Si l’omniprésence de l’informatique est utile, les droits et libertés sont parfois menacés par la facilité de récolte et récupération, puis croisement des fichiers en tous genres, y compris sans l’aide de la puissance logistique et financière d’un État. Les Gafam (Google Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les sites web avec cookies, les commerces et cartes de fidélité sont autant de créations de traces numériques volontiers intrusives selon leur usage… et c’est un énorme « business » !
La tendance existe aussi, en cas de candidature (emploi, crédit, logement, assurance), de rechercher sur le net et les réseaux sociaux, des éléments généraux ou parfois très privés de la vie des personnes.
Les personnes restent les premières responsables de ce qu’elles publient délibérément sur les profils et réseaux sociaux divers et variés, il faut rappeler que nul ne maîtrise absolument la privacité (qui relève de la vie privée, de l’intime), des contenus qu’il a postés. De trop nombreuses failles des plateformes numériques ont déjà démontré que l’utilisation, même avec la plus grande maitrise, des outils et de leurs options restait problématique et susceptible de se retrouver à la vue de chacun.
Si les plateformes ont la charge de veiller à ce que leurs outils ne soient pas détournés, il reste possible pour un employeur, un opposant politique, une structure publique ou privée animée de buts faiblement éthiques, d’utiliser les données et traces de tout un chacun sur Internet, de les relier à d’autres, pour trouver plus d’informations que nécessaires sur les personnes. Il convient aussi d’encadrer ce type d’utilisation, et les sanctionner lorsqu’elles sont avérées et sont utilisées contre des personnes, simple particulier ou, pire, salarié.
Les algorithmes ne sont pas plus garants de l’équité de traitement et des indifférenciations dans l’accès aux droits ou aux possibilités diverses (emploi, étude, achat) que les personnes LGBTI+ réclament. Ce sont des programmes informatiques qui sont créés par l’Homme et en récupèrent les biais, les impensés et les représentations (ou plutôt le manque de celles-ci).
Des algorithmes qui peuvent être de prédictions (de l’orientation sexuelle ou identité de genre), de censure ou blocage – pour éviter des discours de haine ou des contenus réservés aux adultes – et qui se retrouvent à bloquer des contenus LGBTI+ parce que la sensibilité aura été définie sur ces sujets. Des algorithmes sur la santé, qui finissent par déterminer qu’une personne n’est pas éligible à un contrat d’assurance ou qui relève sa prime parce qu’ils l’ont défini comme trans, homo… Ou que les données récupérées par ces algorithmes classent les personnes dans des catégories définies comme à risque par des structures (publique ou privées) et pour lesquelles, il importe d’augmenter la cotisation/adhésion, voire de la leur refuser.
La liste pourrait être très longue, mais elle se résume à un point : les traitements automatisés des données ne sont en rien neutres, et les personnes LGBTI+ restent sujettes à autant de difficultés déjà concrètes ou potentielles avec celles-ci qu’avec des personnes. Un point à ne pas négliger lors de la mise en œuvre de système informatisé et dans l’établissement de leur cadre légal.
Enfin, les caméras et micros sur la voie publique et la captation des données vidéos sur les caméras piétons (qui sont nécessaires pour lutter contre les contrôles au faciès) sont déjà réelles et enregistrent et exploitent massivement des données. Il ne s’agit donc plus de parler de possibles modifications et d’un futur technique lointain., nous ne sommes déjà plus dans la science-fiction.
Les « caméras intelligentes » avec reconnaissance faciale, et des logiciels de pseudo-prédictions des comportements sont loin d’être anodin et participent de ce risque fort posé sur la vie privée, les droits et libertés de toutes et tous, et encore plus des personnes LGBTI+, par leurs côtés intrusifs et discriminatoires.
- Données personnelles et maîtrise nationale et européenne des données privées
- Les données privées de santé, pertinentes et nécessaires, mais à protéger scrupuleusement
- Refuser le fichage des LGBTI+
- Traçabilité des consultations des fichiers
- Installer une vraie instance d’éthique : refondre le CNCE
- Garantir le droit aux rassemblements et manifestations pro-LGBTI+
- Des moyens contre les emprises sectaires
- Les lieux de privation de liberté
- Les personnes trans en prison
- La laïcité, principe précieux à protéger et à préserver
Les applications et sites web de rencontres, notamment celles s’adressant aux LGBTI+, doivent être exemplaires en termes de vérification et protection de leurs clients/usagers et donc de leurs données, y compris en choisissant pour leurs data centers/hébergement (cloud) des systèmes sécurisés dans le choix, notamment, des territoires/localisation de cloud. De plus, il faut impérativement encadrer les locations ou ventes de certains fichiers et de certaines données sensibles (pour caricaturer : vendre les fichiers de clients de Grindr à Poutine ou à l’Iran n’est pas une bonne idée ). *cf piratage de données personnelles sensibles du site gay israëlien de rencontres ATRAF par des hackers d’Iran en octobre 2021… l
HES propose :
- Conservation des données privées et/ou sensibles des citoyen·ne·s européen·ne·s sur un « cloud » localisé dans des pays « sûrs » et détenus par des entreprises ne les vendent ou utilisent pas à des fins dangereuses pour les LGBTI+.
