Les législatives 2022, avec un triste record de 54 % d’abstention, ont donné leur résultat ce dimanche 19 juin. Si la gauche et les écologistes obtiennent un meilleur score et augmentent leur représentation à l’Assemblée nationale, au sein des différents groupes, l’arrivée d’une cohorte de députés RN, venue sur un programme et des discours ouvertement hostiles aux droits des LGBTI (et des femmes, et des minorités…) et grâce à l’action directe et indirecte de la majorité sortante ne peut que nous inquiéter. L’action et le changement de langage politiques deviennent plus que nécessaires.
Le second tour des élections législatives de 2022 s’est terminé dimanche soir par les votes de métropole avec des résultats aussi complexes que surprenants et effrayants. 245 sièges pour Ensemble, 131 pour la gauche unie de Nupes, 89, pour le RN, 64 pour LesRépublicains…
La représentation nationale n’a jamais été aussi divisée, ne permettant donc pas la constitution d’une majorité absolue pour un seul parti ou par lui et ses alliés directs. Outre le côté inédit de cette élection sur la variété des résultats, c’est à la fois la gifle donnée à la majorité sortante qui est importante et qui interpelle, mais également l’arrivée massive plus que pour tout autre scrutin, y compris à la proportionnelle, de députés de l’extrême droite, qui est une surprise.
Différentes personnalités des gouvernements et de la majorité précédents, ayant marqué leur passage par des discours oscillant entre le démagogique et le mensonger avec leur contribution à la diffusion aux thèses de l’extrême droite, ont perdu. De Blanquer à Schiappa en passant par Montchalin ou Castaner. Mais restent encore des ministres historiquement hostiles aux doits des LGBTI et certains marqués par des affaires de violences sexuelles : Darmanin, Lemaire, Lecornu, Abad…
Le résultat des élections : conséquence directe des actions et choix du président Macron
Le résultat de ces élections est une conséquence directe des décisions et choix de Macron depuis 5 ans : les hausses massives des prix, l’état très fébrile du pays, la hausse de la précarité, la hausse inédite de l’extrême droite haineuse, le classement ILGA trop bas de la France, LREM/Ensemble est directement comptable de tout cela.
La gauche ressort plus forte de ce scrutin, dans toutes ses composantes qu’en 2017. C’est en soi une bonne nouvelle. Le travail réalisé en si peu de temps pour réaliser une union électorale est à saluer. Celle-ci est toujours un combat et mène à des succès, c’est un travail qu’il faut continuer de mener.
Ce sont 8 millions de voix pour Ensemble/LREM, plus de 6,5 millions de voix pour la gauche et les écologistes rassemblés, et moins de 3,6 millions de voix pour l’extrême droite qui ont permis ces scores. À l’évidence, la fragile majorité de Macron va chercher l’essentiel de ses 45 voix manquantes pour faire voter des lois du côté de la droite LR et UDI, cela aura évidemment aussi comme conséquence directe de geler ou bloquer de vrais progrès pour les LGBTI+ !
La démocratie parlementaire revient dans un système politique qui l’avait oublié
Pour certains analystes, avec les résultats de ce dimanche, c’est la démonstration que le parlementarisme est de retour. Il y a une certaine forme d’obligation qu’aura le gouvernement de négocier de manière plus importante qu’avec une majorité godillot qui lui aurait été acquise, afin de pouvoir faire voter ses lois. C’est une habitude que notre système politique n’a pas, et d’un point de vue purement clinique il sera intéressant de voir comment cela se passe.
Certains analystes voient dans la configuration de l’Assemblée une copie de ce à quoi le Parlement européen ressemble. Son niveau d’exigence pour le travail de fond et sa culture du dialogue et du compromis politique n’est vraiment pas identique. L’heure, toutefois, n’est pas au débat d’esthète ou de chercheur.
