Texte du Manifest’HES élaboré entre octobre 2015 et mars 2016, et adopté par les adhérent·e·s les 16, 17 et 18 avril 2016.

Sommaire :


Introduction • Pour le progrès et l’émancipation !

Qui sommes-​nous ? Des lesbiennes, gays, bis, trans, hétéros, militants de gauche, attaché·e·s à l’émancipation de l’individu au sein de nos sociétés complexes. Des femmes et des hommes qui refusent énergiquement de jouer avec les peurs irrationnelles et les tensions identitaires qui traversent la société française. Un collectif de citoyennes et de citoyens pleinement engagé dans la construction de notre République laïque où les questions éthiques ne peuvent se résumer à la somme plus ou moins cohérente des prescriptions religieuses.

Où vivons-​nous ? Dans une société qui vient de franchir un pas décisif de cette émancipation en ouvrant le mariage et la possibilité d’être parents à tous les couples. Mais nous vivons aussi dans une société qui s’interroge, une société où si l’homosexualité est considérée comme une manière acceptable de vivre sa sexualité pour 9 Français sur 10, il reste comme un écho du sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène médiatique, alimenté par les discours des courants très conservateurs et de différentes autorités religieuses. Nous vivons, enfin, dans une société tentée par les lubies de la démagogie, cette pratique politique qui consiste à dire ce que l’on imagine que les gens veulent entendre au lieu de porter le projet — et le progrès — de notre société humaine.

Que voulons-​nous ? Ne pas renoncer à la complexité de nos sociétés, qui est fille de la liberté qui y règne, promouvoir la laïcité, écrire notre histoire à la première personne, rester libre d’inventer nos vies en se fondant sur les progrès scientifiques et éthiques qui permettent depuis si longtemps de s’émanciper de l’état de nature.

Comme tant de nos concitoyen·ne·s, nous voulons avoir les moyens civils, économiques et sociaux de prendre la responsabilité de nos existences.

Il y a plus de 30 ans, des militant·e·s socialistes ont créé HES pour faire émerger dans le débat politique la question, alors absente, de l’acceptation des homosexualités par une société française encore fermée.

Aujourd’hui, HES développe son travail associatif avec le Parti socialiste et avec les associations lesbiennes, gays, bi et trans de France. Enfin, HES a pris part à la fondation de Rainbow Rose, réseau européen des groupes LGBT des partis socialiste, social-​démocrate et travailliste. Elle est membre de l’ILGA Europe (ONG regroupant 433 associations dans 45 pays européens).

Depuis sa création, comme association parisienne à la suite des votes dépénalisant les relations homosexuelles, HES a construit un réseau à travers une présence nationale, aujourd’hui active dans des dizaines de villes en France et à Bruxelles, siège de nombreuses institutions européennes, pour porter la voix des LGBT socialistes qu’ils se sentent simplement proches du PS ou militant·e·s de longue date intégrés dans leurs sections et leur fédération.

Partenaire du Parti socialiste, HES est membre de la galaxie socialiste au même titre que d’autres organismes militants comme le MJS, historique comme l’Office universitaire de recherche socialiste (l’OURS), le Centre d’archives socialistes, ou de réflexion comme la Fondation Jean-Jaurès.

Libre de ses réflexions et de ses actions, HES est un think-​tank thématique qui agit pour les buts qu’il se fixe dans le respect des principes qui le régissent.

HES a pris part aux moments clés de l’histoire contemporaine qui ont vu l’égalité et l’émancipation progresser : invention du Pacs, création de la Halde puis du Défenseur des droits et, la mémoire en est encore plus vive, ouverture du mariage et de l’adoption à tous les couples. Pour choisir la liberté, promouvoir l’égalité et accomplir la fraternité, HES continue son travail.

À tous les citoyens, elle dit que chaque pas compte et que, malgré les embûches et les chausses trappes de la haine, des rejets de la droite et des politiques réactionnaires, la famille socialiste continuera à réfléchir, à proposer, à convaincre pour faire progresser les droits et les libertés de tous.