- Condamner pénalement et organiser la répression sérieuse des fuites de données personnelles par des opérateurs privés, notamment lucratifs et encore plus celles des applications de rencontres.
- Effectuer un travail de plaidoyer auprès des Gafam et autres entreprises de la « tech » qui récupèrent et collectent des tonnes de données, afin de les avertir des risques et actions de détournement par des tiers, pour améliorer leurs services et effectuer les changements préconisés par les associations.
- Prohiber la récupération des données, notamment de santé, et leur utilisation à d’autres fins que celles prévues pour la collecte, y compris après autorisation expresse des usagers, lorsque les usages portent atteinte à la vie privée ou au bienêtre des usager·es.
- Pour tous les fichiers sensibles sous autorité ou contrôle publics, la totalité des personnels ayant accès doit être limitée, régulièrement réévaluée et toute consultation totalement traçable.
- Prohiber la collecte (récupération, tri et liaison) des données privées « librement » accessibles sur des personnes et sanctionner les personnes morales ou physiques qui les auront collectés et utilisées à leur encontre dans le cadre du travail, ou tout autre cadre (refus de prêt, refus d’embauche, refus de promotion, diffusion publique, chantage).
- Interdire l’exploitation des données récupérées par l’État, les collectivités et leurs services par des structures privées, à but lucratif, ou non, dans le domaine de la prédiction sociale et de l’ingénierie sociale.
- Encadrer strictement l’usage scientifique par des laboratoires de l’enseignement supérieur public ou privé de ces données, et de la création possible de produits numériques issus de ces recherches.
- Sanctionner la création délibérée d’algorithmes permettant de trier la population, des client·es, des usagers, des employé·es, des patient·es, ou toute personne utilisant des sites et plateformes, qui violerait les lois en vigueur, ou s’affranchiraient de leur esprit.
La numérisation des données en santé et la constitution de fichier sur les personnes, comme dans d’autres domaines, a engendré des questions particulières par la nature intrinsèquement privée de ces données. La mise en place ces derniers mois d’un passe sanitaire a permis aussi de reposer plus médiatiquement cette question. Un outil où se retrouve intégrées des données de santé, souvent « montrées » à de nombreux tiers et qui ont pu être consultables par piratage est une démonstration de la nécessité particulière de bâtir une sécurité dans la création et la gestion des données de santé.
Il faut aussi penser politiquement la mise en place, l’utilisation « quotidienne », les acteurs qui y ont accès, et la destination de ces fichiers.
Avec quelques précisions sur les médicaments prescrits, le lieu de rendez-vous pour un médecin (spécialiste ou généraliste) chez lequel une personne ira, il sera aisé de la reconnaitre comme LGBTI+. La prescription de la PrEP est un identifiant clair pour les HSH et homosexuels, la délivrance de traitements hormonaux pour des trans, etc. Ces données ne peuvent être un bien mercantile que notre système national ou européen autoriserait à être distribuées, récupérées, traitées sans des gardes-fous importants et incontournables.
La constitution des fichiers est pratique et pertinente à différents titres, ne serait-ce que pour le suivi médical le plus abouti pour les patient·es et pour un traitement qui soit le plus efficace. Toutefois, les possibilités de détournement d’un fichier centralisé – le contrôle même par une administration –, que ce soit par un tiers aux buts lucratifs ou de diffusion publique pour porter atteinte aux personnes, ou par une entité publique (nationale, avec un gouvernement non démocratique, ou étrangère) qu’elles qu’en soient les buts est réelle et ne peut pas être niée.
De plus, le secret médical avec les données privées sur les traitements et le dossier des malades doit s’entendre aussi avec ce que la médecine du travail (ou ce qu’il en reste) obtient comme information sur un·e employé·e. Tous ces fichiers constitués existants parallèlement sont à surveiller et leur intrication, pour intéressante qu’elle puisse être pour des praticiens, ou même l’usager comme premier concerné, constitue une source majeure de dérives.
Il apparaît donc important que les gardes-fous, bâtis autour de ces fichiers et leur utilisation et accès, soient construits en collaboration avec des acteurs associatifs reconnus, aux côtés de la puissance publique. l
HES propose :
- Construire un écosystème de la donnée de santé, maîtrisé par la puissance publique et les assurés sociaux. À ce titre, le Health Data Hub doit être soutenu par l’État. Il doit veiller à ce qu’il soit doté des moyens, humains et financiers, de surveiller les usages des données recueillies et transmises, avec le rôle de contrôle indépendant de la Cnil rendu pérenne.
- Définir un usage et un accès clairs à ces données de santé pour permettre l’interopérabilité avec le plus grand nombre de systèmes, mais intégrant une vigilance particulière sur les risques liées à l’exploitation des données, notamment par les structures assurantielles capitalistiques.
- Définir légalement un arsenal de réponses pénales et civiles (en plus d’économiques) pour protéger spécifiquement les données privées de santé et empêcher et sanctionner un usage abusif, notamment discriminatoires (à tout niveau, par tout acteur), de celles-ci.
