Le 26 avril a lieu la journée internationale de la visibilité lesbienne. Créée en 1982 à Montréal, cette journée se donne pour dessein de rassembler les femmes pour leur permettre d’échanger sur les questions LGBTI+. Méconnue ou oubliée, cette journée internationale est pourtant essentielle pour mettre en exergue les différents enjeux des lesbiennes et bisexuelles, souvent invisibilisées au sein de sociétés patriarcales.
Si la communauté LGBTI+ est dans sa globalité de plus en plus représentée à la télévision ou au cinéma, les lesbiennes, les transgenres et les intersexes sont très souvent illustrés de manière anecdotique ou caricaturale. Les lesbiennes ont longtemps été les « oubliées » de la scène publique et politique, rares sont celles qui demeurent dans les mémoires collectives par leur combat politique ou associatif. Pour cause, elles se heurtent à plusieurs stigmatisations et discriminations : la lesbophobie, le sexisme endémique, et parfois le racisme.
La France, un eldorado pour les lesbiennes ?
D’après le rapport de SOS homophobie, les actes lesbophobes ont augmenté en France depuis 2020. Rejets, insultes, diffamation, agressions sexuelles, que ce soit sur les réseaux sociaux, à l’école, au travail ou au sein de la cellule familiale ou lors de consultations médicales, les agressions sont monnaie courante pour de nombreuses lesbiennes en France. Ces discriminations sont à fortiori exacerbées depuis la crise de la COVID19.
Comme nous l’avons évoqué dans notre article consacré aux conditions des LGBTI+ durant la période de confinement, les personnes LGBTI+ subissent de plein fouet la crise sanitaire, couvre-feu et confinement sont parfois synonymes d’isolement et de violences intrafamiliales. Certaines lesbiennes ont été forcées et contraintes de faire leur coming out à cause de la promiscuité d’un confinement dans un foyer discriminant. L’adage vivons heureuses, vivons cachée peut-être d’une violence psychologique inouïe pour des femmes qui doivent répondre à soit à des stéréotypes de genre ou à une hétéronormativité. Si certaines n’ont d’autres choix que de vivre une relation cachée, leur bienêtre et leur santé mentale sont très impactés.
Entre le plan Moreno et les inepties sur les réalités des personnes LGBTI+, les mairies de gauche, elles, prennent le chemin de la promotion des personnes LGBTI+. De nombreux hommages à des figures LGBTI+ ont été rendus ces dernières années.
En avril dernier, a été votée lors du conseil de Paris la dénomination d’un terrain de sport « Eudy Simelate » dans le 20e arrondissement de Paris. Footballeuse professionnelle sud-africaine ouvertement lesbienne et militante pour les droits LGBTI+, Eudy Simelate a été victime d’un viol collectif en 2008 dans le but ignoble de « la guérir de son lesbianisme ». Elle a par la suite été lâchement poignardée et abandonnée dans un ruisseau à Kwa Thema (Afrique du Sud). Cette nomination voulue par le groupe Paris en Commun s’inscrit dans une volonté de lutter contre toutes les discriminations notamment dans le milieu sportif et de mettre en valeur les combats de femmes victimes de lesbophobie.
La procréation médicalement assistée, grande promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, aujourd’hui elle n’est toujours pas votée, et ce après plus de 4 années de mandat. En février dernier, le projet de loi a fait l’objet d’un vote du Sénat qui s’est prononcé contre l’ouverture de la PMA à 132 voix contre. Parmi les motifs de cette opposition : la volonté d’exclure la PMA pour les femmes seules ; le refus de l’autorisation d’autoconservation des gamètes sans raison médicale ainsi que la volonté de limiter la prise en charge de la PMA par l’assurance maladie.
Entre le contexte sanitaire actuel, les listes d’attentes à rallonge et les retards législatifs, la peine est lourde pour des femmes moins jeunes qui attendent depuis de nombreuses années de pouvoir fonder leur famille. Si, avant la crise sanitaire, certaines femmes, plus aisées, pouvaient se tourner vers des cliniques à l’étranger en payant des sommes astronomiques, aujourd’hui, avec les restrictions de déplacements, ces dernières sont contraintes également d’attendre que la macronie daigne accélérer le projet de loi Bioéthique.
Repousser sans cesse la PMA c’est aussi permettre aux comportements et paroles lesbophobes de se tailler une place de choix dans le débat public. Une énième promesse de vote pour l’été prochain a été annoncée, énième promesse qui ne convainc pas les associations LGBTI+. Tandis que la France dégringole au classement de l’ILGA et peine à légiférer une l’autorisation de la procréation médicalement assistée, en Espagne, Irlande, Portugal, Pays-Bas, Belgique, ou encore au Luxembourg, la PMA pour toutes est une réalité tangible.