HES continuera son travail pour l’égalité et l’émancipation contre vents et marées, quelles que soient les personnes en charge des plus hautes fonctions de l’État. Elle fait sienne la volonté de combler les manques dans le droit français et européen, de changer celui-​ci lorsque cela est nécessaire, d’adapter le droit européen dans un souci d’harmonisation vers le haut et de répondre aux aspirations personnelles de l’ensemble de nos concitoyens. Le tout dans un cadre simple, le seul qui permet à chacun de vivre sa vie, qui protège les droits, qui assure à tous sa juste place et garantit à chacun d’être soi-​même : la République !

« Placer l’individu au cœur de nos préoccupations, disait Jaurès, ce n’est pas décréter l’égoïsme universel, c’est faire reculer l’égoïsme envahissant des forts ». C’est notre travail.

Voilà pourquoi, après des semaines d’un débat ouvert, les adhérent·e·s ont adopté le « manifest’hes » qui suit.


1re partie • Droit des personnes


Personnes trans

HES défend le droit de chaque personne à déterminer son identité de genre. Certaines et certains de nos contemporains s’engagent dans un parcours de transition, avec ou sans implication médicale, parcours qui résulte de la conviction profonde que leur genre ne correspond pas au sexe qui leur a été désigné à la naissance, d’après leur corps. Les obstacles inhumains maintenus se traduisent par une funeste alternative : le statu quo, donc la souffrance, ou la transition, donc l’épreuve. À la lumière du chemin parcouru par des pays voisins, des propositions du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, des recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, des propositions de lois déposées par les parlementaires socialistes et de la réalité des familles transparentales, il est temps de faire avancer l’égalité des droits pour les trans et d’améliorer leur vie quotidienne.

C’est pourquoi nous proposons :

1. Une réforme des conditions de changement de sexe qui dissociera complètement la démarche portant sur l’état civil et le parcours de soins, pour les majeurs et pour les mineurs.

2. Une simplification des démarches de changement de sexe à l’état civil et la possibilité de se définir d’un sexe neutre.

3. La garantie de l’accès aux soins pour les personnes trans qui le souhaitent et une prise en charge à 100 %.

4. La garantie du libre choix du médecin.

5. L’élaboration, avec les professionnels de la médecine, de l’aide sociale et du Planning familial, d’un parcours de soins, sur un modèle proche de celui qui garantit aujourd’hui aux femmes l’accès à la contraception et à l’IVG.

6. Un parcours de santé respectueux de la personne humaine, appliquant le principe d’égalité du citoyen, et qui préserve la possibilité de fonder une famille.

7. L’introduction des questions de transition et de transidentité dans les formations des professionnels du secteur éducatif, médical et social.

8. L’étude des législations et des bonnes pratiques à l’échelon mondial.


Personnes réfugiées

Protéger toutes les personnes persécutées est sans doute le devoir d’un pays démocratique et développé. La longue crise multiforme que nous traversons émousse l’évidence de ce devoir. Nous savons que nous avons cette capacité d’accueil sans amoindrir notre système d’aides sociales. Alors, il faut être à la hauteur.

C’est pourquoi nous proposons :

9. La reconnaissance des persécutions fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, réelle ou supposée, comme le prévoient les textes de l’Union européenne.

10. L’intégration, dans les travaux du bureau européen d’appui en matière d’asile de ces persécutions, en particulier pour développer des formations et collecter de l’information fiable sur les pays d’origine.

11. Une formation adéquate pour les agents des autorités d’asile intégrant cette problématique.

12. La précision de la notion de « pays sûrs » afin de ne pas considérer comme ressortissant·e d’un pays « sûr » une personne LGBT venant d’un pays qui pénalise l’homosexualité.


Jeunes LGBT

Avoir conscience des problématiques inhérentes à la jeunesse est fondamental pour construire un avenir bienveillant. En effet les jeunes constituent l’avenir de notre société. Or, ils sont confrontés à des enjeux de construction de soi et c’est le devoir du politique de chercher à créer un cadre social propice à la réalisation des individus. Les jeunes LGBT font face à une réalité critique, celle qui mêle rejet, questionnement et désir d’accomplissement. En même temps, ils ont le désir de correspondre aux attentes que la société leur renvoie. Tout cela peut se jouer, parfois, sans qu’il bénéficie du soutien suffisant. C’est ainsi que l’âge de la jeunesse est un temps complexe et fragile. Cette complexité se traduit, par exemple, par un taux de suicide élevé chez les jeunes personnes LGBT. Les propositions d’HES partent du constat que les jeunes LGBT constituent une catégorie sociale, composante de la jeunesse. Donc, les politiques publiques doivent les prendre en compte et les intégrer aux dispositifs communs.