- Travailler à définir la donnée de santé comme un bien non-marchand, afin de prévenir la cessibilité de celles-ci par les structures pouvant en récupérer (opérateurs d’objets connectés, de tracking)
- Plus globalement, déployer une politique de la donnée de santé autour d’un triptyque : sécurité, confidentialité et utilisation.
En décembre 2010, la loi Loppsi 2 dite d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure était adoptée par l’Assemblée nationale. Parmi de nombreuses mesures de ce texte l’article 37 octies, introduit par le gouvernement au cours de la discussion, autorisait le dépistage sans consentement de toutes maladies virales sur un individu ayant agressé physiquement un fonctionnaire de police ou un gendarme dans le cadre de ses fonctions. Le principe du consentement au dépistage établi depuis des décennies maintenant, et remis en cause par ce texte, relevait de la protection des libertés individuelles.
La Cnil avait alors exprimé son inquiétude sur ce texte et demandait aux parlementaires de jouer leur rôle et d’amender la loi, peine perdue dans la Ve République avec un Parlement presque systématiquement godillot…
Le fichage des LGBTI+ n’est pas une illusion dramatique dans un paysage dystopique. Les possibilités de fichage et les croisements de ces fichiers rendent largement possible une identification, même faible, des personnes LGBTI+ en fonction de leurs lieux de fréquentations, des personnes croisées, des démarches réalisées (plaintes ou recueils de témoignage près d’un lieu connu comme fréquenté par les LGBTI+, utilisation de structures médicales comme les Cegidd, prise de médicament – traitement contre le VIH, prise d’hormones, etc.). Il faut entreprendre un travail sérieux de dépoussiérage de notre législation afin de revenir sur les textes permettant la création de fichiers. L’historique depuis les années 2000 notamment est important avec les nombreuses lois liberticides ou scélérates qui se sont enchainées (LCEN, Loppsi, Loppsi 2, Loi Sécurité globale… et tous les textes quasi annuels, qui entendaient lutter contre le terrorisme). La création de fichiers, poussés, aux contenus importants et à l’accessibilité et aux croisements plus nombreux depuis Edvige jusqu’à Gendnotes est une réalité qui pose un risque sérieux, dans une démocratie et encore plus dans un pays qui ne le serait plus.
De la simple création de ces fichiers jusqu’à leur interconnexion, les risques sont graves si demain la diminution des gardes-fous en démocratie continue de s’accroître et si, par l’élection ou non, une administration de droite radicale en vient à gouverner notre pays comme la Hongrie ou la Pologne le connaissent.
Le récent fichier Gendnotes contre lequel HES, notamment, a porté plainte et a gagné devant le Conseil d’État permettait, par exemple à des maires de prendre connaissance de données enregistrées sur un suspect, ou un simple témoin, supposées ou réelles, – y compris mineur ! – sur ses options politiques, sa religion, son appartenance syndicale ou son orientation sexuelle. À la suite de la procédure initiée par HES, Isoc France et la LDH, le Conseil d’État annulera les dispositions du décret qui ne prévoyait aucune indication sur « la nature ou l’objet » des données collectées qui pourraient être transférées vers d’autres fichiers.
Il reste un nombre (hélas croissant) de fichiers « policiers » ou « administratifs », avec ou sans recueil de données ADN, dans différentes institutions. Ils sont autant d’armes contre les libertés individuelles aux mains d’un gouvernement fascisant ou, à minima, peu soucieux des droits. l
Le rôle de la Cnil
La Commission nationale informatique et libertés (Cnil), instituée depuis 1978, est plus que nécessaire dans notre monde informatisé. Les nombreuses données privées récoltées et récupérées aussi bien par des acteurs privés que publics sont des risques éminents, à la fois pour la vie privée des personnes, et ont un impact potentiellement conséquent dans le domaine économique, social et pour la sécurité des États.
Une obligation s’impose aux prochains gouvernants, qui est de renforcer cette structure et instituer le traitement des données comme un des points cruciaux à vérifier lorsque de nouvelles plateformes, des usages numériques et des applications à l’audience massive sont diffusées.
Les avis de la Cnil, qui doit être « augmentée » dans ses prérogatives et ses capacités, doivent devenir contraignants. l
HES propose :
- Renforcer les moyens de la Cnil et améliorer sa capacité à détecter les abus lors de la constitution et l’utilisation de fichiers, par des acteurs privés et par des acteurs publics.
- Renforcer durablement les moyens humains, techniques, financiers, de contrôle et de sanction de la Cnil, en initiant un travail avec des associations LGBTI+ nationales.
- Mobiliser également, pour renforcer la cyber-sécurité de toutes et tous, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) pour traquer, bloquer et contrer aussi toute intrusion de groupes de « hackers » voire d’États « voyous » aux pratiques anti LGBTI+ qui chercheraient à « aspirer » des données personnelles sensibles.
- Rendre obligatoire la production d’un avis par la Cnil avant toute promulgation d’un texte concernant, même indirectement, le traitement de données ou l’organisation des données et fichiers constitués par l’État notamment.
