Les questions spécifiques aux séniors LGBTI+ renvoient à des questions qui intéressent la société tout entière. Intégrer les singularités LGBTI+ permet d’améliorer, d’une manière générale, le fonctionnement des services, des administrations, des institutions, des centres d’hébergement en rapport avec les personnes âgées.

Après une période où l’homosexualité des personnes restait cachée ou même niée, les premiers auteurs des comingouts des années 1960 et 70 sont maintenant à l’âge de la retraite. Après une hécatombe dans la pyramide des âges due à l’épidémie de VIH-​Sida, les premier·e·s séropositif·ve·s qui y ont survécu sont désormais des séniors. Leur prise en charge nécessite des formations chez les professionnels en charge du grand âge, l’actualité ayant hélas encore démontré début 2022 sur la maltraitance envers les séniors est trop fréquente dans les Ehpad notamment.

Nous sommes donc devant une question inédite dont les réponses doivent s’inscrire dans les efforts que déploiera la société française pour faire face au « mamy/​papy boom », qui touche notamment toute l’Europe.

La définition d’une politique publique nationale du grand âge, doit donc passer par la prise en compte des séniors LGBTI+ et de leurs spécificités autant que de leur historique de vie. La consolidation de la participation, tant que possible, des séniors LGBTI+ dans les cadres de discussion sur les sujets qui les concernent au premier chef est une évidence qu’il faut pourtant rappeler.

Le droit à une vie privée, affective et sexuelle ne disparait pas avec l’âge. Et il serait inimaginable qu’un pseudo-​impératif moral – déplacé ! – vienne s’y opposer. Les établissements qui sont cofinancés, soutenus, dirigés par les collectivités (et tous les autres !) doivent autoriser les visites de conjoint de même sexe, prévoir qu’un couple homosexuel soit hébergé ensemble, dans les conditions les plus normales en cohérence avec les états de santé des personnes. Les questions d’intimité et de vie personnelle ne peuvent plus être des tabous pour les personnels qui s’occupent de nos séniors et sont chargés de leur bienêtre.

L’Agence régionale de santé (ARS) à travers sa mission de « pilotage unifié de la santé en région » et sa partie sur l’autonomie a les moyens d’action pour développer l’accueil inclusif et le bienêtre des résidents.

L’ARS doit porter la voix de l’accueil inclusif en conseils d’administration (CA). Les collectivités ont, là encore, des sièges au sein des CA des établissements, des services de l’État, aux côtés des collectivités, disposent de siège de droit. Par ce biais, elles doivent obtenir des informations et des indicateurs éventuels sur les engagements des établissements pour permettre une vie affective la plus normale possible à leurs patients.

Signaler l’existence de l’association et de la charte de GreyPride, comme une ressource pertinente à la fois pour le personnel et pour les résident·e·s, s’enquérir des retours des familles et des résident·e·s et s’assurer que l’accès à ces structures soit bien égal pour tous nos séniors est une démarche à inclure dans les pratiques de toutes les agences régionales. Afin que l’attention portée aux séniors intègre les dimensions LGBTI+ de cette classe d’âge. Il faut que les questions LGBTI+ dans la dépendance, l’accès aux structures d’aide et hospitalières, soient aussi évoquées, parce qu’elles sont traversées par des exigences d’intime. Ce que notre société, déjà très défiante de la sexualité et de la vie affective des séniors, aura du mal à envisager sereinement pour des séniors LGBTI+.

HES propose :

  • Matérialiser une démarche et une charte pour l’accueil inclusif de tou·te·s les séniors. L’association Grey Pride a mis en place une démarche « GreyPride Bienvenue » afin de mettre en lumière les nécessités d’un accueil inclusif des séniors LGBTI+ et personnes vivant avec le VIH (PVVIH), et de la formation des personnels de gestion, d’accompagnement et de direction des établissements qui les reçoivent.
  • Définir avec l’association GreyPride, les moyens de diffusion et de certification des établissements par son label avec les moyens nécessaires et la proposition d’outils de contrôle et d’évaluation annuels.
  • La définition légale d’une « famille de choix » (ou de préférence), afin de permettre aux séniors en rupture familiale ou sans descendant de désigner leurs aidants naturels, voire leurs héritiers. Le développement de l’information sur les dispositions permettant aux personnes malades de désigner leur famille de choix (c.-à‑d. personnes de confiance).
  • Prendre en compte les « familles de préférence ». Les parcours de vie des personnes LGBTI+ ne sont pas nécessairement linéaires et classiques. Certaines personnes ont pu se retrouver coupées de leur famille et ont eu à construire, volontairement, une famille de préférence, par la bienveillance et grâce aux liens de l’amitié, qui n’est pas moins importante pour elles que les familles vers lesquelles la grande majorité des autres résident·e·s se tournent. Les établissements doivent intégrer cette possibilité et prévoir de préserver ces liens quand ils existent, dans les mêmes paramètres que pour les familles « classiques ».
  • Donner 2 sièges permanents du « Conseil national » de la Vieillesse à des associations LGBTI+, notamment à Grey Pride.
  • L’intégration, dans le fonctionnement des établissements d’hébergement des personnes âgées, de la faculté dont chacun·e dispose d’avoir une vraie intimité, une vie affective et une sexualité durant toute sa vie. Associer les conseils de la vie sociale (CVS) de ces établissements.
  • Faire respecter les volontés des usager·e·s et indiquer aux familles qu’elles le doivent aussi. Il apparaît évident que les potentiels refus familiaux de vie personnelle intime, voire amoureuse, des résident·e·s doivent être dénoncés. La pédagogie peut être utile pour préciser que les vies personnelles ne s’arrêtent à aucune porte d’établissement de soins, ce qui semble être une évidence. Mais, au bout du compte, les résident·e·s ne doivent avoir à subir aucune ingérence dans leur vie privée, d’où qu’elle vienne.
  • L’adaptation d’établissements et des structures d’aide à domicile aux impératifs de prise en charge des affections de longue durée (le traitement du VIH-​Sida, cancer, maladies neurologiques, hépatites).
  • Le développement des campagnes de sensibilisation, en autres vers les séniors LGBTI+ les personnes qui en ont la charge et leur entourage, pour la prévention de la transmission des infections sexuellement transmissibles (IST) et pour la préservation de leur bienêtre. Former les personnels et intervenants aux questions de vie intime et de gestion du VIH-​Sida et IST. La sensibilisation et la formation vers les personnels des Ehpad sur les questions de l’accueil inclusif des séniors LGBTI+ (notamment les couples homosexuels et les personnes trans) sont importantes pour la bonne santé et une qualité de vie des résident·e·s qui ne doivent pas subir de discriminations, même sous prétexte médical à leur âge. Par ailleurs, la formation des agents d’accompagnement et de soins pour un accueil et des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sera nécessaire pour ne pas en faire un tabou, et prendre en compte au mieux cette dimension, notamment dans l’aspect thérapeutique.
  • Le développement de l’aide aux structures de rencontre, de socialisation et de partage intergénérationnels (ex. : maison des jeunes et de la culture), centres culturels et sportifs ainsi qu’aux structures d’aides au maintien à domicile intégrant les séniors LGBTI+.