Pacs (1998 – 99), accès au mariage et à l’adoption (2013). Le chemin est loin d’être terminé, mais les avancées majeures dans les droits et pour l’égalité ne viennent que d’un seul camp, en France comme ailleurs, associatif et/​ou politique.

Le travail de conviction de la part du tissu associatif, et l’engagement d’élu·e·s à ses côtés doivent être poursuivis pour que les revendications du mouvement LGBTI, qui font progresser, historiquement, toute la société, continuent d’être soutenues et qu’elles intègrent nos lois.

En 2022 : 40 ans… et 80 ans 

C’est la Révolution française qui « dépénalise » l’homosexualité de manière générale. Elle fait disparaitre du Code pénal le « crime de sodomie ». Faisant de la France le 1er pays au monde à réaliser cela. Il faudra attendre l’été 1942, le 6 aout précisément, pour voir arriver dans nos textes de loi, par l’État français, une disposition discriminatoire introduisant une différenciation d’âge du consentement fondée sur le sexe des partenaires. 

La « loi 744 » signée par Pétain porte alors la majorité sexuelle des rapports hétérosexuels à 15 ans, contre 21 ans – 6 ans de plus – pour les relations homosexuelles discriminant de fait l’homosexualité. Cette loi restera dans les codes français après la Libération. Car celle-​ci ne reviendra pas sur la totalité de l’héritage pétainiste laissé dans notre société et sa législation. 

Il y aura même, dans les années 1960, une action de la majorité de droite gaulliste qui renforcera l’opprobre en désignant l’homosexualité comme un « fléau social » contre lequel l’État devrait lutter, au même rang que la tuberculose ou l’alcoolisme… C’est le fameux « amendement Mirguet » qui permettra d’augmenter les peines lors des outrages publics à la pudeur, quand des homosexuels en sont reconnus coupables.

Cette année 2022, l’été marque donc un double anniversaire, entre les 80 ans d’une loi qui discrimine, mise en place en dehors d’un cadre républicain, mais provenant, gardée, utilisée et renforcée par lui, et les 40 ans d’une loi historique qui a enfin libéré. De tels rappels historiques précis doivent être autant des leçons à retenir que des points d’appui pour la suite.

Des points d’appui, pour corriger officiellement les erreurs du passé autant que faire se peut. Car cette loi – édictée, mais jamais votée – aura servi de base pour quelque 10 000 condamnations depuis 1942. Sans compter les arrestations, les menaces, et les pressions exercées contre des citoyens qui n’avaient commis aucun crime. Le travail, tout à la fois judiciaire et historique, de réparation reste à mener. Alors que différents voisins européens ont déjà avancé sur cette question, la France reste à la traîne.

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Un livre édité par HES et la Fondation Jean-Jaurès 

Cette loi, votée par aucun Parlement donc, fut pourtant à la source de discriminations, de poursuites judiciaires et de harcèlements policiers. Revenir sur cet anniversaire et celui, jumeau, de la loi qui l’abolit n’est pas du fétichisme historique.

À l’heure où les thèses d’extrême droite sont de retour, puissantes comme jamais depuis la Libération, où de nombreux pays, au cœur même de l’Union européenne reprennent des antiennes homophobes sur la « propagande LGBT » il est d’autant plus important de connaitre et reconnaitre les mécanismes qui portent atteinte à l’état de droit, aux libertés publiques et personnelles pour les nommer comme tels, et s’en prémunir.

Il reste toujours pertinent, pour les militant·e·s et les autres, de maitriser leur histoire et celles de leurs droits, et de s’en faire les hérauts dans l’éducation populaire toujours nécessaire, pour qui se revendique du progrès et de l’émancipation.

Il est possible de retrouver l’histoire de cette loi, venue du fond de la IIIe République et qui n’aura fini sa vie que dans les années 1980, dans un livre de Denis Quinqueton copublié par HES et par la Fondation Jean-Jaurès.