Avec les constitutions de fichiers, il faut aussi penser leur accès et leur utilisation. Les politiques publiques et les lois mises en place doivent permettre à la société de se prémunir de toute dérive quant à l’utilisation des fichiers afin notamment d’en vérifier que le seul usage prévu dans leur instauration est bien l’usage final effectif. De même, le croisement des fichiers qui est le plus gros risque potentiel pour la vie privée et les libertés individuelles doit être sévèrement puni lorsqu’il contrevient, à la fois, à la loi et à l’esprit des textes de protection des droits humains nationaux ou internationaux.
Il importe aussi de penser correctement une méthode d’inspection de contrôle afin de « surveiller les surveillants » qui puissent lier dans une maitrise de l’utilisation de ces fichiers et de leurs données, les structures publiques, parapubliques ou privées qui les créent ou les utilisent et les citoyens et les associations qui ont une expertise sur ce sujet. Les mises en place d’instances de contrôle effectif, de comités de déontologie pluralistes, avec une supervision citoyenne et associative semblent être des garde-fous évidents.
À ceux-là, il faudra adjoindre des outils directs d’alerte de l’administration et de signalement à la justice, ainsi que des capacités de sanction des agences, structures ou personnes violant les règles, et l’esprit des règles, qui régissent l’utilisation et l’accès aux fichiers.
Le déploiement, par exemple, de caméras vidéos sur la voie publique, de micros (la généralisation des caméras-piétons pour les forces de l’ordre, notamment) engendre différentes questions sur l’accès aux images pour l’agent et pour les passants, personnes contrôlées. La durée de conservation (ainsi que le lieu et le mode, pour évoquer leur sécurisation) et l’usage de ces images font partie des points qu’une instance, composée de citoyens et de membres des administrations, aurait à discuter.
HES propose :
- Traçabilité dans la création et la consultation de fichiers mentionnant ou pouvant mentionner (ou déduire) l’orientation sexuelle, ou l’identité de genre de citoyen·ne·s, réelles ou supposées. Une commission indépendante avec des personnalités et des associations qualifiées auront un droit de regard et pourront effectuer un droit de suivi sur l’exploitation de ces fichiers et des outils amenés à les utiliser (croisement) ou les créer. Punir les consultations abusives.
- Adopté en 2016 par l’Union européenne, le règlement général sur la protection des données (RGPD) est un texte important qui fixe notamment la nécessité de limiter la collecte, déterminer la durée de conservation et protéger les données privées que les entreprises privées comme administrations peuvent demander. Les LGBTI+ ont tout à gagner que les sites consultés, les entreprises sollicitées en vue de différents services ou achats ne puissent conserver indéfiniment leurs données et ne permettent pas de les identifier. Le RGPD doit être un texte à faire respecter scrupuleusement, la loi prévoit déjà des sanctions diverses pour les structures qui se montrent trop légères avec le recueil et le traitement des données.
- Interdire la production de données liées de l’Intelligence artificielle (IA), comme de supposées déductions de l’orientation sexuelle ou identité de genre à partir de caractères physiques ou médicaux (étude génétique). Plus globalement prévenir l’usage de données produites par l’IA pour de l’ingénierie sociale et formaliser l’interdiction quant au contrôle social, quels qu’en soient les commanditaires.
- Interdire dans la loi que la puissance publique et n’importe quelle entreprise ou organisation privée puissent acquérir des logiciels de traitement ou développer des outils d’intelligence prédictive permettant, même indirectement, de détecter, trier ou définir les orientations sexuelles, identités de genre des citoyen·ne·s.
- Réfléchir à une organisation qui permette aux citoyens et à des associations reconnues de contrôler les fichiers en lien avec la Cnil, possiblement dans le cadre d’une instance affiliée.
- Doter cette instance de pouvoir de signalement avec un lien spécifique avec les services adéquats de l’administration et le parquet, ainsi que de sanction administrative pour les manquements constatés à la « bonne » utilisation des fichiers.
- Réaffirmer le danger que constitue la création, privée ou publique d’un fichier, et redoubler de vigilance sur les divers recueils de données. La mise en place d’un régime non démocratique qui serait amené à notamment viser les personnes LGBTI+ et leurs droits se trouverait dotée de fichiers utilisés pour ses fins et donc particulièrement dangereux pour les droits et libertés.
- Profiter des retours d’expérience sur la période de crise sanitaire que nous connaissons. Les démarches de lutte contre la Covid-19 ont permis de créer et diffuser des applications (comme « TousAntiCovid ») dont les défauts et les qualités ont pu être documentés. L’usage de technologie interne aux téléphones, comme le Bluetooth qui trace les déplacements et documente les fréquentations, est autant un atout dans la lutte contre les contaminations et la propagation du virus (lorsque cela fonctionne réellement) qu’un danger évident dans une logique de contrôle policier ou social.
- Quelle est la politique de conservation des données récupérées par une telle application (les modes, lieux et sécurisation) ? Sa sécurisation et le fait que le prestataire qui l’a réalisée ou ceux qui seront amenés à intervenir sur elle sont-ils fiables ? Toutes ces questions illustrent d’une part la nécessité d’établir des garde-fous importants, et aussi des freins d’urgence, mais également de les élaborer et de les faire appliquer avec les citoyens et les associations afin de ne pas laisser à la seule puissance publique de faire le choix de continuer ou stopper des outils de contrôle de masse comme celui-ci. HES reste attachée à une séparation des pouvoirs et à une organisation technique dans leur application qui préviennent les risques d’abus avec l’incorporation des citoyen·ne·s.