C’est pourquoi nous proposons :

13. Le renforcement de la formation des professionnels du social pour une meilleure prise en charge de la question LGBT, à travers un parcours individualisé, au sein des structures d’accueil destinées à venir en aide aux jeunes en difficulté, notamment en rupture familiale.

14. Le développement d’un travail de prévention pour sensibiliser le personnel éducatif et les familles afin de lutter contre les préjugés et favoriser l’inclusion des jeunes LGBT.

15. L’ouverture d’une possibilité de médiation familiale quand un jeune majeur de moins de 25 ans, ou, à plus forte raison, un mineur, est en rupture familiale en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.

16. Le soutien aux structures de jeunesse (CRIJ, CIDJ, PIJ) présentes sur tout le territoire, aux associations LGBT et aux associations d’éducation populaire afin qu’elles aient les moyens de diffuser des savoirs sur les questions de genre et de diversités sexuelles.

17. La valorisation des initiatives des jeunes eux-​mêmes dans les programmes de lutte contre les discriminations.


Seniors LGBT

Les questions spécifiques aux seniors LGBT renvoient à des questions qui intéressent la société toute entière. Intégrer les singularités LGBT permet d’améliorer, d’une manière générale, le fonctionnement des services, des administrations, des institutions, des foyers d’hébergement en rapport avec les personnes âgées. Après une période où l’homosexualité des personnes restait cachée ou même niée, les premiers auteurs des coming out des années 60 et 70 sont maintenant à l’âge de la retraite. Après une hécatombe dans la pyramide des âges due à l’épidémie de Sida, les premiers séropositifs qui y ont survécu sont des séniors. Nous sommes donc devant une question inédite dont les réponses doivent s’inscrire dans les efforts que déploiera la société française pour faire face au « sénior-boum ».

C’est pourquoi nous proposons :

18. La définition légale d’une famille de choix, afin de permettre aux seniors en rupture familiale ou sans descendant de désigner leurs aidants naturels.

19. Le développement de l’information sur les dispositions permettant aux personnes malades de désigner leur famille de choix.

20. L’intégration, dans le fonctionnement des établissements d’hébergement des personnes âgées, de la faculté dont chacun dispose d’avoir une vie affective et une sexualité durant toute sa vie.

21. L’adaptation d’établissements et des structures d’aide à domicile aux impératifs de prise en charge des thérapies lourdes, comme le traitement du VIH — sida.

22. Le développement des campagnes de sensibilisation, ciblées vers les seniors LGBT, pour la prévention de la transmission des infections sexuellement transmissibles et pour la préservation de leur bien-être.

23. Le développement de l’aide aux structures de rencontre, de socialisation et de partage intergénérationnels, ainsi qu’aux structures d’aides au maintien à domicile intégrant les seniors LGBT.


Personnes en situation de handicap

L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont sans rapport avec les troubles de santé et les situations de handicap. Toutefois, nous constatons que dès lors qu’une personne est identifiée handicapée, il est moins question de vie affective ou sexuelle et des libertés qui vont avec. Par ailleurs, les personnes atteintes du sida peuvent développer des pathologies lourdes et envahissantes qui ne sont pas prises en charge dès le début.

C’est pourquoi nous proposons :

24. La formation des personnels éducatifs et administratifs des établissements d’hébergement des personnes en situation de handicap.

25. La prise en charge de l’ensemble des pathologies liées directement ou indirectement au VIH, détectées par le corps médical, par les MDPH.

26. L’organisation d’un entretien individuel avec la personne concernée et quelqu’un·e de son entourage avant une décision concernant l’allocation d’adulte handicapé et la prestation compensatoire.

27. Le réaménagement des critères servant à la révision du taux d’incapacité de manière à ce qu’ils ne soient pas défavorables, notamment, aux personnes séropositives et prennent en compte la lourdeur de certains traitements.