La Marche officielle des lesbiennes dans des villes de France, une première nationale !
Une marche officielle des lesbiennes aura lieu aujourd’hui à 14 heures à Paris, organisée par le collectif Collages lesbiens, pour faire entendre la voix des lesbiennes jusque-là écartée du débat autour du PJL bioéthique. HES LGBTI+ sera aux côtés du collectif pour la marche des lesbiennes, et appelle les acteurs locaux et l’ensemble des personnes luttant contre la discrimination LGBTI+ à venir marcher ce dimanche 25 avril 2021.
Si les rues de Paris seront le théâtre de la manifestation de nombreuses femmes marchant pour les droits LGBTI+, à Lyon un rassemblement a eu lieu hier place de la Comédie, pour la fierté lesbienne. La ville a connu en janvier dernier une manifestation de la Manif pour tous accompagné de groupuscules d’extrême droite anti-PMA et GPA. Hier, la marche pacifique a été perturbée par des militants de l’ultra droite. Le droit de vivre et de revendiquer son genre ou ses amours déchaîne, encore, la violence de ceux dont les idées et les revendications sont aussi réactionnaires qu’antédiluviennes.
Zoom sur des figures qui bousculent les mentalités et les mœurs de leurs pays
L’inégalité en matière d’égalité des genres et de promotion des droits LGBTI+ entre les pays d’un même continent n’est plus à démontrer. Malgré les appels du pied de la communauté internationale pour lutter contre l’homophobie, les discriminations et les violences envers les personnes LGBTI+ ne faiblissent pas dans certains pays. Le militantisme LGBTI+ au sein de pays où l’État considère chaque composante de ce sigle comme péché ou abomination, peut coûter la santé mentale ou encore la vie des militants.
Ce fut le cas pour la militante égyptienne Sarah Hegazy en 2018, après avoir arboré le drapeau LGBTI+ lors d’un concert au Caire s’en est suivi une « chasse aux sorcières » sur les réseaux sociaux. Arrêtée, interrogée, torturée puis forcée à s’exiler au Canada durant deux années, Sarah Hegazy traumatisée par son incarcération et par le déferlement de haine, s’est suicidée l’année dernière.
La militante avait partagé ses conditions de détention abominables : « J’ai été électrocutée. On m’a menacé de nuire à ma mère si j’en parlais. Ma mère est morte quelque temps après mon départ. […] Puis comme si l’électrocution n’avait pas suffi, les policiers ont incité les autres détenues à m’agresser sexuellement, physiquement et verbalement. » Dans un rapport publié en 2020, Human Rights Watch fait l’état d’arrestations arbitraires et d’actes de torture sur des personnes LGBTI+ dans les prisons égyptiennes.
Si l’homosexualité n’est pas criminalisée en Égypte, le principe d’incitation à la débauche sert de moyen pour emprisonner des personnes LGBTI+. Être LGBTI+ en Égypte et le revendiquer dans un régime de répression, c’est le payer de sa vie. En cette journée de visibilité lesbienne HES LGBTI+ tient à rendre hommage à cette jeune femme au destin brisé qui restera un symbole et une icône pour une jeunesse désireuse d’émancipation.
Rania Amdouni, militante queer féministe, combat elle aussi la politique autoritaire de son pays en se mobilisant à de nombreuses manifestations prodémocratie en Tunisie. Depuis 2020, après avoir lancé des poursuites contre des policiers pour insultes homophobes, Rania a été victime d’une vague de dénigrement orchestrée par des syndicats de police.
Condamnée en première instance à six mois de prison ferme pour outrage aux forces de l’ordre, Rania Amdouni a été incarcérée dans une prison pour femmes. Sa victoire en appel est un message d’espoir pour le militantisme LGBTI+ en Tunisie. Véritable épine dans le pied de l’État tunisien, cette militante est l’espoir incarné du combat pour les droits LGBTI+ au Maghreb. Rania Amdouni est membre de l’association Damj, première organisation qui promeut les droits LGBTI+, elle préside également Chouf, une structure féministe dont le but est de défendre particulièrement les droits des personnes transgenres.
D’autres victoires pour la promotion des droits des lesbiennes émergent à travers le monde. Monica Benicio, veuve de Marielle Franco, victime de lesbophobie, racisme et sexisme, HES LGBTI+ lui avait rendu hommage en mars dernier dans son article « elle s’appelait Marielle Franco », continue la lutte contre le président d’extrême droite et contre un Brésil où le racisme, le sexisme, et les LGBTphobies continent de tuer.