Mais sur un aspect politique et strictement limité à la composition actuelle de l’Assemblée, de très nombreuses interrogations et des inquiétudes plus que vives se font jour dans ce nouveau cadre. Puisque les possibilités de négociations se feront à la droite et que le programme et les lois déjà votées depuis 5 ans par cette majorité sortante l’ont démontré, que va-t-il se passer pour les textes présentés ?
Quels garde-fous pour les lois qui seront votées, dans le cadre de dépôts d’amendements par des groupes qui négocieront leur vote ? Quelle recherche de voix cela va-t-il occasionner pour un gouvernement constamment menacé par sa majorité relative. Le triste exemple de la loi Asile et immigration votée des deux mains, et applaudie, par le Rassemblement national, alors que son poids politique était largement moindre, ne peut que nous interroger.
De la même manière que pour la loi « Séparatisme », sur les projets de loi sur la sécurité et les circulaires et décrets (Gendnotes) sur toutes les lois qui ont trait aux droits civils, économiques et sociaux, sur les droits évidemment des personnes LGBTI et des minorités… le poids de l’extrême droite dans l’Assemblée de 2022 est une donnée qui vient plus qu’assombrir toutes les perspectives législatives.
Le déshonneur de la stratégie et du choix politique de soutenir l’extrême droite de la part de la majorité « centriste »
Lors des cas où les duels de second tour opposaient des candidats de la Nupes au RN, ceux-ci se sont soldés dans la grande majorité par une fin de non-recevoir pour que les candidats du président éliminés Macron aient à choisir. Dans de très nombreux cas également, l’appel à barrer la route à « l’extrême gauche » (qualificatif aussi idiot que factuellement faux) représente un discours odieux.
Odieux pour n’importe qui se prétend républicain. Odieux pour qui à appeler à se mobiliser en faveur du président Macron pour le 24 avril, en faisant valoir expressément le barrage républicain face à l’extrême droite. Odieux enfin pour quiconque sait lire un tract et comprend où se trouve le danger. Pourtant une majorité des votants de LREM ont fait le choix de s’abstenir lorsque la gauche se retrouvait face au RN. Suivant en cela les consignes et discours de ministres, députés et candidats LREM, Modem, Horizons, Agir…
Les rares voix de la majorité sortante qui ont choisi clairement de se prononcer contre le RN et de voter pour la Nupes lors des duels, localement ou nationalement, ne suffiront pas à redonner son honneur à ce parti. Il aura fait la preuve qu’il est devenu le marchepied le plus efficace de l’extrême droite.
Le RN donc, n’a jamais été aussi haut (89 députés contre « seulement » 35 en 1986…), une surprise qui n’en est pas une compte tenu des éléments de langage, des politiques et des choix stratégiques organisés délibérément par le président Macron et ses affidés depuis des années. Ce RN dispose maintenant d’un financement public annuel élevé. Il pourra donc sans problème rembourser ses dettes envers la Russie de Poutine et développer ses réseaux de diffusion de la haine.
Depuis sa banalisation et sa dédiabolisation de la part de la droite la plus dure des années Sarkozy et ses suites, par les égéries des opposants au mariage pour tous… Banalisation totalement intégrée par différents médias, si ce n’est tous, et largement facilitée par les vitupérations de Zemmour. L’extrême droite et la droite ont, elles, bien compris ce qu’était la fenêtre d’Overton.
En dépit de ce qu’en disent quelques « alibis », la PME de la famille Le Pen reste foncièrement haineuse, raciste, antisémite, révisionniste, sexiste, homophobe, anti-droits des LGBTI. Le profil et le passé de ces nouveaux élus vont vite ressurgir, en sus de sortants connus et de nouveaux arrivants déjà identifiés.
Ces élu·e·s, leur nombre, leur programme et le chemin qui leur a été tracé par d’autres constituent des menaces directes lourdes contre les personnes LGBTI et d’autres !