Le Comité national consultatif d’éthique est une instance mise en place à la suite des assises de la Recherche en 1982. La naissance du premier « bébé éprouvette » a conduit à l’instauration bienvenue d’un comité chargé de réfléchir aux questions éthiques que les pratiques thérapeutiques en santé peuvent poser. Avec un nom officiel qui est « Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé », cet organisme consultatif français dispose du statut d’autorité administrative indépendante.
Si une approche des sciences de la vie et de la santé n’est pas un souci, il n’en demeure pas moins un problème que la définition du rôle d’une instance d’éthique se limite à la seule réflexion autour de questions médicales, en santé notamment. L’éthique, que nous choisissons de développer en tant qu’association humaniste et progressiste, vient remplacer la morale dans les travaux d’une société sécularisée et (que l’on souhaite) libérée de dogmes la parasitant.
L’éthique, donc, est une approche, une démarche, la construction collective d’une pensée et de pratiques que nous avons à élaborer, davantage qu’elle ne s’imposerait à nous, par des moyens plus ou moins ésotériques, et à laquelle nous ne pourrions rien changer.
Refusant de se faire l’exégèse de textes plus ou moins anciens, le développement d’une éthique dans notre société ne se fait ni à l’aune de pratiques religieuses ni à la subsistance et à la manipulation de peurs par des réactionnaires aveuglés dans leur refus des avancées techniques et des libertés qu’elles offrent aux individus.
C’est à nous, un nous collectif, le plus large et le plus inclusif, de penser ce que nous voulons pour notre société, dans des cadres qui sortent de la technique médicale pure. Une réflexion sur l’éthique doit englober à la fois les ressorts techniques des sciences et les possibilités qu’elles offrent à chacune et chacun.
Mais elle doit aussi y inclure les responsabilités particulières des sachants et des experts de ces techniques, les impératifs et les limites qui doivent être celles des législateurs, les modifications dans nos rapports sociaux que ces techniques, que le droit offrent, et penser aussi tout l’impact dans la sphère socioéconomique de changements que la science ou la loi permet. Cette éthique doit nous offrir la liberté permanente de la revoir, de l’agrandir, de l’améliorer, de la défendre et de la diffuser. Une liberté qui nécessite en permanence éducation, information, et dialogue.
C’est ce travail, car, pour reprendre les mots de Thucydide, la liberté reste un travail, que nous entendons défendre. Parce que la question éthique est aussi celle de choix légaux, sociaux, économiques… les progrès en science et en technique ne peuvent être les seuls champs de travail du comité d’éthique dont notre nation s’est dotée et dont on peut demander l’avis. Il nous apparait évident qu’une question « de société » ne peut se limiter à la seule dimension bioéthique. Pour une nation, toutes les questions et choix qui sont les siens imposent une réflexion éthique.
HES propose :
- Modifier le périmètre du CNCE afin de ne plus le limiter aux seules applications en sciences de la vie et santé. Renforcer son statut d’autorité indépendante et organiser une liaison avec les autres autorités aux périmètres proches, voire superposés dans sa future organisation : Cnil, Défenseure des droits.
- Refondre le CNCE avec notamment l’intégration de chercheurs et de responsables associatifs venant de structures reconnues dans différents champs (numérique au sens large, santé, droit, média, etc.).
- Organiser la composition du CNCE pour être à jour de la société et de ses évolutions, avec les forces socioéconomiques qui la composent, les acteurs associatifs.
ADepuis la « crise » des Gilets jaunes et les risques sanitaires que l’épidémie de la Covid-19 a soulevés, cela fait de nombreuses années que les manifestations sur la voie publique, quels qu’en soient les organisateurs, se retrouvent régulièrement, de la part des services de l’État, à rencontrer des soucis dans la détermination des parcours, des difficultés sur les temporalités choisies, des complications diverses et variées, quand ce ne sont pas directement des menaces d’interdiction.
Il faut rappeler qu’en France, aucune manifestation n’est soumise à autorisation préalable. La loi prévoit que la préfecture puisse l’interdire une fois informée de son organisation et le parcours déposé, dans des cas, notamment, de « troubles à l’ordre public ». Cette appellation est suffisamment vague pour que des préfets ou services trop zélés, peu soucieux du respect des libertés, l’utilisent à tort.
Par ailleurs, il apparait déplacé et méprisant que différentes manifestations puissent avoir lieu dans des zones qui seraient interdites aux marches des fiertés, hormis pour de réelles raisons de sécurité des participant·es – ce qui est déjà un problème, en soi. Il ne sera pas plus admissible de laisser d’autres évènements, notamment commerciaux, se tenir alors que les marches seraient prohibées. Les marches des fiertés et les rassemblements pour les droits des LGBTI+ restent des manifestations à part entière qu’il faut protéger, auxquelles il faut permettre de se dérouler sans souci et pour lesquelles l’engagement des forces de sécurité doit être au niveau attendu dans une démocratie fonctionnelle.
HES propose :
- Bannir toute interdiction de « Marche/Prides » (tentative à Toulouse en 2021) sauf en cas de force majeure de type risque terroriste, et quand toute autre manifestation est également interdite.