Entourée et soutenue par des militantes féministes, Monica Benicio a été élue en novembre dernier à la municipalité de Rio de Janeiro. Dans un entretien accordé au magazine Jeanne, elle a témoigné sa volonté de reprendre les combats de Marielle tout en affirmant être également victime de menaces et de pression de la part de la droite brésilienne.
Au Nigeria, deuxième industrie cinématographique au monde, le film Ifé réalisé Uyaiedu Ikpe-Etim, sème la discorde dans l’ensemble du pays. C’est la première œuvre cinématographique qui relate l’histoire de deux jeunes femmes nigérianes amoureuses. Si ce film engagé est un acte de militantisme remarquable dans un pays qui criminalise encore les relations entre femmes, les deux cinéastes risquent une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 14 ans pour diffusion d’un film promouvant l’homosexualité. Si Ifé n’est ni projeté au cinéma ni à la télévision nigériane, il est bel et bien disponible sur des plateformes de streaming. Une victoire pour la visibilité des amoureux lesbiens dans un pays lesbophobe.
Si l’homosexualité reste un crime dans certains pays d’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Sud, le Gabon en 2020 et le Botswana en 2019 sont de rares pays à avoir légalisé l’homosexualité. L’égalisation étatique ne rime cependant pas avec l’annihilation des agressions contre les LGBTI+ dans une société où l’homophobie est véhiculée comme un devoir.
Ces figures militantes payent parfois au prix de leur vie leur engagement militant, elles méritent qu’on leur rende hommage. Cette journée internationale de la visibilité lesbienne est une excellente occasion pour leur faire honneur et relayer leurs combats ! Ce sont des individualités fortes et déterminées qui viendront bouleverser des pays qui peinent lourdement à garantir l’égalité à leur citoyen·nes, peu importe leur orientation sexuelle ou identité de genre.
À Taïwan, état pionnier en matière de droits LGBTI+ en Asie, où a été célébrée il y a deux ans la légalisation du mariage pour les couples homosexuels, a été lancée une plateforme de streaming révolutionnaire appelée GAGAOLALA. Première plateforme de vidéo LGBTI+en Asie, elle propose de nombreux films et séries en Asie, territoire pas le plus favorable pour le rayonnement des droits LGBTI+.
En proposant des contenus autour des relations amoureuses lesbiennes, la plateforme bouscule les mœurs dans des sociétés encore profondément confucéennes et patriarcales. Le « Netflix » asiatique, compte aujourd’hui plus de 280 000 clients, et est présent dans 21 territoires, certains, comme la Malaisie dans lesquels l’homosexualité est encore considérée comme un crime.
Lumière sur deux associations qui luttent pour les droits des lesbiennes
Lorsque l’État ne parvient pas ou ne veut pas donner une égalité de traitement à ces nationaux, ce sont souvent les associations qui viennent apporter soutien, refuge ou encore dénoncer des pratiques LGBTIphobes. Elles sont souvent l’unique lien social qui permet à de nombreuses personnes LGBTI+ de survivre.
En Afrique subsaharienne, la coalition des lesbiennes africaines, organisation de défense des droits des lesbiennes, réunit plus de 30 organisations à travers 19 pays africains. À travers plusieurs objectifs à savoir : La défense pour l’égalité des droits politiques, sexuels, culturels et économiques des personnes lesbiennes ou bisexuelles et personnes transgenres en Afrique, mais également l’engagement avec des alliés politiques ou autres organisations panafricaines pour éradiquer les discriminations contre les lesbiennes en Afrique. Réunis avec d’autres associations LGBTI+, la coalition des lesbiennes africaines participe aux conférences panafricaines de l’ILGA.
En France, l’association Mille et une queer, visibilise le combat de lesbiennes et bisexuelles issues de l’immigration du Moyen-Orient et du Maghreb. Souvent discriminées par leur genre, leur orientation sexuelle, ces femmes sont aussi victimes d’islamophobie ou de racisme « anti arabe ». Si la visibilité des lesbiennes est encore aujourd’hui problématique, elle l’est encore plus en ce qui concerne les femmes non blanches.
Dans une interview accordée au magazine Jeanne, Mille et une Queer a rappelé les causes que le collectif défend au quotidien, à savoir : la sexualité, l’avortement, la contraception, le port ou non du foulard, le style « butch », ou encore le refus de l’épilation. Le collectif milite également pour que les Marches des fiertés en banlieues soient de véritables évènements de visibilité et pour les LGBTI+ des quartiers populaires soient représentés et leurs voix écoutées.