La campagne électorale pour la présidentielle puis les législatives 2022 est bien lancée, avec ses candidat·es déclaré·es formellement ou non, et des thèmes de campagne populistes que l’extrême droite entend appuyer et sur lesquels la droite et le gouvernement LREM compte encore surfer.
Entre un candidat non encore déclaré, mais disposant de tous les marqueurs d’un prétendant avec son local de campagne, son association de financement, son équipe com’ et une stratégie assumée, la sortie d’un livre, les meetings dans le pays, l’association de financement, la couverture médiatique invraisemblable (dont les sondages commentés en boucle jusqu’à la nausée), et des candidats plus « classiques », le paysage des impétrants à la présidentielle est déjà bien situé.
La triste propension de cette campagne à la fois à flatter les bas instincts « à la Trump », à faire appel à des réflexes de groupies électrisés davantage qu’à ceux de militants structurés un minimum et disposant de faits, et aussi à mettre en avant les slogans chocs simplistes et des mensonges grossiers plutôt que les idées de fonds est bien claire. On ne peut que regretter que certains (même à gauche parfois) choisissent de courir après un grimaçant lièvre nauséabond et de lui prêter main forte dans sa stratégie d’omniprésence médiatique, ou de se permettre des commentaires invraisemblables portant sur la religion ou l’ethnicité d’un candidat dans un débat déjà sursaturé par ces clichés éculés et sans aucun fondement, voire encore de choisir de prendre une position qu’il n’aurait pas reniée sur différents sujets.
Quelle démocratie veut-on pour 2022 et après ?
Miser toute une campagne sur des propos extrémistes, pour être certains de faire le buzz et d’assurer la viralité de propositions simplistes, démagogiques voire stupides, est-ce la démocratie que l’on veut pour 2022 ? Permettre à un personnage odieux et ses thèses d’infuser dans le pays est-ce une stratégie pertinente lorsque l’on voit les exemples réussis de ses modèles à l’étranger ? Et la mise en place de politiques publiques qui attaquent l’état de droit, les libertés aussi bien individuelles que collectives ?
Car la France n’est hélas pas la seule touchée, par des mouvements — structurés ou non — de diffusion de haine et organisant les coups de boutoir contre la démocratie. Des reculs inquiétants pour les droits et libertés, ciblant notamment les LGBTI, sont bien visibles en Europe et depuis de nombreux mois et années. Que ce soit ce qui se passe depuis de trop nombreuses années déjà en Pologne – la loi Stop LGBT en est un autre exemple – et en Hongrie, devenues les têtes de pont de l’autoritarisme et des attaques des droites populistes radicalisées contre les droits humains (droits des femmes et des LGBTI) et plus globalement de l’état de droit (médias, ONG, justice, partis d’opposition muselés ou contraints). Ou encore ce à quoi on a pu assister récemment en Italie avec les débats sur la loi Zan et le choix affiché du Vatican et de la hiérarchie ecclésiale catholique de continuer à obérer toutes les mesures contre les discriminations.
La montée des nationalismes — et les propositions absconses de candidats à la présidence en France l’illustre bien —, accompagnée de celles des intégrismes religieux et des populismes qui n’oublient jamais leur discours antiLGBTI… tout cela impose que les LGBTI+ soient renforcés dans leurs droits et que les politiques pro LGBTI+ soient vraiment au rendez-vous à commencer par l’Europe et donc la France qui va présider l’UE un semestre entier dans 2 mois (janvier 2022).
Discours caricaturaux et mensonges factuels laissés sans réponse et diffusés en boucle…
Malgré la tentation du clown triste qu’est Zemmour, puisqu’il s’agit de lui, et en dépit de ses stratégies copiées sur le succès du trumpisme outre-Atlantique, il y a de véritables exigences d’un projet humaniste, à gauche, où la solidarité et la justice sociale s’accompagnent d’un vrai projet de reconquêtes et d’expansion des libertés, dans un cadre européen.