- En toute logique, HES refuse l’interdiction faite à priori à certaines associations LGBTI+ importantes, expérimentées et pourtant membres de regroupements/fédérations LGBTI+ (ex. : Flag ! et Personn’Ailes) et à certain·e·s élu·e·s/responsables de venir officiellement aux forums, débats, festivals, salons et Marches des Fiertés, à partir du moment où ces personnes sont membres de partis très majoritairement favorables aux revendications LGBTI+ (droits égaux, mariage, homoparentalité, visibilité, subventions publiques, Pride) depuis de nombreuses années, ou ont elles-mêmes œuvré et activement défendu pour l’égalité et l’émancipation.
- Renforcer le travail de prévention et de médiation en cas de conflit de voisinage au sujet de locaux (commerces ou association) LGBTI.
- Avoir un État et ses services et entreprises publiques proactifs pour les rassemblements en faveur des droits LGBTI+. L’État, avec tous ses services déconcentrés via les ministères (préfectures, rectorats d’académies, universités et grandes écoles publiques, musées nationaux, Direction régionale des affaires culturelles/DRAC, Agence régionale de santé/ARS) et entreprises publiques nationales (SNCF, La Poste, France Télévisions, EDF) dans les régions et villes, doit faciliter l’utilisation régulière ou ponctuelle de locaux (salle de réunions, amphithéâtre, jardin/parc) pour des associations LGBTI, dans des conditions souples, accessibles et sécurisées, proportionnelles à leurs moyens.
- Réviser et produire un schéma du maintien de l’ordre qui garantisse les libertés de manifester, s’assure de la sécurité des personnes et organise les sollicitations des forces de l’ordre et leurs actions dans le cadre d’une exigence démocratique élevée.
La Miviludes est un outil manquant cruellement de moyens pour protéger les LGBTI+ . L’annonce soudaine faite par le gouvernement du changement de périmètre de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) représente une modification substantielle et problématique pour cette structure. Auparavant rattachée aux services du Premier ministre pour une transversalité et une globalité plus que logique dans la lutte contre les sectes, le gouvernement Castex l’a rattachée au ministère de l’Intérieur uniquement, via le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).
Cette décision illustre la volonté du gouvernement de ne traiter les phénomènes sectaires qu’à travers une question de gestion de l’ordre public. L’optique sécuritaire permanente et unique à travers laquelle ce gouvernement prétend organiser la vie publique est inquiétante à plus d’un titre. Car c’est sans compter la dimension multiple des phénomènes que les groupes et organisations sectaires ou à fonctionnement sectaire peuvent générer.
Les pseudos « thérapies de conversion » sont des discours et programmes proposés et imposés par des mouvements sectaires, mais pas uniquement. Sur les droits des personnes LGBTI+, nul n’est censé ignorer que les pratiques connues comme les « thérapies de conversion » se présentent sur le territoire français comme des pratiques ou des manœuvres relevant de l’emprise psychospirituelle.
Les missions de la Miviludes pouvaient notamment l’autoriser à s’occuper de cette thématique. Elle pouvait gérer les organisations qui prétendaient développer ces pratiques. Désormais effectif, le changement de périmètre pour la Miviludes pose un risque non négligeable sur sa capacité à traiter la variété des dérives sectaires et des phénomènes en dehors du champ de son ministère de tutelle, toutes celles que notre société peut connaitre. Il faut souligner le manque criant de moyens pour une structure gouvernementale qui voit ses financements et ses équipes réduites à peau de chagrin depuis des années.
En 2020, son budget n’est pas connu, mais il est passé de 120 000 € en 2013 à 85 500 en 2019, et ses effectifs sont passés de 15 agents en 2018 à seulement 8 en 2020… Difficile de croire qu’avec ces maigres moyens, les missions habituelles soient correctement réalisées, sans compter celle qu’on vient de lui adjoindre.
HES propose :
- Redonner des moyens à la Miviludes pour prévenir les phénomènes sectaires et pouvoir travailler décemment sur les risques que cela pose pour les personnes LGBTI+.
- Revenir sur le « rattachement » de la Miviludes au ministère de l’Intérieur et s’assurer de sa capacité à traiter tous les sujets au sein de son périmètre.
S’il est logique pour une démocratie de mettre en place des systèmes et des lieux pour sanctionner et contrôler les personnes jugées dangereuses (pour les autres ou pour elles-mêmes), qui doivent purger une peine de justice sous une forme ou une autre, la gestion, l’organisation et le contrôle des ces structures ne doivent pas échapper au regard de la société et aux lois dont elle s’est dotée, ni aux droits collectifs et individuels (non-discrimination, respect de la vie privée, secret médical) qui sont le socle d’une action démocratique.
Que ce soit dans les mal nommés centres de rétention administrative (CRA), les hôpitaux psychiatriques, les maisons d’arrêt et prisons… Tous ces lieux engendrent des problématiques similaires et notamment pour les personnes LGBTI+. La privation de liberté pour les personnes n’est pas une raison pour entrainer une suspension de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
HES propose :
- Un placement systématique des personnes trans dans les lieux de privations de libertés qui correspond à leur genre. Elles doivent être appelées par le prénom choisi de la part de tous les intervenants de l’établissement, même si celui-ci ne figure pas encore officiellement sur les documents d’identité.
