En 2018, la France comptait 3,648 millions d’agents de la fonction publique d’État et hospitalière. Les divers statuts d’emplois (ne serait-​ce qu’entre civils et militaires) et la manière dont les corps sont régis avec leurs spécificités et les caractéristiques particulières des emplois qu’ils occupent ne peuvent occulter l’exigence d’un meilleur traitement des personnes LGBTI+ au sein des services.

Ils ne doivent pas non plus faire oublier que le cadre légal pur n’est pas le seul à définir pour obtenir une gestion des ressources humaines plus inclusives et que les diverses directions doivent agir pour organiser la vie des services de manière à permettre à chacune et chacun d’avoir un cadre professionnel respectueux des personnes.

Pour les marchés publics, au-​delà des impératifs techniques variés et des contraintes financières, il faut envisager la construction d’un cadre de réponse légale et d’analyse par les services et agences publics qui permettent de proposer des marchés, de filtrer les répondants et de contrôler l’exécution avec des exigences contre les discriminations et pour l’engagement des répondants à l’inclusion.

L’État (via ses services) doit utiliser son rôle d’employeur pour faire la démonstration de sa volonté d’appliquer correctement la devise de la République et de se conformer aux lois. Sur l’exemple des différentes collectivités qui ont développé un service de médiation, piloté par un·e élu·e, garantissant aux agent·e·s une protection contre les discriminations sur le lieu du travail, il peut être pertinent de faire travailler les services et organismes employeurs sur un modèle de service médiation similaire. Un·e membre du gouvernement ainsi que des services dédiés seraient nécessaires afin de garantir l’équité.

HES propose :

  • Comme employeur, l’état doit s’assurer de |’accès égal réel, sans discriminations, dans les recrutements et les mêmes droits aux avancées et mutations internes dans les corps de fonctionnaires et dans toutes les catégories, afin de sécuriser les parcours professionnels.
  • Réaliser un état des lieux partagé de la lutte contre les discriminations. Dans les ministères et les agences publiques, il importe de faire en sorte que l’État soit un modèle dans l’inclusion des personnels LGBTI+. Cela doit se faire avec les acteurs syndicaux et les éventuelles associations LGBTI+ professionnelles. Cela passera également par la mise en valeur, et  « l’export » de bonnes pratiques au sein des ministères et des agences publiques.
  • Les associations LGBTI+ professionnelles présentes seront une source pour créer un réseau de référents au sein des structures qui auront vocation à être des interlocuteurs privilégiés par les services des ressources humaines.
  • Sensibiliser le service des ressources humaines pertinent pour chaque service sur les questions d’orientation sexuelle, d’identité de genre et d’état de santé pour une prise en compte correcte des situations de tou·te·s les employé·e·s.
  • Octroyer les mêmes avantages et aides sociales dont bénéficient les salariés de l’État, des ministères, de ses organismes, ses satellites et les sociétés importantes contrôlées majoritairement par l’État (ex. : groupe SNCF, groupe EDF, groupe Caisse des dépôts et consignations/​CDC, groupe La Poste, Radio France, France Télévisions, groupe RATP, groupe Aéroport de Paris/​ADP) : congés pour évènements familiaux, versement de primes de rentrée scolaire, cadeaux de Noël, accès aux animations organisées pour les enfants des agents, accès aux séjours d’enfants subventionnés, etc.
  • Garantir l’égalité de traitement entre les personnes en couple de même sexe et leurs collègues, et ce quel que soit leur statut marital, concernant les congés avant naissance (examens) et après (Pacs, enfant malade pour le parent social), pour l’ensemble des conquis et des dispositifs accordés aux employé·es.
  • Les structures de médecine du travail qui effectuent les visites et sont appelées par les services de l’État, quels qu’ils soient, doivent avoir les moyens matériels et financiers d’effectuer un suivi correct des personnels. Elles doivent avoir des praticien·ne·s formé·es sur les enjeux LGBTI+ au sein du monde professionnel.
  • Elles doivent pouvoir intégrer dans leur approche des employé·e·s, et leur suivi de ceux-​ci, tout l’accès matériel à des moyens de prévention et de suivi pour les IST et le VIH-Sida.
  • Exiger de la part de tous les services de l’État et toutes les entreprises publiques que les couples et familles LGBTI+ aient droit aux mêmes traitements et possibilités offertes par les politiques de ressources humaines. Depuis les congés parentalité qui doivent être accessibles à toutes et tous pour tous les modes de filiation : PMA, GPA (qui est légale dans des pays de l’UE), vacances scolaires, garde partagée ; pour les jours d’enfants malades, les droits de visite, jusqu’aux droits en lien avec les situations de couples : mutation des conjoints (rapprochement géographique facilité), primes et droits sociaux égalitaires (aides, mutuelle dédiée et couvrant la famille, et assurance spécifique), les droits suite au décès (journée d’absences pour les obsèques, pension de réversion, droits sur la succession et enfants pupilles de l’État), et y compris les accès aux HLM ou logements de fonction (comme les casernes).