La course médiatique à laquelle se livrent certains médias, permet une recherche effrénée de la couverture des propos les plus ridicules, aberrants, haineux et vociférants, la diffusion de sondages démagogiques — et mensongers. Il faut rajouter à cette liste, la diffusion d’écrits où l’on continue les indignes amalgames entre pédophilie et homosexualité — à fortiori dans une presse catholique qui n’a jamais su regarder en face les problèmes de l’église, avec ses pratiques et discours de dissimulation et de silences que le rapport Sauvé de la CIASE a rendus « officiels ». Sans compter les outrances de médias, d’émissions de « débat » sur les télés où les mensonges factuels, rarement, quand ce n’est jamais, dénoncés par les journalistes/animateurs lorsqu’ils sont prononcés en plateaux, que ce soit lors d’un débat ou pendant un entretien.
Alors que le mensonge triomphant semble être la loi du moment, on ne peut que regretter que les travaux de décodages ou de fact-checking n’aient pas davantage de reprises et que l’on continue à inviter et réinviter sans souci ceux ou celles qui ne propagent que des discours de haines et les fondent sur des mensonges établis à de multiples reprises. Tout ça pour que certain·es fassent écho, de leur bouche et leurs mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques…
Il aurait dû aussi être évident qu’il est impossible pour une chaine disposant d’autorisations officielles d’émettre d’inviter l’inspirateur d’attentats racistes, islamophobes, et professant des thèses xénophobes, menant à des tueries de masses donc, d’être invité, sans devoir en répondre devant le CSA et les tribunaux.
En France, les discours racistes, LGBTIphobes ne rentrent pas dans la liberté d’expression. L’apologie de la haine n’est pas une partie du champ large des paroles, même les plus radicales, admissibles. C’est un délit et ses promoteurs doivent être poursuivis.
On ne doit pas oublier pourtant que parler de Zemmour ou des délires racistes, antisémites, sexistes ou homophobes de qui que ce soit, c’est non seulement leur servir une soupe qui ne les satisfera jamais assez, mais c’est aussi, et surtout, une diversion afin d’éviter que les sujets pertinents comme la montée des violences, le combat contre le dérèglement climatique, les droits et libertés, l’état de notre système de santé publique, le pouvoir d’achat, la précarité en hausse, et la liste exhaustive serait longue à établir, soient traités.
Pendant que la haine et les désinformations saturent les temps d’antennes et en abreuvent les réseaux sociaux, on ne parle pas de ce qui est la « réalité du monde sensible » : les questions sociales, économiques, de libertés et les sujets de lutte contre les discriminations (mais pas les sorties crétines de hâbleurs et bateleurs haineux).
À gauche, l’impératif est de refuser ce triste jeu médiatique
Que la volonté de s’inscrire dans le jeu médiatique de cet histrion vienne de droite ou de gauche, il est effrayant de voir que soient tenus, dans la bouche de personnes détentrices d’un mandat populaire ou responsables issues de partis politiques de la gauche « radicale » ou « modérée », des paroles à tout le moins grotesques quand elles ne sont pas directement discriminantes (à divers titres). Cela contribue à une baisse du niveau du débat public, facilite les perceptions essentialistes et la reproduction de stéréotypes discriminatoires et ne sert, au final, que les idées de l’extrême droite et ceux qui les (et s’en) servent.
Il doit être une démarche évidente, pour les responsables politiques interrogés dans les médias de refuser de répondre à une question qui ne porte pas sur leur projet politique, qui vient détourner l’attention des sujets importants, qui voudrait leur faire commenter les actes ou discours de l’extrême droite pour ne faire que poser une loupe encore plus proches sur les thèmes ou interventions que celle-ci souhaite imposer comme paramètre normal du discours public.
La question essentielle de la bataille culturelle, à gauche, n’est pas une lubie d’intellectuels hors sol, ou de penseurs isolés, c’est une démarche essentielle si tant est que nous souhaitions, collectivement, reprendre la main sur la discussion publique et cesser d’être discrédités lorsque l’on porte un discours un tant soit peu progressiste. La réaction, les conservateurs, tout le spectre de l’extrême droite l’ont bien compris et l’imposent à notre pays depuis trop d’années, avec de sérieuses « sorties de pistes » au début, puis de franc discours de haine. L’absence de réflexion critique ou de stratégies délibérées pour contrer ce combat par trop de personnalités et responsables dans le large champ de la gauche est désespérante.
