Les personnes et le tissu associatif LGBTI+ sont présents sur tout le territoire national. Grandes villes, villages, campagne, métropole, outremer… tous les espaces accueillent des citoyen·ne·s, des familles, des commerces, des structures LGBTI+ qui doivent faire face à des questions souvent similaires sur la visibilité, l’accès non discriminant à des services publics, la lutte contre les stéréotypes et les actes et discours violents… Ces questions ont aussi des enjeux plus spécifiques selon les lieux de vie, en fonction du cadre dans lequel elles se posent.
Être LGBTI+ dans une grande ville, une métropole dense – comme Paris, Lyon ou Lille – ou vivre dans un petit village au sein d’un département rural n’offre pas les mêmes possibilités, en sociabilisation, accès à des structures LGBTI+, des espaces ouvertement LGBTI+ friendly, l’intégration à un tissu associatif déjà présent, plus ou moins foisonnant, ou échanges avec des acteurs publics ou privés qui – en lien avec ce tissu – auront intégré les enjeux de la lutte contre les discriminations et le combat pour les droits.
Dans chacune de ces zones, les pouvoirs publics nationaux ont la capacité, en lien avec les collectivités locales et les acteurs associatifs, d’agir pour continuer à lutter contre les discriminations, accroître la visibilité des personnes LGBTI+ et contribuer à une inclusion toujours plus importante pour chacun·e de nos concitoyen·ne·s.
- Métropole : zones urbaines
- Métropoles : zones périphériques / périurbaines
- Métropoles : zones rurales
- Les Outre-mers
Si Paris est le lieu de centralité historique de notre pays, entre force politique centripète classique et jacobinisme intégré, c’est aussi dans la capitale que des parutions et mouvements pro-homosexuel·le·s (Arcadie, FHAR, la « Gay Pride » annuelle, le Gai Pied, le Beit Havereim, HES, le MAG Jeunes LGBT, SOS Homophobie, Aides, le Sneg, Act Up-Paris, la Fédération sportive LGBT+, Têtu) sont nés, puis des « quartiers gays » ont surgi historiquement au 20e siècle, pour s’établir finalement à partir des années 1980 dans le Marais (Paris Centre), et où les structures commerciales, associatives, conviviales se sont établies en nombre.
Cette présence, forte, est évidemment permise par le nombre des habitants de la ville la plus peuplée de notre pays, faisant d’elle un point de convergence politique, économique, culturelle, sociale. À ces égards, l’ensemble des grandes villes de France, chefs-lieux de régions ou de département, ont le même « attrait » vis-à-vis du territoire dans lequel elle se trouve.
Cet attrait est tout à la fois économique, politique et social avec des villes qui abritent aussi bien des préfectures, des hôtels de département ou de régions, que des sièges d’entreprises nationales, locales, des clubs de sport à rayonnement régional, des universités, des nœuds de transports… Bref, tout ce qui peut en faire des points de centralité. Les centres LGBTI+ n’ont pas à en être absents. Il existe (hélas) encore des grandes villes en France totalement dépourvues de centre LGBTI+ (Marseille, Le Havre, Brest, Saint-Étienne, Perpignan, Fort-de-France, Aix-en-Provence, Poitiers, Biarritz, Toulon, La Rochelle, Pau, Limoges, Clermont-Ferrand) ce qui est, de plus en plus, une irrégularité au vu de la mise en place de centres ou d’antennes dans de nombreuses grandes et moyennes villes.
C’est d’une part le manque de volonté politique de parler aux associations – et de les reconnaître comme des interlocuteurs respectables, responsables et compétents – qui peut être une des causes de cette absence départementale ou régionale. Mais aussi, d’autre part, soit un manque d’envie du secteur associatif, soit son éclatement (quand ce n’est pas ses divisions), soit une difficulté concrète à imaginer un mode de travail pour un centre LGBTI+ sans financement espéré, sans aide technique ou logistique proposée par une collectivité (ou plusieurs) qui permette de faire avancer de premières démarches de création.
Marseille, en ce sens, a un déficit lourd que la nouvelle municipalité de gauche élue en 2020 travaille à résorber. Mais c’est aussi une absence de plan national d’action pour un travail sur la représentativité associative et leur présence sur le territoire qui fait défaut.