- Placer les personnes trans dans des endroits séparés et protégés des autres personnes privées de liberté, si aucune différenciation des genres n’est possible.
- Organiser la détention, même temporaire, des personnes trans, et LGB, dans le strict respect des personnes et de leur dignité. En révisant le système carcéral français et sa surpopulation systémique afin de s’assurer de places disponibles pour qu’elles soient à l’abri de toutes violences.
- refondre l’organisation carcérale pour en ôter la dimension discriminatoire inhérente dans son traitement, en lien avec les associations intervenant en prison, et sur la base des rapports à la fois du CGLPL et de l’Observatoire international des prisons (OIP).
- vérifier que le respect de la vie privée, et notamment de la vie de couple, soit intégré dans les dimensions de « l’enfermement ». Les Pacs et les mariages doivent permettre à toutes les personnes de pouvoir voir régulièrement et de manière intime leur conjoint·e. Les unions libres doivent aussi bénéficier de ces dispositions.
- Repenser globalement les politiques d’asile en révisant la gestion des demandes d’asile et de séjour afin de correspondre aux valeurs de notre devise républicaine et s’assurer que les LGBTI+ qui font des demandes voient leur dossier correctement traité. (Voir Action internationale)
- Mettre un terme à l’enfermement pour le traitement des réfugié·es et migrant·es et fermer les CRA et mettre un terme aux modes de gestion des personnes en situation irrégulière qu’ils induisent et dont ils résultent.
Focus
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) réalise une mission essentielle dans notre pays. Son rapport annuel et ses recommandations font régulièrement la démonstration des soucis majeurs qui existent dans les lieux de privation de liberté, même temporaire, dans notre pays. Des ONG de terrain, comme l’Observatoire international des prisons (OIP), font des constats assez similaires. Pour remédier à ce problème, le Contrôleur doit pouvoir alerter le Procureur général (cf. article 40 du Code de procédure pénale) pour que des situations anormales soient corrigées rapidement.
Dans ces lieux, les personnes LGBTI+ doivent faire face à des situations personnelles à la complexité renforcée par leur orientation sexuelle et leur identité de genre. Une orientation sexuelle assumée ou non, affichée ou non, qui complexifie d’autant leur présence dans certains lieux et engendre des risques réels. La non-prise en compte de l’identité de genre place ces personnes dans des endroits non adaptés, souvent contraires à ceux où ils et elles auraient dû se trouver. Elles se retrouvent ainsi dans des situations de contraintes, qui s’avèrent, en plus, dangereuses pour leur santé mentale comme physiologique.
Les difficultés rencontrées par les personnes transgenres en prison sont souvent, en premier lieu, d’être affectées à l’endroit correspondant à son genre. Les lieux de privation de liberté, comme les maisons d’arrêt, sont genrés et différents temps et lieux en leur sein peuvent comporter des dangers pour les personnes trans qui se situent en dehors du cadre genré que ces lieux imposent.
Il faut repenser les conditions d’accès et les obligations d’affection dans ces lieux à l’aune du genre déclaré par les personnes incarcérées et s’assurer que les accès aux différents « services » de ces lieux (douches, parloirs, etc.) se fassent dans ce respect-là également. Il est possible d’organiser la vie de ces établissements sans difficulté supplémentaire résultant du simple respect des droits et de l’intimité des personnes trans incarcérées.
L’amélioration des conditions d’incarcération de toutes les personnes et notamment des personnes trans est un impératif pour le système carcéral français. Celui-ci doit garantir aux personnes trans le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux à tout moment et pour toutes les situations. Enfin, pour celles qui en suivent un, la parfaite continuité de leur traitement doit être une des règles de base.
HES propose :
- Ainsi que le recommande le CGLPL : « que des recherches sur la situation des personnes transgenres privées de liberté en France soient financées et diligentées par les pouvoirs publics. À cette fin, des données recueillies au sein des lieux de privation de liberté pourraient être utilement mobilisées, dans le strict respect des principes gouvernant la protection des données personnelles. »
- Proscrire les fouilles et palpations anatomiques visant à déterminer le « sexe » des personnes.
- Définir dans la loi que les modalités d’affectation et de fouille soient réalisées selon le genre déclaré par les personnes. Pour cela, s’inspirer à la fois des bonnes pratiques établies par certains centres en France et dans les législations d’autres pays. Les adaptations peuvent parfois être faibles, et ne rien couter.
- Former les agents de l’administration pénitentiaire et toutes les personnes travaillant dans des lieux de privation de liberté sur les sujets et les discriminations subies par les LGBTI+, y compris ceux exerçant dans le domaine de santé.
- S’assurer, pour toute personne trans dont la détention arriverait quand un parcours de transition a été engagé, que rien ne vienne entraver ce parcours et que les démarches engagées puissent continuer, de quelque nature qu’elles soient (médicales, chirurgicales, psychologiques), sans préjudice pour les personnes.
- Pour celles qui souhaiteraient entamer une transition lors d’une période de détention, le libre choix du médecin doit être respecté et les médications et démarches ne doivent pas être entravées.
