La politique n’est pas magique. Nous ne sommes pas spectatrices et spectateurs de l’arrivée au pouvoir d’une droite qui veut réglementer démesurément nos vie affectives, familiales, et déréguler outrageusement l’économie. Nous ne sommes pas assis·e·s pour observer la conquête électorale menée par une ex- trême-droite qui défend « sa » laïcité, celle d’avant 1905, si j’ose écrire, quand l’église catholique sussurait ses désirs à l’oreille des gouvernements de la « fille aînée de l’église » (sic).

La politique n’est pas magique. Nous sommes donc actrices et acteurs de ce que Paul Magnette appelle la « grande conversation publique qui façonne nos devenirs »(1). Comme nous voulons une conversation sérieuse, nous commençons par faire le bilan des réformes faites depuis 2012. Nous posons là, par ordre chronologique, les conséquences des loi votées, des décrets signés, des circulaires envoyées, des rencontres organisées, des discours prononcés, des jurisprudences arrêtées, depuis l’investiture du président François Hollande.

Il y a, au moins, deux grandes absentes dans ce bilan : l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et la réforme audacieuse du droit des familles. Elles n’étaient pas des lubies mais des réformes nécessaires et elles le restent. Nous ne ferons croire à personne que ces abandons nous enchantent. Ils entachent un bilan, même s’il est plus prudent de voter pour l’avenir qu’en représailles ou en remerciement du passé.

Nous ne pouvons cependant pas ignorer le travail réalisé par les parlementaires Erwann Binet et Jean-​Pierre Michel, les ministres Dominique Bertinotti, Laurence Rossignol, Christiane Taubira, Marisol Touraine et Jean-​Jacques Urvoas, les premiers ministres Jean-​Marc Ayrault et Manuel Valls(2). Avec imperfection et maladresse, parfois sans entrain, la gauche a fait progresser l’émancipation des lesbiennes, gays, bi et trans comme jamais dans notre histoire. Mais ce mouvement positif s’est produit dans un climat délétère entretenu par des réactionnaires en pleine renaissance et relativement peu combattu par des progressistes désorientés. Et nous en sommes là.

S’il y a une leçon à retenir de ce mandat qui s’achève, au delà de la déception que nous pouvons légitimement adresser à celles et ceux qui ont choisi de prendre la responsabilités de l’État, c’est bien que nous devons, en- semble, perfectionner la manière dont nous intervenons dans la « grande conversation publique » évoquée plus haut. C’est vital si nous croyons que l’égalité des droits, l’émancipation de l’individu, le progrès partagé, la laïcité ne sont pas des luttes catégorielles mais concourent à une société de femmes et d’hommes libres, qui écrivent leur histoire à la première personne, prêts à relever les défis éthiques des progrès scientifiques, et qui savent que la spiritualité relève d’une démarche intime et non d’une manigance politicienne.

La politique n’est pas magique ! Nous ne sommes pas spectateurs de quelque chose qui se joue en dehors de nous. Il s’agit de nos vies et, pour faire court, « les absents ont toujours tort »(3) comme le chante, avec gravité, Louis Chedid.

Denis Quinqueton