Les personnes prostituées

HES souhaite le renforcement significatif de la lutte contre la traite des personnes, sous quelque motif que ce soit. Le fait de forcer un être humain à s’engager dans une activité non délibérément choisie est une forme d’esclavage et doit être combattu par tous les moyens d’action légaux possibles, tant au niveau national qu’international. Les efforts de coordination mondiale de lutte contre le blanchiment d’argent et contre les trafics humains ne doivent pas se limiter à la lutte contre le terrorisme et contre les passeurs de migrants, et doivent inclure la traite sexuelle et le tourisme sexuel. C’est d’autant plus pertinent que ces réseaux sont souvent proches dans leurs financements et leurs organisations logistiques. Il n’est pas admissible de faire passer pour un travail ce qui est l’exploitation d’une misère par des personnes sans scrupule et qui, dans le système proxénète, frappe une population en majeure partie féminine. Mais nous savons aussi que ces systèmes se nourrissent de la clandestinité à laquelle la loi, votée récemment par moins d’un cinquième des député-​e‑s, voue la prostitution. Nous savons aussi que le reste de nos lois sont particulièrement ambigües sur le sujet et créent une situation confuse dont sont d’abord victimes les personnes prostituées. Nous savons, enfin, que la prostitution peut être une activité choisie et qu’il n’appartient pas à un État de droit démocratique de déterminer si le fait d’échanger une relation sexuelle contre de l’argent est bien ou mal.

C’est pourquoi nous proposons :

28. De mettre à profit l’influence de la France pour relancer des initiatives concrètes et efficaces de lutte contre les financements occultes et le crime organisé, en complétant le mandat du GAFI (Groupe d’action financière, Financial Action Task Force en anglais, rassemblant 34 pays membres) créé en 1989 à l’initiative des présidents Mitterrand et Bush, au sommet de l’Arche à Paris.

29. L’abrogation de la pénalisation du recours à la prostitution.

30. De soutenir les ONG médicales et des associations de travailleurs du sexe qui interviennent aux côtés des personnes prostituées, notamment pour leur apporter une aide sociale et sanitaire.

31. De travailler, avec ces mêmes ONG et associations à une meilleure définition légale de la prostitution, moins ambigüe, moins moraliste et moins hypocrite qu’aujourd’hui, une définition qui permet concrètement aux personnes prostituées d’avoir la maîtrise de leur existence, d’avoir accès au droit et à la santé.


Lutte contre les discriminations

Grâce à la loi dite « Quéré », du nom de la députée de Charente-​Maritime qui en fut à l’origine, il n’y a plus de différence de délais de prescription — le temps qu’a la victime pour engager une procédure — entre un acte raciste, un acte antisémite et un acte homophobe. Il convient de veiller à la préservation de cette cohérence de notre droit. Tous les motifs sexistes, antisémites, racistes et « LGBTphobes » dans les délits et crimes doivent correspondre à une même considération dans les circonstances aggravantes et correspondre à des peines similaires. La lutte contre les discriminations fait partie du contrat social de notre société, elle touche tous les domaines de l’existence, le monde du travail, le monde sportif, par exemple. La lutte contre les discriminations, c’est, rappelons-​le, la lutte contre l’acte qui consiste à mettre de côté, à maltraiter, à désigner ou à distinguer une personne par sa couleur de peau, son genre, son orientation sexuelle, sa religion, son origine, un handicap, des caractéristiques physiques. Rappelons également que le mot discrimination vient du latin discrimen, qui signifie « ligne de démarcation, point de séparation ». Ces rappels suffisent à dire combien cette notion de discrimination est opposée à l’idée même de République. L’homophobie et la transphobie sont la première cause de suicide chez les 15 – 24 ans. La lutte contre les discriminations doit demeurer un objectif pédagogique qui débouche, notamment, sur l’éducation civique et l’éducation à la santé. La lutte contre les discriminations est aussi un enjeu dans le monde du travail. Les discriminations liées à l’orientation sexuelle se cumulent à d’autres discriminations liées au sexe, à l’état de santé, à l’origine, etc. La sensibilisation de chacun des acteurs, notamment les représentants du personnel, les responsables des ressources humaines, les cadres et les salarié·e·s, doit demeurer à l’ordre du jour. On le voit, la lutte contre les discriminations est autant une affaire de normes que de sensibilisation, d’éducation, de réflexion.

C’est pourquoi nous proposons :

32. De rendre possibles les actions de groupe en matière de lutte contre les discriminations.

33. De donner un écho plus grand aux travaux de la CNCDH dans sa composition actuelle, assemblée des représentants des ONG françaises de défense des droits de l’Homme, qui formule des avis approfondis et argumentés aptes à élever le débat public. De même ses avis doivent être systématiquement intégrés dès l’étude d’impact dans notre processus législatif, y compris quand il s’agit de transcrire une directive européenne.