- Reconnaitre comme interlocuteurs officiels et aptes à être des ressources officiellement reconnues sur les questions de détention et de gestion des maisons d’arrêt, les associations de défense des droits des personnes trans et de défense des droits des prisonnier·e·s.
- En lien avec les associations de défense des droits des personnes trans et de défense des droits des prisonnier·e·s, surveiller les modalités d’incarcération dans les maisons d’arrêt et faire toute remontée nécessaire directement au CGLPLG, à la Défenseure des droits et aux directions des centres de détention, pour des modifications rapides des situations décrites.
- Plus généralement, faire des avis de la CGLPL une source officielle et contraignante d’inspiration pour les rédactions de règlements, décrets, normes et autres textes concernant les personnes trans et LGBI+ en détention (et plus globalement tous les cas de détention).
La question de la laïcité reste pleinement de notre temps. Entre les incartades des religions dans le débat ou l’espace public et les résurgence de classement des français·e·s selon la religion à laquelle ils se réfèrent ou celle à laquelle on les assigne, on voit bien des explications nécessaires, et des limites à reformuler pour préserver les libertés et notamment celle de conscience. La laïcité est un des paramètres précieux de notre République.
Principe autant juridique que philosophique pour le vivre ensemble, elle est à défendre et à porter avec vigueur et constance, car elle a été et continue d’être menacée et détournée. Loi de liberté et d’émancipation, la laïcité doit être protégée par les responsables publics et par tous les acteurs du débat public : médias, associations, syndicats, élu·e·s, citoyen·ne·s… Les personnes LGBTI+ saisissent bien l’utilité de ce principe qui interdit à la fois à l’État de se mêler de la religion/spiritualité chez ses citoyen·ne·s et préserve la sphère publique d’une action officielle de pouvoirs religieux, parce que le pays aurait reconnu une religion officielle ou d’État, comme aux siècles précédents. La laïcité doit être protégée aussi de celles ou ceux qui souhaiteraient l’instrumentaliser, à diverses fins et en faire un instrument de contrôle ou d’interdits.
Pour les associations LGBTI+ la laïcité permet également à chacune de voir reconnues, soutenues, aidées – financièrement et logistiquement – leurs actions et leur activité en évitant le jugement moral que les religions et leurs interprétations « les moins progressistes » font peser sur les minorités sexuelles (mais pas uniquement). Les attaques comme celles contre des structures ou manifestations comme à La Roche-sur-Yon en 2019, ou les procédures juridiques (comme celle contre le Centre LGBTI de Nantes en 2018) proviennent de groupes organisés construits, inspirés par la religion dans des visées antidémocratiques et haineuses, comme les prises de paroles lors des débats de 2013, d’un dirigeant ecclésiastique qui regrettait que des décisions éthiques puissent être soumises au suffrage universel.
Cela doit être dénoncé et combattu. Il ne peut pas être acceptable, à fortiori, que des dirigeants progressistes, ou s’affichant comme tels, puisse aller directement auprès de chefs religieux pour indiquer le renoncement à des promesses de campagne, ou flatter l’épiscopat pour s’imaginer récupérer un électorat. À ce titre le « discours des Bernardins » prononcé par le président Macron à la conférence des évêques de France où il a parlé d’une France humiliée par le mariage pour tous, demeure un épisode indigne. Il n’est pas acceptable de réduire l’éthique de notre société aux prescriptions d’une religion, afin de mieux valider la mainmise de mouvements réactionnaires sur les débats publics.
Il ne faudra toutefois pas oublier que, parmi les plus anciennes associations LGBTI+ encore en activité en France, dont HES depuis près de 40 ans, figurent l’association chrétienne LGBTI+, David et Jonathan, et le Beit Haverim, groupe juif LGBT+, toutes deux engagées pour les droits et contre les discriminations. l
HES propose :
- Être aux côtés des associations LGBTI+ lorsque des responsables religieux ou des militants prétendent régenter leur activité et empêcher, perturber ou interdire des actions ou manifestations.
- Travailler à la plus grande place des associations LGBTI+, des associations familiales progressistes, des associations laïques dans le domaine de la ruralité, du logement, de la consommation, etc. au sein de tous les cadres dans lesquels elles sont nommées ou proposées, pour des consultations par les autorités publiques.
- Continuer à travailler à une éducation populaire, à la transmission et à la diffusion de la connaissance de la loi de 1905 pour expliquer et décrypter la laïcité, son histoire, ses principes et son application auprès du plus grand nombre et dans tous les domaines (collectivités territoriales, entreprises, école, associations).
- Pour chaque responsable politique, continuer à affirmer le rôle évident d’outil de liberté et d’émancipation qu’est la laïcité et refuser son abaissement et son instrumentalisation.
- Doter les structures publiques qui travaillent sur les risques sectaires et luttent contre les dérives sectaires de moyens efficaces. (Voir dans le même chapitre : Moyens contre les dérives sectaires)
« Laïcité et démocratie sont indivisibles, et (…) la démocratie ne peut réaliser son essence et remplir son office, qui est d’assurer l’égalité des droits, que dans la laïcité. »
Jean Jaurès, République, démocratie et laïcité,1904