HES propose :
- Appuyer le tissu associatif, et organiser des réunions autour de représentants locaux de la Dilcrah pour lancer la création de centres LGBTI+ à vocation régionale dans toutes les grandes métropoles et dans toutes les villes dans lesquelles coïncident une volonté et une dynamique associatives, ainsi que des collectivités prêtes à les abonder financièrement ou techniquement.
- La création de centres LGBTI+ – à vocation métropolitaine et davantage – doit être intégrée comme un des axes d’un prochain plan national d’action LGBTI+, revitalisé. Tous les chefs-lieux de région, à minima, ont vocation à abriter un centre LGBTI, espace de domiciliation des associations LGBTI, autant que lieu de rencontres entre bénévoles, centre de réflexions et d’actions pour les droits des personnes LGBTI+ et espace d’accueil aussi pour des initiatives associatives ou extra-associatives de différentes natures (santé, prévention, débats).
- Mettre en place, en lien avec les collectivités locales concernées (ville, métropole, département, région), un observatoire au sein duquel siègeront les associations et où seront invités les représentants locaux de l’État (préfecture, préfecture de police, préfet à l’égalité des chances) et des ministères et organismes nationaux (ARS, Justice, Intérieur, Académie) en fonction des sujets qui seront évoqués et des thèmes de travail prévus.
- Organiser, au sein des différentes directions dans les ministères, une révision des formulaires Cerfa, et de tous les autres documents remplissables par les citoyen·ne·s et usagers, afin qu’ils soient conformes aux lois et règlements en vigueur, et pour prévenir une approche discriminante, même par omission. Ces procédures de révision peuvent se mener avec l’aide des associations LGBTI+ disponibles qui se porteraient volontaires pour participer à ce travail, et notamment avec les associations professionnelles des ministères ou services concernés.
Les zones périphériques peuvent couvrir des réalités très variées. Présentes aux abords ou à l’écart des grandes villes, mais irriguées par elles (emplois/économie, transports), situées aux confins des métropoles et de leurs pouvoirs attractifs.
Les personnes LGBTI+ sont évidemment aussi présentes dans les « banlieues », cette antiphrase très convenue est pourtant un des soucis majeurs. Les banlieues, qu’elles soient urbaines ou semi-urbaines ne sont pas des demi-villes ou des demi-campagnes, mais des territoires équivalents aux autres. Isolées dans le vocabulaire elles ne sont pas distinctes ni dans leurs besoins. Les personnes LGBTI+ de banlieues n’ont pas plus ni moins de difficultés que les autres, les biais, parfois médiatiques, de perception qu’on peut en avoir doivent être reconnus. Les nécessités de prise en compte particulière de ces territoires tiennent lieu à la configuration spatiale, aux difficultés socio-économiques et aux poids des représentations qui les irriguent.
Dans ces territoires, les personnes LGBTI+ se retrouvent régulièrement à devoir choisir de rejoindre la ville-centre, afin d’y trouver des structures et activités LGBTI+ s’il y en a – et donc à quitter leur territoire – pour avoir accès à une offre culturelle, conviviale et de liens affinitaires. Ou bien de rester dans leur zone de vie, de travail sans pour autant pouvoir trouver les lieux et structures LGBTI+ qu’elles peuvent rechercher.
Il n’y a aucune fatalité à ce que les activités et les cadres de la vie LGBTI+ soient réservées aux grands centres urbains. S’il est normal de les trouver dans ces espaces et que leur présence exerce une attractivité importante, celle-ci sera d’autant plus forte que l’absence de structures sera élevée. Les zones périphériques ont aussi des caractères propres, des populations à part entière qui ne peuvent pas être « déversées » vers le pôle d’attractivité le plus proche pour répondre à leurs besoins.
Au même niveau que des services publics, des structures culturelles, ou des enseignes commerciales, les structures LGBTI, qu’elles soient dédiées intégralement à ce public (comme des centres) ou revendiquant lisiblement de l’accueillir, ont toute leur place dans les zones périphériques. Que ce soit dans les banlieues des très grandes villes de notre pays ou dans les bordures des métropoles qui ont pu se mettre en place depuis quelques années. Pour résorber ces manques et l’oubli que le maillage du territoire est aussi un impératif pour les lieux de vie LGBTI.