34. De conditionner toute aide publique à des bonnes pratiques en matière de lutte contre les discriminations.

35. De renforcer les possibilités d’interventions des associations spécialisées dans les établissements scolaires.

36. D’intégrer dans les initiatives d’aide à la parentalité, l’aide à la préparation d’un environnement serein, y compris pour les jeunes LGBT.

37. De pérenniser et d’approfondir la formation des professionnels de la police, de la justice et de la santé a l’accueil des victimes.

38. De mettre à l’étude des processus d’accueil des victimes qui ne les enferment pas dans le rôle de victime, mais, au contraire, qui les aide à reprendre la main sur leur existence. Ce travail peut se faire dans un premier temps à l’aide de la plateforme internet publique « stop discrimination » et de celle du Défenseur des droits.

39. De rendre systématique, sous réserve de l’appréciation des juges, des mesures éducatives — type travaux d’intérêt général — en complément des sanctions pénales ou civiles.

40. D’agir pour la préservation des archives du mouvement LGBT, un mouvement social qui a aujourd’hui un demi-​siècle d’existence continue.


2e partie • Les familles aujourd’hui


Mise en œuvre du mariage

Sérieusement, personne ne songe à revenir sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, soit par conviction, soit parce que ce serait juridiquement trop complexe. On peut s’abstenir de lutter contre une discrimination, en créer une est — heureusement — une autre affaire. En outre, découvrir les bienfaits de l’union civile, 16 années après avoir combattu le Pacs (qui est une union civile), c’est, au mieux, parler sans savoir et, au pire, se moquer du monde. Enfin, comme c’était prévisible, l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, loin de mettre en cause le mariage civil, renforce cette institution, comme les chiffres des trois premières années d’application le prouvent. Reste la complication venue de la circulaire émise par le ministère de la Justice indiquant que dans le cadre d’un mariage binational avec un ressortissant d’un pays lié à la France par une convention bilatérale, la loi personnelle de l’intéressé s’applique et non le Code civil français. Un arrêt de la Cour de cassation a éclairci la situation et rappelé la jurisprudence qui veut que le droit au mariage soit considéré comme supérieur à l’application d’une convention bilatérale.

C’est pourquoi nous proposons :

41. De rester vigilant·e·s sur la juste mise en œuvre de la loi du 17 mai 2013 concernant les couples binationaux impliquant des ressortissant·e·s d’un pays lié à la France par un accord bilatéral et de prendre toute initiative utile à l’application du Code civil en France.


Filiation et autorité parentale

La filiation n’est pas un accident biologique ! Dans notre société, et depuis plusieurs décennies, l’aventure parentale commence souvent par un projet, explicite, réfléchi, choisi. Ce projet engage la plupart du temps un homme et une femme, mariés ou non, puisqu’un enfant sur deux naît de parents non mariés. La science et la vie sociale que nous avons construite font qu’aujourd’hui, et sans doute encore plus demain, le projet parental peut engager plus de deux personnes, qu’il s’agisse d’une donneuse ou d’un donneur de gamètes, d’une gestatrice, ou de projet de coparentalité. Cette diversification assumée n’est pas le vecteur d’une déstructuration redoutée par certain·e·s, mais, au contraire source d’une restructuration des histoires familiales, moins unique, moins secrètes, plus lisible pour les enfants qui sont le fruit de ces projets. C’est, par exemple, la logique de la proposition de loi socialiste « relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant » adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture au printemps 2014 et transmise au Sénat. Cette proposition prévoit le renforcement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, la reconnaissance de la place croissante des tiers dans l’éducation et la vie quotidienne de l’enfant. La réalité des familles est diverse. De la même manière que le statut de « bâtard », d’enfant illégitime ou né hors mariage, a disparu de notre législation, il est logique d’avancer et de continuer à reconnaître ce que sont aujourd’hui les réalités des familles de France.

C’est pourquoi nous proposons :

42. L’ouverture de la possibilité de déclaration anticipée et reconnaissance en mairie de tous les enfants par tous les parents.