Les requêtes des personnels, les problèmes qu’ils peuvent rencontrer peuvent être d’un niveau de complexité plus important pour les personnes LGBTI+. Un employeur public, prenant en compte cette spécificité, permettra à chacun·e de ses employé·e·s de travailler sereinement dans son service avec des ressources humaines affichant leur soutien aux LGBTI+, ce qui permettra aux salarié·e·s de se sentir suffisamment à l’aise pour évoquer leur situation avec elles.

Pour des employé·e·s trans par exemple, les services de ressources humaines doivent permettre notamment l’utilisation du prénom d’usage afin d’établir un climat serein de travail. Les bonnes pratiques et les bons usages sont nombreux, ils peuvent donc être facilement développés en lien avec des associations ressources et référentes.

HES propose :

  • Utiliser le plus vite possible le prénom d’usage choisi par la personne concernée, sur tous les supports et services liés (badges, fiches de paie, e‑mail, cantines, cartes de visite, chèques vacances), en lien aussi avec la Sécurité sociale et les organismes collecteurs paritaires (pour ne perdre aucune information ni droits sociaux, comme chômage et retraite notamment).
  • La réforme de la protection sociale complémentaire, qui crée une participation obligatoire des employeurs publics pour financer la « mutuelle complémentaire » des employés du secteur public, est, à priori un progrès social, en cours de négociation avec les syndicats fin 2021. Mais il faut absolument que les règles du jeu de mise en œuvre concrète, nationale et locale, soient claires et explicites en termes de respect et d’égalité des droits pour les agents LGBTI+ des entreprises et services publics (et leurs conjoint·e·s, leurs enfants).

Faire un comingout trans n’est pas une chose aisée. Les comportements et réflexions transphobes, mêmes mineurs, restent des soucis que rencontrent toutes les personnes trans au travail et qui les empêchent d’être elles-​mêmes et de travailler sereinement. Le comingout trans ne devrait pas être un vecteur de complications professionnelles (avec son employeur ou ses supérieurs), en plus des éventuels soucis relationnels avec des collègues.

S’engager dans un parcours de transition pour une personne trans n’est neutre, ni au plan personnel (y compris intime et familial) ni dans la vie quotidienne administrative. Les employeurs peuvent aider à faciliter ce parcours en proposant toutes les options à la personne concernée pour l’aider dans ses démarches, améliorer la gestion de ses temps d’absence au travail et organiser au mieux son retour.

De la même manière, la structure qui emploie la personne doit permettre à celle-​ci d’être enregistrée et déclarée – dans toutes les limites possibles – sous son prénom de préférence et dans le genre qu’elle indique. Cela ne peut qu’offrir un cadre de travail inclusif et ouvert pour elle et tou·te·s les employé·es.

C’est aussi un outil pour des démarches potentielles par cette personne devant la justice ou toute autre administration. Par ailleurs des entreprises et des associations peuvent accompagner les services et agences publiques en tant qu’employeurs dans la mise en place et l’application de leur politique d’aide à des employé·e·s qui choisissent d’entrer dans un parcours médical de transition, de s’adapter aux projets de parentalité pour leurs employé·e·s.

HES propose :

  • Proposer d’enregistrer et éditer tous les actes et documents possibles de la part de l’employeur aux prénom et genre indiqués par la personne.
  • Si des modifications sont nécessaires, affecter la personne, selon ses vœux et d’après ses qualifications et missions, et en tenant compte des obligations légales du service ou de la structure employeuse, dans le poste conforme au genre qu’elle aura déclaré.
  • Organiser le service, le poste de la personne et éventuellement ses missions dans le cadre du genre déclaré ; en fonction de son état de santé durant son parcours de transition, et tenir compte des remarques sur les difficultés qu’elle aurait à connaitre dans ses missions et de la part de collègues, prestataires ou de publics rencontrés.
  • Organiser avec la personne et les instances du personnel, représentants syndicaux ou associations LGBTI+ professionnelles potentiellement présentes, son emploi du temps dans le cadre de l’entrée dans un parcours de transition.
  • Les employeurs doivent se mettre en lien et solliciter une prestation à des associations ou entreprises qui aident les structures qui emploient des personnes trans à développer une politique de ressources humaines respectueuse. Mettre en application les recommandations de telles structures quand elles sont disponibles pour organiser des services inclusifs et créer un cadre de travail épanouissant.
  • Définir une personne au sein des RH qui serait référente sur les questions LGBTI+ et pouvant apporter les réponses aux questions posées aussi bien par les employées (LGBTI+ ou non) que par les directions et l’encadrement. Elle serait aussi en capacité de proposer de possibles démarches et organisation à définir pour les cadres de travail des personnes LGBTI+.