Il est impératif que les discours et les comportements des responsables de la gauche et de l’écologie, ou qui s’en revendiquent, invalident ces thèses, d’abord et avant tout en refusant d’en faire des sujets acceptables du débat. Et il est effectivement temps de poser la question de la non-éligibilité réelle d’une personne condamnée en justice pour des motifs de discriminations.
Italie, Hongrie, Pologne… : à différents niveaux, l’Europe affiche des reculs
SI notre paysage médiatique français est effrayant à plus d’un titre, on ne peut que voir à quel point, chez nos voisins européens, la situation concrète du pays s’est aussi dégradée suite aux attaques menées par l’extrême droite. Les attaques contre les LGBTI en Pologne ou Hongrie, mêlées à celles contre les droits des femmes ne sont en rien un épiphénomène, mais bien une charge délibérée et réfléchie, que de trop maigres réponses, tant techniques que politiques, par les autorités européennes et les chefs d’État et de gouvernement n’ont pas su infléchir à minima.
Que ce soit les zones sans LGBTI dans des régions polonaises, les lois contre la promotion de l’homosexualité par la Hongrie, ou le rejet d’une loi permettant de sanctionner les délits de haine homophobe et prévenir les discriminations LGBTIphobes en Italie (et saluée par le Vatican) ces points marqués par un camp conservateur (dans sa large acception) doivent être des alertes pour toutes et tous à gauche et, plus largement, par ceux et celles qui se revendiquent du camp démocrate et humaniste. Cela ne doit plus être l’apanage uniquement des militant·es féministes ou du combat pour les droits LGBTI.
Évidemment, l’Italie n’est pas à mettre sur le même plan que les Pologne ou Hongrie que le PIS ou le Fidesz sont en train de mettre en coupe réglée par la dévitalisation chaque jour plus importante de leur état de droit et de leurs institutions démocratiques (aussi bien celles de l’État que de la société civile, comme les associations ou les médias). Mais dans toute l’Europe occidentale, l’Italie continue hélas de faire figure de lanterne rouge, une situation qui semble historiquement à contresens de ce que les 5 autres pays fondateurs de l’Union européenne connaissent.
L’urgence démocratique est aussi un enjeu pour la présidence française de l’Union
Macron et Renew et leurs volontés affichées de défendre une Europe politique revitalisée, doit passer par des actes forts et des actions concrètes pour défendre le projet fondateur de l’Union européenne et de ne pas laisser passer les occasions de condamner les administrations nationales qui, en prétendant défendre leur peuple, ne font que saper la démocratie en violant les valeurs qui ont présidé au processus d’intégration européenne et, juridiquement, divers textes et traités européens…
La lutte contre les discriminations n’est pas accessoire
Les vraies questions ne sont pas une dissociation des enjeux souvent décrits ou précisés – à tort – comme « sociétaux » face à des questions sociales, alors qu’ils en font pleinement partie. Traiter les discriminations ce n’est pas avoir une prise de parole publique, de la part des médias ou des responsables politiques qui serait : « Vous parlez encore des discriminations ? Cela nous divise, il faut arrêter avec ça ». Mais bien : « Les discriminations, de toute sorte, nous divisent et brisent notre en-commun, parlons-en et travaillons à résoudre ces problèmes ».
Sans cette approche qui aura le mérite de porter sur la place publique, de manière politique – au sens premier du terme – des questions qui empêche, au sens littéral aussi, des millions de nos concitoyens de se sentir pleinement intégrés à la société, de se voir reconnaitre leurs droits de citoyen·nes et d’être enfin des membres à part entière de notre grammaire collective : la République, alors rien ne sera possible demain. Afin de recréer les conditions d’une participation large au débat public, de prise de parole partagée pour des enjeux qui touchent chacune et chacun d’entre nous, que ce soit dans notre pays et dans le cadre de l’Union.