43. La création d’un statut du parent social, ou beau parent, compagne ou compagnon du père ou de la mère et qui, concrètement, intervient dans la vie de l’enfant, son éducation et son environnement affectif.

44. La facilitation de la délégation-​partage de l’autorité parentale au conjoint·e, à la compagne ou au compagnon, des parents séparés.


Adoption

La France a mis en place au fil des décennies un système juridique de l’adoption complexe, illogique et peu respectueux de l’histoire des enfants. Ainsi, il existe deux régimes d’adoption, simple ou plénière, la seconde suppose de réécrire l’histoire de l’enfant pour mimer la filiation biologique. Cette incapacité à envisager, en pleine lumière, d’autres manières de devenir parent que la filière biologique produit des souffrances pour des enfants qui se doutent d’une autre histoire pour eux-​mêmes, une autre histoire dont la loi leur interdit aujourd’hui l’accès. Par ailleurs, il y a trop de cas de demandes formulées par des couples gais ou lesbiens qui restent encore sous la pile pour des raisons qui n’ont pas grand-​chose à voir avec les enquêtes préalables à l’agrément d’adoption.

C’est pourquoi nous proposons :

45. Que l’État dote les autorités compétentes, départementales, d’une charte qui précise que la gestion d’un dossier et le processus d’enquête et d’expertise avant l’adoption se déroulent en assurant une égale considération des demandes d’agrément pour refuser toute sélection sur des critères discriminatoires.

46. Que l’on mette en chantier un régime juridique unique d’adoption qui n’efface pas l’histoire de l’enfant adopté, mais au contraire la respecte, la continue, et qui valorise la démarche des parents adoptant, ni mieux ni moins bien que lorsqu’il s’agit de parents biologiques.


PMA

Beaucoup a été dit sur ce sujet. Retenons l’essentiel. Les débats éthiques sont des débats sérieux qui comptent pour notre avenir, pour celui de l’humanité. La question éthique de la possibilité du recours à la PMA a été tranchée à plusieurs reprises, au moment des différentes lois bioéthiques (1994, 1999, 2004), à chaque fois dans un sens favorable. Elle a été tranchée également lors de sa mise en œuvre par les professionnels de santé. Nous savons qu’aujourd’hui, si le recours à la PMA n’est pas permis aux couples de femmes et aux femmes seules, son accès n’est pas réservé « aux cas d’infertilité médicalement constatée » comme l’indique la lettre de la loi, mais est ouvert à d’autres cas, conformément à son esprit. 23 000 enfants naissent chaque année grâce à une PMA. Le Défenseur des droits, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, tout comme une majorité de Français·e·s aujourd’hui, sont favorables à l’extension de l’accès à la PMA.

C’est pourquoi nous proposons :

47. L’ouverture de l’accès aux parcours de PMA pour toutes les femmes dans les mêmes conditions.


GPA

La question qui se pose à nous tous n’est pas de savoir s’il est possible d’avoir recours à la « gestation pour autrui » ou « maternité de substitution ». Cette question a été posée à la science qui y a répondu favorablement. Il nous revient, à nous citoyens, de nous composer avec cette réalité scientifique, dans un monde ouvert où l’on touche très vite les limites d’une législation nationale en la matière. On doit, de plus, prendre en compte qu’au sein de l’Union européenne, des règles de droit s’appliquent à la fois à des citoyens européens vivant en France et à des Français·e·s pouvant s’établir, même temporairement, en UE (les obligations en terme de retranscription dans l’état civil des filiations dues à une GPA sont une démonstration de la pression légale existante). Ce sont les conservateurs qui maintiennent le statu quo, et surtout le tabou dans le débat public, qui favorisent le développement des pratiques commerciales de la GPA n’attendant rien ni personne pour prospérer dans les pires conditions. Les interdits mènent à la création de systèmes organisés hors-​la-​loi qui ne garantissent ni un déroulement « éthique » du processus ni un suivi médical correct pour la gestatrice et l’enfant. Encore aujourd’hui, notamment à travers les cas « médiatiques » de GPA qui peuvent se faire jour, le sujet n’est traité qu’à travers l’angle LGBT. La réalité est beaucoup plus large et, sur ce sujet comme sur d’autres, le mouvement LGBT propose des solutions qui ne s’adressent pas qu’à lui seul.

