En se fondant sur 43 ans d’enquêtes d’opinion à propos de l’homosexualité et des droits des lesbiennes et des gays, on mesure que les progrès réalisés par la société françaises dans les années 80, 90 et 2000 n’ont pas été remis en cause significativement par l’argent et l’énergie dépensés par les réactionnaires ces dernières années. Les positions libérales et émancipatrices demeurent nettement majoritaires. Comme souvent, la société avance d’un pas plus vif que ses dirigeant·e·s. Comme sur le droit des femmes, les progressistes de tous horizons doivent rester mobilisés et offensifs dans le combat pour les valeurs d’égalité, d’émancipation des individus, de progrès, de laïcité. C’est ce qu’attend une large majorité de nos concitoyen·ne·s.
L’essentiel. En se fondant sur 43 ans d’enquêtes d’opinion à propos de l’homosexualité et des droits des lesbiennes et des gays, on mesure que les progrès réalisés par la société françaises dans les années 80, 90 et 2000 n’ont pas été remis en cause significativement par l’argent et l’énergie dépensés par les réactionnaires ces dernières années. Les positions libérales et émancipatrices demeurent nettement majoritaires. Comme souvent, la société avance d’un pas plus vif que ses dirigeant·e·s. Comme sur le droit des femmes, les progressistes de tous horizons doivent rester mobilisés et offensifs dans le combat pour les valeurs d’égalité, d’émancipation des individus, de progrès, de laïcité. C’est ce qu’attend une large majorité de nos concitoyen·ne·s.
♦ A lire ci-dessous ou à télécharger au format pdf (en bas de l’article)
Introduction
La société française débat depuis longtemps des questions LGBT, d’abord autour de l’acceptation de l’homosexualité, puis autour de l’organisation des couples, des familles et de la filiation. Contrairement à ce que pourrait croire un observateur distrait par une lecture particulariste du mouvement d’affirmation des personnes LGBT, entamé en France il y a tout juste 40 ans avec la première « gay pride » en 1977, les différentes mesures prises depuis n’ont pas été des avantages octroyés à quelques-uns mais ont concouru à élargir le cercle des citoyen·ne·s à part entière. C’est le sens historique de ce combat. Contrairement à ce que pourrait croire un autre observateur distrait par l’hystérie des activistes réactionnaires, ces questions ne font plus vraiment débat, si l’on se fonde sur des enquêtes d’opinion réalisées depuis 43 ans, presque un demi-siècle. La tendance n’a pas varié, ne s’est pas durablement inversée. Malgré des dépenses d’argent et d’énergie considérables, les opposants à l’émancipation des individus n’ont pas, ou pas encore, marqué profondément notre société.
1. Si mon fils était homosexuel…
En France, c’est pendant la Révolution française que l’on a jugé inutile de créer dans le code pénal un délit de sodomie ou de relations contre nature, comme il en existait sous l’ancien régime. Et c’est quand l’extrême droite gouvernait, pendant le régime de Vichy, que des dispositions discriminatoires ont été introduites. Cette clémence juridique, si l’on compare à la situation dans les pays anglo-saxons, n’empecha pas l’homosexualité d’être symboliquement condamnée par la société. Deux enquêtes menées par TNS-SOFRES permettent toutefois de mesurer une évolution régulière et libérale en quatre décennies.
« Si mon fils était homosexuel… » a demandé la Sofres de 1973 à 2006. La formulation est un peu datée. 20 % des personnes interrogées répondaient « cela ne me gênerait pas » ou « cela me ferait de la peine mais je le laisserais vivre comme il veut ». En 2006, ils sont 85 % – quatre fois plus ! – à faire ces deux réponses que l’on peut considérer comme bienveillantes.
2. L’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité
Bien que non explicitement punie par la loi – ce qui est beaucoup – depuis la Révolution, l’homosexualite subissait l’opprobe sociale. Jusqu’au dernier quart du 20e siècle, il fallut se cacher, ruser, vivre sa sexualité clandestinement. Et en 1973, elle n’était guère respectable puisque seuls 24 % des personnes interrogées considéraient que c’était une « manière acceptable de vivre sa sexualité ». En 2012, ils seront 84 %. La proportion a été plus que inversée.
3. Le PACS reconnu
En 1992, une association commence à travailler sur un statut juridique d’union civile ouverte à tous les couples, comme il s’en est créé au Danemark ou aux Pays-Bas. Un sondage vient étayer la démarche. Comme souvent, le débat radicalise les positions et fait dire à certains de nos concitoyens que le temps démocratique pourrait être consacré à des sujets plus généraux. Sans se prononcer sur le fond du projet, on reprocha alors au Pacs de confisquer le devant de la scène politique. Reste que avant et après son adoption et sa mise en oeuvre, le pacs est validé par 7 Français sur 10.