Les dernières vagues de libération de la parole de victimes de violences sexistes et sexuelles ont été surtout des vagues où l’écoute a pu se faire. Les victimes ayant régulièrement pris la parole sans avoir d’écoute attendue. Que ces paroles aient pu être portées au sein des organisations militantes (parti, syndicats, associations), dans le cadre familial, ou au sein des enceintes de formations (scolaires, universitaires) ne peut que confirmer qu’elles se déroulent partout et que des actes et discours de cette nature sont présents dans chaque espace de regroupement humain.

Comme employeur et dans toutes les agences publiques et dans tous les services publics, l’État doit avoir un rôle de modèle dans sa gestion des violences et harcèlements que ses agent·es auraient à subir. Rien qui aurait été signalé ne doit être laissé sans réponse. Et les victimes doivent être protégées. Aucun service, aucun ministère, aucun corps de l’État ne peut laisser de tels actes sans réponse. Il n’est pas plus acceptable que, même dans l’Armée, des bizutages, viols et violences diverses à la teneur LGBTIphobe, soient possibles. C’est évidemment répréhensible.

Il faut intégrer que croire la parole d’une personne qui indique avoir subi de tels actes ou discours engage l’action de l’employeur, à la fois à suivre la loi et à prendre les dispositions qui permettent, tout autant de protéger les personnes qui sont désignées comme autrices de telles actions que celles qui les ont subies ou les ont signalées. La présomption d’innocence est à respecter, tout comme la présomption de crédibilité des témoignages.

HES propose :

  • Condamner fermement, par la voie des directions RH, des services, par les directions des organismes et les présidences de structures, les dégradations, les actes violents et soutenir les victimes en cas de harcèlement, et notamment en cas de conflit avec la hiérarchie. Répertorier les actes de harcèlement et mener des enquêtes sur le bien-​être des salarié·e·s au travail.
  • Engager les services et organismes à produire chaque année un rapport de situation des services de la collectivité pour évaluer la mixité des services, les écarts potentiels de rémunération, d’évolution professionnelle, de formation…
  • Mettre en place une cellule d’écoute ou définir et diffuser un numéro ou des canaux de signalement des violences sexistes et sexuelles pour les employé·es, accessibles rapidement, sans frais et anonymes.
  • Promouvoir l’égalité femmes-​hommes, ainsi que la loi le définit et encourager le travail des femmes au sein de la collectivité et de l’ensemble de ses organismes associés, par différentes manières, et créer des crèches pour les personnels pourra être une étape supplémentaire pertinente (en cohérence avec les besoins des personnels).
  • Poursuivre les agent·es et responsables qui sont à l’origine, ont couvert voire organisé des violences de différents ordres contre d’autres agent·es. La peine d’interdiction d’exercer une fonction publique doit être rendue possible pour de tels agissements.
  • Signer et respecter la charte d’Engagement LGBTI+ de l’association L’Autre Cercle et mettre en place les démarches afin d’obtenir la certification Afnor pour les 2 labels « Égalité » et « Diversité ». Ils comportent des items d’égalité femmes-​hommes, et de LCD avec des sujets LGBTI+ explicites, comme plusieurs collectivités de gauche les ont déjà obtenues. (Voir notre Livret 100 actions pour les droits des LGBTI+ dans les territoires)

L’État y a aussi une place non négligeable. S’il n’est pas au sein de conseils qui gèrent des organismes paritaires, avec les syndicats ou avec d’autres structures, comme la Sécurité sociale (la Caisse nationale d’Assurance maladie) par exemple, qui gère les branches maladie (risques maladie, maternité, invalidité, décès) et accidents du travail/​maladies professionnelles (AT-​MP) du régime général de la sécurité sociale.

Il est celui qui abonde les finances via la loi de finances de la Sécurité sociale et il en nomme le directeur. Signant une convention d’objectif et de gestion (Cog) avec la Cnam, « rediffusée » ensuite aux caisses locales (les CPAM en département), il peut largement définir des objectifs pour les personnes LGBTI+ et y intégrant les sujets LGBTI+, dans l’activité de l’Assurance maladie.

