L’Organisation mondiale de la santé a diffusé sa 11e révision de la classification des maladies. Cette nouvelle révision a été commentée et analysée par l’Ilga Europe, nous reproduisons ici, l’analyse disponible sur leur site et l’avons traduit. Elle indique les implications pour les personnes trans et intersexes, à la fois en positif, mais aussi avec des répercussions négatives.
La CIM-11 (classification internationale des maladies) version 11, représente un changement monumental pour la santé des personnes trans et intersexes. Dans les révisions précédentes de la CIM, et ce depuis l’ajout des diagnostics liés aux personnes trans en 1965 (8e révision), ces diagnostics étaient répertoriés comme « déviations sexuelles » ou “troubles mentaux et du comportement”. La 11e révision achève plusieurs étapes à la fois, y compris la “dépsychopathologisation” des identités diverses trans et intersexes.
Tout d’abord, les anciens diagnostics, fondés sur la compréhension que la transidentité ét extrêmement important, car les anciens noms de catégories et leur contenu correspondant représentent une histoire chargée de lutte, d’oppression, de médicalisation forcée, de stigmatisation et de marginalisation vécue par les personnes trans et intersexes dans le contexte médical.
Deuxièmement, un nouveau chapitre dans la 11e révision, « Conditions liées à la santé sexuelle », comprend de nouveaux diagnostics liés à la transidentité, ainsi que des codes liés à la santé sexuelle et reproductive. Le nouveau chapitre n’est pas pathologisant (c’est-à-dire qu’il ne qualifie pas automatiquement ses catégories de « troubles »). Cette nouvelle approche de la classification indique que l’Organisation mondiale de la Santé est convaincue que les personnes trans et intersexes ne sont pas intrinsèquement « désordonnées » ni que leur identité en tant que telle est liée à leur bien-être mental.
Enfin, les nouvelles catégories, appelées « incongruences liées au genre », sont définies de manière à ne pas impliquer que l’attribution de cette catégorie corresponde à une maladie ou à un trouble. Ces nouvelles catégories ne peuvent être attribuées que lorsque les personnes trans ou intersexes indiquent elles-mêmes une détresse corporelle (également appelée dysphorie) et ont besoin d’interventions médicales telles que des hormones, une épilation au laser ou des interventions chirurgicales pour atténuer ces sentiments.
Il reste cependant un très long chemin à parcourir sur plusieurs fronts2. Le docteur Dan Christian Ghattas, Directeur exécutif de l’Organisation Intersexe internationale (OII) Europe, a indiqué que « la CIM-11 cimente/inscrit dans le marbre (?) le pathologisation des personnes intersexuées en introduisant un langage néfaste tel que« troubles du développement du sexe », en incorporant du matériel de soutien et des explications associées aux violations des droits humains et ne pas avoir pris de mesures pour traiter ou éliminer les violations des droits de l’homme à l’encontre de personnes intersexes en milieu médical.
En outre, la CIM-11 introduit un code problématique : « Incongruence de genre dans l’enfance ». Les enfants trans et intersexes qui n’ont pas encore vécu le début de la puberté n’ont pas besoin d’interventions médicales, mais simplement d’amour, de soutien, d’informations et d’accès à des services de conseil. La catégorie sert plutôt à pathologiser la curiosité de genre, la créativité et l’exploration chez les enfants.
Enfin, l’approbation globale de la CIM-11 ne représente qu’une étape parmi de nombreuses autres, la prochaine étant la mise en œuvre de cette 11e révision au niveau national. Les décideurs politiques et les parties prenantes dans les États doivent travailler ensemble pour assurer la mise en œuvre intégrale de cette 11e révision et la couverture complète de toutes les procédures médicales associées aux nouvelles catégories au sein des systèmes de protection sociale et d’assurance maladie.
1. La CIM-11 était annoncé par le Conseil exécutif de l’OMS en juin 2018, mais devait encore être ratifiée par l’Assemblée de l’OMS pour entrer en vigueur.
2. Pour des informations détaillées sur les prochaines étapes, veuillez vous référer au travail du groupe mondial de coordination sur la dépathologisation.