4. Le mariage largement approuvé
Les premières enquêtes d’opinion sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels ont commencé alors que le PACS n’était pas encore adopté, au milieu des années 90. Si les débuts furent tangents, et le milieu associatif était alors encore divisé sur la pertinence d’une telle revendication, ce qu’on appellera le “mariage pour tous” dépasse 60% d’approbation à partir de 2008 et ne redescend plus sous cette barre. Comme beaucoup de réformes de ce type, et comme le Pacs avant lui, le mariage, une fois mis en œuvre, reste nettement approuvé. C’est d’ailleurs l’une des réformes phares du quinquennat qui s’achève et l’une des plus consensuelles…
5. EN 1990, déjà la PMA…
C’est dans les années 90 que l’on commença à s’interroger sur l’ouverture de la PMA aux lesbiennes. Au moment où on adoptait – 1994 – la première loi bioéthique, qui limitait justement l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels mariés et interdisait le recours à la GPA. C’est à la fin de la première décennie du 21e siècle que l’ouverture de l’accès à la PMA aux lesbiennes est devenue majoritaire dans les enquêtes d’opinion. Vivement conspuée par les opposants au mariage pour tous, et abandonnée par les progressistes, les réponses positives à ce projet ont légèrement fléchi pendant le plus fort du débat sur le projet de loi gouvernemental pour retrouver, ensuite, son niveau précédent.
6. Des familles comme les autres
La proportion d’opinions favorables à l’adoption par des couples homosexuels à connu des hauts et des bas, entre 35 % et 60 %, de 1995 à 2015. Déjà en 1995, cette question était théorique, car les premières familles homoparentales s’épanouissaient dans la société. Cette question, très discutée touche à la capacité que l’opinion reconnaît aux couples homosexuels d’être parents. Les réponses négatives mêlent donc des personnes viscéralement opposés à cette perspective et des personnes inquiètes quant au sort que la société réservera à ces familles dans les relations quotidiennes.
7. La GPA, un débat moins tendu qu’on le dit
La gestation pour autrui a été interdite en France en 1994. Elle demeure autorisée à portée d’avion dans certains pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. Du coup, cette question que la première loi bioéthique – et l’ensemble des suivantes – avait sorti par la porte revient régulièrement par la fenêtre, réalité oblige. Car la vraie question que la société devrait se poser au sujet de la GPA n’est pas celle qui appelle « oui » ou « non » comme réponse, mais « comment ». La GPA est techniquement et médicalement possible depuis plus de 40 ans. Vu la place qu’a le désir d’enfant chez une large part de la population adulte, toutes orientations sexuelles confondues, il est illusoire de prétendre interdire cette pratique.
La question qui s’impose aux démocraties, notamment occidentales, est celle des moyens de proposer une pratique civilisée de la GPA, respectueuse des différents partenaires et de l’avenir de l’enfant. Certains États des États-Unis et du Canada s’essayent à cette discipline et fournissent matière à réflexion. L’opinion française, quant à elle, y est moins opposée que l’on imagine. Que l’on aborde la question de principe ou la question pragmatique de la situation des enfants ainsi conçus, la réponse positive est majoritaire.
7. Les familles recomposées
En posant la question de la parentalité, les couples homosexuels ont également posé la question des familles recomposées. Quitte à sortir du règne absolu de la biologie, autant aborder l’ensemble des situations que la réalité concocte. Dans un pays comme le nôtre, où, avant le vote du mariage pour tous, un mariage sur trois se terminait par un divorce et un enfant sur deux naît de parents non mariés, il serait paradoxal de nier l’existence des familles recomposées et ses implications juridiques, également valables, dans certains cas, pour les couples parentaux homosexuels.
Ces dix dernières années, les réponses positives à la perspective d’un statut du beau parent – un temps envisagé par le gouvernement Fillon – fluctuent entre 65 % et 75 %. Comme mesure polémique, on a fait mieux…
Conclusion
En se fondant sur 43 ans d’enquêtes d’opinions à propos de l’homosexualité et des droits des lesbiennes et des gays, on a mesuré que les progrès réalisés par la société françaises dans les années 80, 90 et 2000 n’ont pas été remis en cause significativement par l’argent et l’énergie dépensés par les réactionnaires ces dernières années. Malgré des débats caricaturaux complaisamment relayés, malgré la tentative de nier une réalité déjà à l’oeuvre, les positions libérales et émancipatrices demeurent nettement majoritaires. Et pour cause. Y a‑t-il une autre quête que celle de l’émancipation dans une société démocratique ? Comme souvent, la société avance d’un pas plus vif que ses dirigeant·e·s. Comme sur le droit des femmes, les progressistes de tous horizons doivent rester mobilisés et offensifs dans le combat pour les valeurs d’égalité, d’émancipation des individus, de progrès, de laïcité. C’est ce qu’attend une large majorité de nos concitoyen·ne·s.