Les réformes de progrès visant à déconstruire l’idée que le mariage serait l’unique institution de sauvegarde du couple et de la famille ont une histoire somme toute récente dans notre pays, depuis la loi sur le divorce née après la Révolution.
Le vote en première lecture à l’Assemblée nationale d’une loi permettant aux couples non mariés d’accéder à l’adoption en est une nouvelle étape. Il faudra surveiller l’état final du texte lors de son ultime lecture et sa promulgation, pour s’assurer de la réelle égalité qu’il entend mettre en place. Il était déjà possible, pour tout célibataire de plus de 28 ans d’adopter, depuis les années 1970.
Pour rendre équitables les procédures d’adoption, une loi ne suffit pas
Les couples homosexuels, qui pouvaient enfin intégrer les procédures d’adoption depuis le vote de la loi Taubira, ont fait l’expérience précise des discriminations qui continuent d’exister et d’être entretenues par des structures départementales et celles que les services de l’État mettent en place.
Les scandales qui ont pu être révélés, dont celui très médiatisé de la Seine-Maritime, doivent pousser à revoir de fond en comble ces procédures, la constitution des conseils de famille qui mettent en place les critères d’apparentement. Le rôle des conseils départementaux et des préfectures est donc crucial. Rappelons aussi que, dans notre pays, plus de 30 000 foyers, qui ont l’agrément d’adoption, peuvent attendre 10 années avant d’accueillir enfin un enfant. C’est un parcours très éprouvant, seul ou en couple.
Une avancée, mais des reculs entretenus
Si cette avancée est donc légitimement bien reçue, elle est en dissonance totale, hélas, avec le reste du bilan législatif de LREM toujours incapable (après bientôt quatre années) d’ouvrir à toutes les femmes la PMA, qu’il continue d’interdire aux personnes trans, de ne pas permettre d’établir la filiation par reconnaissance conjointe… Sans compter les méthodes législatives qui court-circuitent notamment les consultations d’associations, laissant planer un risque d’être retoquées par le Conseil d’État.
La maternité partagée, le don dirigé, la PMA post-mortem (sperme congelé) restent rejetés par LREM également. Le traitement discriminatoire inscrit dans la loi qui crée une inégalité de fait entre les couples sur la base de leur sexualité (folie législative !) impose que les couples de femmes doivent passer par une procédure que n’ont pas à réaliser les couples hétérosexuels ayant eu recours à la même technique d’aide à la procréation : la PMA.
Et cette proposition de loi visant à réformer l’adoption continue de hiérarchiser les couples, en ne permettant pas aux couples homosexuels de reconnaître leur enfant en mairie, comme c’est le cas pour tous les autres.
L’hypocrisie du président et de sa majorité LREM envers les enfants nés par GPA
Enfin, sur la large question de la reconnaissance de toutes les familles, rien n’efface le coup de boutoir scandaleux et assumé par le gouvernement, contre la reconnaissance des enfants nés par GPA, refusant notamment la transcription pleine et entière de l’acte de naissance de l’enfant, sachant qu’ils le sont de manière 100 % légale à l’étranger, d’un parent français reconnu. LREM a (encore) une nouvelle fois repoussé tous les amendements en ce sens.
Cette punition moralisatrice qui vise des enfants et leurs familles au simple motif de leur mode de conception est profondément détestable et inacceptable dans un état de droit. Il faut rappeler que la France est régulièrement condamnée par la CEDH sur cette question et que nos cours nationales (dont la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire) ont déjà créé des jurisprudences claires pour faire enfin évoluer notre droit. LREM décide pourtant de continuer à piétiner ces décisions de justice définitives, mettant volontairement la France hors la loi et, pire encore, en fragilisant la vie quotidienne de ces enfants.
Pour prétendre être réellement progressiste, les déclarations ne suffisent pas : il faut des actes. Prétendre reconnaitre toutes les familles en en mettant sciemment de côté toute une partie, continue de créer une discrimination légale qui est insupportable, en plus d’être en infraction au regard des engagements internationaux de la France.
Cette maigre avancée ne fera pas oublier les choix désastreux intégrés dans le projet de loi bioéthique et son abandon. L’égalité n’attend pas et mérite bien mieux.