HES propose :
- En lien étroit avec le ministère de l’Égalité des chances et de la Lutte contre les discriminations (quand ce portefeuille réexistera !) et la Dilcrah et ses représentants en préfecture, les métropoles et départements proposeront des actions de visibilité au sein de lieux publics, ou de services mobiles qui seraient développés, leur appartenant, pour des structures LGBTI+ associatives présentes sur leur territoire dans les villes-centres, avec lesquelles elles sont liées.
- Les collectivités s’engagent à valoriser les commerces et structures qui souhaiteraient pouvoir afficher leur soutien et leur accueil aux publics LGBTI+, en lien avec des plans nationaux mises en œuvre par les services de l’État dans les territoires pour aider ces entreprises et structures commerciales.
- Les services de l’État proposeront les aides financières et les appuis logistiques dont ils disposent et que la loi autorise, pour s’implanter ou créer des antennes dans des territoires qui peuvent aussi demander une relance économique particulière.
- Que des collectivités et des services de l’État, en lien avec le ministère de la Cohésion des territoires permettent à des structures LGBTI+ de pouvoir être domiciliées, mener des actions et recevoir du public, afin de mener à bien leurs projets et leurs missions dans des lieux qui peuvent manquer de foncier disponibles ou rendraient cet impératif trop compliqué (financièrement ou techniquement, pour des problèmes d’ouverture de gardiennage). À ce titre, les maisons France Service peuvent s’ouvrir à des acteurs associatifs. Une convention liant une collectivité avec l’aide ou l’implication de services de l’État, et organisant les présences et les moyens alloués peut être envisagée.
- Obtenir des plans de prévention des haines anti-LGBTI dans les établissements scolaires, de différents niveaux qui n’oublient pas ces territoires.
- Organiser la présence des services de prévention et de soin, notamment ceux qui sont formés sur la santé sexuelle et le suivi de groupes de population à risques. En lien avec les Agences régionales de santé (ARS), s’assurer de la présence de Cegidd et de leur accessibilité (lieu et horaires).
Sur les plus de 35 000 communes qui forment notre pays, l’Insee indique que ce sont plus de 30 000 qui forment les territoires de la ruralité (pour environ 20 % de la population), dans ses différentes acceptions.
Si l’on intègre, en plus, que c’est près d’un tiers de la population française qui vit dans ces communes situées dans des territoires ruraux, des plus denses aux moins denses, des plus connectés aux grandes villes et à leurs espaces, aux plus reculées et enclavées, alors ce sont autant de Françaises et de Français ruraux que les politiques publiques doivent intégrer.
Il faut aussi tenir compte que la France rurale continue de représenter le plus grand espace géographique de notre pays, au sein duquel les lieux de vie LGBTI+, les lieux affichant visiblement, à nouveau, l’accueil de toutes et tous et permettant à chacun·e de pouvoir être à l’aise, y sont pourtant manquants.
Si la mise en place de structures dans les zones les moins densément peuplées est une piste à travailler en fonction des besoins en aménagement des territoires concernées, elle est aussi à piloter, avec les services de l’État, entre reconquêtes des services publics et agencement entre besoins en commerce et en espaces de vie, que l’État, comme les collectivités, peuvent aider à construire, développer et organiser en commun. Pour rompre l’isolement des personnes LGBTI+ dans les zones rurales, et lutter contre les discriminations et les stéréotypes.
HES propose :
- Les collectivités et les services de l’État doivent accompagner les associations et les organisations afin d’identifier des structures publiques ou parapubliques, relevant des collectivités ou de l’État, ou financés par l’un ou les autres, pouvant accueillir événements, personnes, activités et ressources sur les sujets LGBTI+.
- Aider et financer les démarches des associations pour établir des antennes des centres LGBTI+ régionaux dans des communes rurales.
- Le ministère de la Cohésion des territoires et ses actions doivent aussi être intégrés dans les travaux de la Dilcrah.