C’est pourquoi nous proposons :

48. De concevoir un modèle juridique de GPA éthique en France, à but non lucratif, en se nourrissant des expériences concluantes en la matière. C’est l’honneur de la France d’avoir un système de don de sang, de gamètes et d’organes organisés autour du bénévolat. Ce serait une nouvelle étape que de mettre en place un système qui refusera, également, de considérer la GPA d’un point de vue consumériste et mercantile.


3e partie • Santé et prévention


Prévention

35 ans après ses débuts, l’épidémie de VIH – sida n’est pas vaincue. En France, la contamination progresse à nouveau dans la population gaie. La prévention, assez largement répandue, ne va pourtant pas de soi et les prises de risques ont tendance à s’accentuer, notamment parmi une population jeune, qui n’a pas d’éléments d’histoire de cette épidémie. En outre, la situation médicale ayant, heureusement, évolué, le sida tend à se muer en une affection chronique dans la majeure partie des cas. Il reste que c’est une maladie grave. Et la lutte contre une pandémie comme celle du VIH doit tous nous engager, que nous soyons séropositifs ou séronégatifs : chacun a la responsabilité de ne pas transmettre et/​ou de ne pas s’exposer. Ce qui implique de faire passer un certain nombre de messages à propos de la prévention — notamment qu’en cas de couple sérodifférent, la prévention n’est pas l’affaire de la personne séropositive, mais bien des deux personnes — et de ne pas entrer dans une logique de pénalisation de la transmission du VIH ni, d’ailleurs, de hiérarchisation des IST.

C’est pourquoi nous proposons :

49. De renforcer les actions de prévention ciblées. Ainsi l’offre de dépistage et de conseil en direction de la population gay doit être soutenue, qu’elle soit proposée dans les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG, CIDDIST, CEGIDD), dans des centres de santé sexuelle, ou encore dans un cadre associatif. Cette offre ne doit pas se limiter au dépistage du VIH, mais inclure les autres IST, les secondes favorisant la transmission du premier.

50. De faciliter l’accès aux autotests en en diminuant le coût.

51. De poursuivre l’expérimentation de la PrEP, sans minorer ses effets positifs dans la diminution de la transmission du virus, mais également sans occulter ses failles, les effets secondaires d’un traitement ne concernant que le VIH et son coût.

52. D’encourager les temps d’échange, à l’occasion du dépistage, entre les personnes qui viennent se faire dépister et des acteurs associatifs afin de développer une réflexion non stigmatisante sur les pratiques à risque et les méthodes de réduction des risques. Il s’agit de tirer profit des expériences menées par des structures comme le « 190 » à Paris, un centre de santé sexuelle, pour aboutir à une approche globale et pluridisciplinaire de la santé sexuelle et qui concerne les personnes séronégatives comme les personnes séropositives.

53. De renouveler les campagnes de prévention vers les publics ciblés en y intégrant le fait que l’âge du premier rapport sexuel tend à diminuer et qu’il faut élaborer des messages s’adressant à une population d’adolescents plus jeunes.


Accès aux soins, ici et là-bas

Ça peut paraître évident, mais il est utile de réaffirmer que le premier moyen de lutte contre la pandémie de VIH – sida consiste à assurer concrètement et réellement l’accès aux soins aux personnes qui en ont besoin. Cela implique la disponibilité des traitements, mais aussi l’absence de tout obstacle financier dans le dispositif de soins. La disponibilité des traitements est aussi un outil de réduction du risque de transmission, grâce à la maîtrise de la charge virale qu’ils peuvent permettre. Raison de plus, s’il en fallait, pour lever toutes les barrières à l’accès aux traitements. Ces barrières peuvent s’observer en France (franchises médicales, prix excessifs de certains médicaments) comme à l’international (protections excessives des brevets qui font obstacle à la production de traitements dans les pays du Sud). La lutte contre le sida suppose également que le maintien du niveau de sécurité du système de don du sang en France n’implique pas une sélection stigmatisante.

C’est pourquoi nous proposons :

54. D’encourager la production et la diffusion de médicaments génériques, en France comme à l’international, en concertation avec les patients afin de permettre une réduction de la participation financière qui leur est demandée.

55. De réviser le dispositif des franchises médicales, à la création duquel les socialistes se sont opposés, au moins pour les affections graves et de longue durée.