En danger : les droits des femmes, des minorités, la culture, les droits sociaux, l’Europe…
Le danger pour le débat public est réel. Cela fait des années que celui-ci est fortement dégradé pour tous les sujets de société, et de droits des minorités. Les occasions de s’y attaquer par des prises de paroles, par des amendements présentés comme anodins, sont autant de risques pour la démocratie et les droits des personnes.
Il va arriver une vague de paroles de haine dans des médias nationaux ou locaux à un niveau rarement atteint. Une parole qui pourra se targuer d’être officielle, venant d’élu·e·s de la Nation… Le principe de la « fenêtre d’Overton » a fonctionné à plein depuis des mois, avec un Zemmour incarnant un discours que le RN a pu présenter comme exagéré, sans rien renier du fond…
Cela ne change pas ce qu’est la volonté de l’extrême droite, quel que soit son avatar. Les axes de travail et alliances qui sont les siens, pour Le Pen ou d’autres, restent les régimes et les directions politiques prises par des populistes LGBTIphobes Trump, Orbán, Bolsonaro, Poutine… Ce sont eux qui jouent avec les droits, s’attaquent précisément à l’État de droit qui est le cadre du combat pour le progrès des droits des minorités, pour l’égalité et l’émancipation.
Avec l’ensemble des associations LGBTI, et toutes celles qui se mobilisent pour les droits humains et la protection des droits des minorités, nous serons très vigilants pour la législature chaotique qui démarre. Et, alors que la France prépare très activement les JOP de Paris 2024, la célébration même de la diversité des humains, le mouvement actuel anti-trans dans plusieurs disciplines sportives est très inquiétant. Quels vont être les formes du débat public sur cette question avec des député·e·s pour qui la seule lecture de la société reste biologique ?
Ne rien céder, reprendre la bataille culturelle et s’organiser
Devant la menace que représente l’intégralité du programme porté par le RN, de son discours, de celui qui a infusé à droite et s’est répandu dans la société… Devant les difficultés que cela va poser pour faire entendre un autre discours sur les droits LGBTI jusque-là entendu dans les médias, il faut que le tissu associatif, il faut que l’ensemble des acteurs de la société civile reste mobilisé et s’organise.
Les associations de défense des droits humains et notamment LGBTI doivent reprendre la main et s’organiser face à ce qui est préparé, n’en doutons pas, par l’extrême droite et ses portevoix. Nous appelons aussi le monde de la culture, de la création, de l’éducation, de la justice, celui des médias et des syndicats à se coordonner et à travailler avec les associations face au discours et aux méthodes de l’extrême droite.
Toutes les personnes LGBTI+, jeunes ou plus âgées, novices ou militant·e·s expérimenté·e·s, doivent se rendre compte des dangers que représente une extrême droite à ce niveau et avec un discours aussi bien diffusé. Il faut réinvestir massivement les associations, les centres LGBTI, les soutenir (y compris financièrement), car les attaques contre les droits et toutes les structures LGBTI vont pleuvoir, de manière directe et pernicieuse.
Il ne faut croire en aucun cas que les lois et droits acquis le sont définitivement. L’exemple états-unien sur l’avortement, les lois hongroises ou polonaises, la situation au Brésil ne sont pas des anomalies ! Des décisions politiques et des nominations ont des effets de longues années après la fin des mandats…
S’appuyer sur les victoires pour en bâtir d’autres
Le cadre politique de l’union de la gauche et des écologistes doit perdurer, et valoriser la force de ses différences et de toutes ses composantes, quelle qu’en soit la forme. C’est une nécessité afin d’avoir un mouvement audible auprès de la population, mais également pour consolider certaines positions. L’année prochaine, en 2023, auront lieu les sénatoriales (pour la moitié du pays). Les discussions doivent commencer dès maintenant afin d’optimiser le nombre de sénateurs et sénatrices de gauche. De même pour les Européennes de 2024, qu’il faudra anticiper.