- Les politiques publiques de la planification territoriale – qui déclinent les grandes orientations nationales – intègreront aussi les impératifs de lutte contre les discriminations et de créations de centres, d’antennes, de structures au sein desquelles les enjeux d’égalité et de visibilité doivent être intégrées, comme pour l’offre de services et les mixités sociales.
- Réaliser des déclinaisons de services nationaux et des structures d’État (pour la prévention, la santé, l’accès aux droits sur les thématiques et les personnes LGBTI+) dans des services itinérants ou dans des structures locales accueillant des services publics comme les Maisons de services au public (MSAP).
Pour la première fois en 2021, la Réunion a pu connaître une marche des fiertés, le 16 mai. Cette réalité démontre à la fois les complexités pour les départements et régions d’Outremer d’organiser une vie locale LGBTI+ avec des associations ultramarines peu soutenues, quand elles existent, alors que les exigences des questions LGBTI+ dans ces territoires ne sont pas moindres qu’en métropole.
Si la loi doit nous faire distinguer les départements et régions ultramarines (Drom), des collectivités d’outremer (Com), les enjeux concernant les sujets LGBTI+, aussi bien sur le plan des droits que des représentations, sont similaires. Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, en tant que départements et régions appliquent sur leurs territoires, les mêmes lois que celles applicables à toutes les autres collectivités, tandis que pour les autres territoires, les droits locaux, différenciés, rendent plus ardus la mise en place, plus uniforme, de droits et de politiques publiques luttant contre les discriminations touchant les LGBTI+, et s’assurant de l’égalité des droits.
Les enjeux de représentations restent cruciaux, peu importe les lieux, et la visibilité des personnes est également une des matrices des avancées dans les combats menés pour les droits et dans les changements de discours et dans les mentalités. Comme en métropole, la création d’une association LGBTI+ sur un territoire entraîne un cercle vertueux sur les représentations et l’engagement ainsi qu’avec les activités, les envies et besoins d’espaces de rencontre.
Les services de l’État doivent être des ressources et des appuis pour les acteurs locaux, en même temps que des lieux et des structures de soutien aux actions entreprises par les collectivités, les structures publiques ou parapubliques et n’importe quel acteur social, économique ou culturel dans le combat contre les discriminations.
HES propose :
- Organiser une stratégie de financement des associations locales qui agissent dans les outremers. Notamment lorsqu’il provient de structures d’État, d’agences nationales ou relevant des services de ministères, de préfectures, ou de représentants de la République ces financements doivent s’accompagner de conventions ou de contrats d’objectifs permettant de pérenniser les aides et de suivre correctement les acteurs.
- Veiller à les aider financièrement et logistiquement lorsque leurs actions viennent combler un manque des services de l’État ou des collectivités.
- Créer des foyers d’accueil pour les victimes de LGBTIphobie gérés par des associations financées par l’État ou par ses services, avec des personnes formées sur les questions de lutte contre les discriminations
et d’accueil de la parole. - La démocratisation des espaces de parole offerts aux habitant·es. La création d’ateliers de formations pour les agents du service public, et les acteurs de la vie sociale et économique des territoires organisés par des associations LGBTI+ locales.
- Après leur création, les associations doivent obtenir le soutien politique – qu’elles détermineront pertinent – de la part des représentants et services de l’État, des gouvernements locaux et de leurs branches et des organes dirigeants des collectivités ainsi que leurs services. Cela devra leur être signalé et indiqué lors d’une rencontre.
- Tout au long de leurs activités, les associations doivent pouvoir trouver les aides de la Dilcrah, que les services locaux pourront leur indiquer et les aider à monter, y compris en signant des conventions d’objectifs, pluriannuelle si possible, pour faciliter les financements des actions des associations et les intégrer comme partenaires et interlocuteurs.
- Intégrer les acteurs associatifs dans un observatoire local des droits LGBTI+, des droits humains, ou de la lutte contre les discriminations pour que les échanges entre les services des collectivités et de l’État soient facilités et les associer dans le déploiement des politiques publiques.
- Intégrer pleinement les associations locales au sein des dispositifs de santé et prévention existants ou à créer, avec les acteurs publics comme les ARS, ou les agences sanitaires et les acteurs privés, comme les mutuelles.