56. De garantir aux bénéficiaires la qualité du don du sang, qui reste le droit élémentaire de toute personne malade, en appliquant des règles de sélection des donneurs non stigmatisantes, dans la suite de l’expérimentation ouverte en 2016 par le ministère de la Santé en accord avec la plupart des acteurs de la filière sang.


Soins funéraires

Depuis 1986, un défunt porteur du VIH ou d’une hépatite virale ne peut bénéficier de soins post-​mortem, soins de conservation apportés à chaque défunt, qui en a manifesté la volonté, par les thanatopracteurs. La levée de cette interdiction est en cours, mais s’avère un processus complexe qui rencontre des résistances qui, en l’état actuel des connaissances médicales, n’ont plus de fondement sanitaire.

C’est pourquoi nous proposons :

57. De lever l’interdiction de soins aux défunts séropositifs au VIH ou aux hépatites.


4e partie • International


Harmonisation des droits et lutte pour le respect des droits fondamentaux

L’une des valeurs de la construction européenne est la garantie de la libre circulation des personnes et des biens. Si — l’expérience aidant — nous ne nous faisons pas de soucis pour les biens qui ne rencontrent plus depuis longtemps d’obstacle, il n’en est pas de même pour les personnes. Qu’adviendrait-il d’une famille composée de deux femmes mariées et mères de deux enfants, en France, si elle devait aller vivre, par choix ou nécessité, dans un pays ne reconnaissant ni le mariage des couples homosexuels ni leur capacité à être parents ?

C’est pourquoi nous proposons :

58. L’inscription à l’agenda de l’Union de discussions entre les états pour aboutir à l’harmonisation des législations sur le droit des personnes au sein de l’U.E. afin de garantir la liberté de circulation de tous les citoyens et la possibilité de regroupement familial pour toutes les familles.

59. L’achèvement et la mise en œuvre réelle de la législation européenne de lutte contre les discriminations

60. Le soutien à l’adoption d’une législation européenne globale en matière de lutte contre les discriminations couvrant tous les motifs de discrimination mentionnés dans les traités. La protection contre la discrimination fondée sur le sexe doit explicitement protéger toutes les personnes transgenres.

61. L’extension de la législation européenne sur les crimes racistes aux crimes motivés par l’homophobie ou la transphobie. Les autorités de police et de justice doivent être formées à traiter ces cas conformément à la législation européenne sur les droits des victimes et aux recommandations du Conseil de l’Europe de traiter de manière similaire les actes racistes, sexistes, homophobes.


Diplomatie et droits humains LGBT

La diplomatie entretient des rapports irréguliers avec la notion de défense des droits fondamentaux, y compris les droits fondamentaux LGBT. La diplomatie trouve également ses limites dans les usages internationaux, et notamment la notion « d’ordre public international ». Pourtant c’est dans le projet de la France de promouvoir les droits fondamentaux, réaffirmés dans la déclaration universelle des droits de l’Homme au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas de tourner le dos à une forme de réalisme diplomatique et économique, ni de penser à la place des régimes politiques des pays avec lesquels nous dialoguons et nous commerçons, mais de poser plus fortement la question des droits humains, dont les droits des humains LGBT, dans les relations internationales. La décision récente de la banque mondiale qui conditionne désormais aussi son financement à la non-​discrimination contre les personnes LGBT va dans ce sens.

C’est pourquoi nous proposons :

62. Le renforcement de la feuille de route de l’ambassadrice pour les droits de l’Homme nommée en conseil des ministres le 24 juillet 2013 en y intégrant la problématique des persécutions des personnes LGBT.

63. La ratification des protocoles additionnels numéro 15 (implication du juge national dans l’application de la convention) et numéro 16 (développement de la compétence facultative de la Cour européenne des droits de l’Homme) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

64. La mise à l’agenda de l’Union européenne de la discussion pour la création d’un poste d’ambassadeur des droits de l’Homme à l’échelon européen afin d’accompagner la diplomatie européenne balbutiante.


Glossaire

CDAG : Centre de Dépistage anonyme et gratuit

CEGIDD : Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic

CIDDIST : Centre de Dépistage des Infections sexuellement Transmissibles

CNCDH : Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme

IST : Infection sexuellement transmissible

LGBT i Lesbienne, Gay, Bi et Trans.

MDPH : Maison Départemental des Personnes Handicapées