De la même manière, à la hauteur des missions et des moyens de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, ou celle des allocations familiales (Cnav et Cnaf), les approches de l’État et les attendus de la part de ces caisses doivent intégrer les enjeux LGBTI+.

Dans la gestion d’une première génération de retraités dont l’orientation sexuelle et l’identité de genre ont été possibles « au grand jour » et des familles LGBTI+, différents éléments doivent être traités par la loi (pensions de réversion, carrières incomplètes, filiation, statuts des beaux-​parents dans les familles recomposées) et par les caisses dans leur gestion.

HES propose :

  • Signature d’une convention d’objectifs et de gestion (Cog) qui contienne des clauses pour des formations des agent·es, la prise en compte générale des enjeux LGBTI+.
  • Déterminer, avec les professionnels de la Cnam et des associations LGBTI+ des objectifs spécifiques et des clauses particulières à intégrer dans la Cog avec la Cnam et avec les CPAM.
  • Déterminer et fixer des clauses similaires dans les Cog avec la Cnav et la Cnaf avec un travail attentif pour des réponses aux enjeux des modèles familiaux et questions LGBTI+ des familles du 21e siècle.

L’État et ses services et organismes sont des acheteurs de prestations et de services auprès de structures privées ou non. Selon leurs formes et le type de prestations ou services, les règles des marchés publics prévoient des clauses pour l’inclusivité. Il est impératif que, lorsque ces prestations et marchés le permettent – et c’est souvent le cas – il faille penser à la représentativité des LGBTI+, au traitement des questions qui les concernent. Il faut surtout mettre en place des règles permettant de sélectionner au mieux les prestataires en fonction de leur attachement au respect de la loi. Le respect de l’égalité salariale entre femmes et hommes par des entreprises sélectionnables dans les marchés publics est un premier pas en ce sens.

Des règles des marchés publics inclusives et transparentes

Nous proposons que des clauses bien précises sur le respect de la diversité, sur la lutte contre les discriminations, sur la responsabilité sociale des entreprises et leur politique d’inclusion soient intégrées, partout où cela est possible, dans les cahiers des charges. Pour chacune des opérations nécessitant de faire appel à des compagnies ou structures extérieures pour la vie de la collectivité, ses travaux, ses embauches, mais aussi selon les appels d’offres des groupements, régies, gestionnaires… l’inclusion de la LCD et des sujets LGBTI+ doivent pleinement compter dans l’évaluation des candidatures et donner des points en sus pour le résultat final.

HES propose :

  • Établir des clauses précises de lutte et d’engagement contre les discriminations LGBTI+ dans les cahiers des charges. Pour chaque appel d’offres, déterminer des cahiers des charges contenant des clauses sur les questions LGBTI+ à la fois dans la structure répondante (bonification du dossier pour les structures qui auront obtenu des labels, mis en place des politiques inclusives) et pour le marché (selon le type du marché, évidemment).
  • Définir une clause d’exclusion stricte pour des structures ayant promu ou soutenu des discours de haine. Il faut créer une possibilité légale à toutes les collectivités, structures publiques, ministères, etc. de refuser d’attribuer un marché aux structures qui candidatent, même si elles répondent aux critères financiers et calendaires, si elles ont été condamnées pour des comportements (notamment en RH) discriminants, ou si leurs dirigeants ou figures « publiques » diffusent ou concourent à diffuser des discours de haine, ou discriminatoires.
  • Lors des rédactions des offres pour les marchés publics, veiller à intégrer des clauses permettant de sélectionner, partout lorsque c’est possible, des structures répondantes engagées dans la lutte contre discrimination et notamment contre les LGBTIphobies.

Les délégations de service public (DSP) ne doivent pas être étrangère à l’application d’une politique de RH (par exemple) non discriminante, ou à effectuer elles-​mêmes des achats de bien ou prestation auprès de structures répondant à des cahiers des charges exigeants quant à la lutte contre les discriminations.

HES propose :

  • Les mêmes règles que ci-​dessus (pour les clauses et cahiers des charges et refus) doivent pouvoir être proposées pour des structures cherchant à occuper l’espace public, demandant à occuper un site ou un lieu public ou géré par différentes structures publiques (État, collectivités, Épic, agences publiques ou parapubliques).
  • L’État et ses services doivent s’assurer que les délégations de service public (DSP), les régies… soient tenues aux mêmes engagements que les agences et structures publiques.