La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rejeté le recours initié par une personne intersexe contre la France, pour obtenir sur ses documents d’identité, la mention de sexe neutre. Cette décision renvoie la France à ses choix politiques et à l’absence totale de réflexion sur l’intersexualité et l’état civil.

Dans un avis rendu le 31 janvier 2023, La Cour européenne des droits de l’Homme a conforté la France dans son refus de voir inscrire la mention « sexe neutre » sur l’état civil d’une personne intersexe. Le requérant, une personne intersexe née en 1951 et dont l’acte de naissance mentionne « né de sexe masculin », avait pourtant vu sa demande acceptée en aout 2015 par un juge des affaires familiales de Tours, sa ville de naissance. Mais la Cour d’appel d’Orléans l’avait rejetée en mars 2016, craignant de « reconnaitre, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle ». La Cour de cassation avait rejeté son pourvoi l’année suivante.

Prendre en compte l’intime

Dans son avis la CEDH reconnait que la discordance entre l’identité biologique du requérant et son identité juridique est de nature à provoquer chez lui souffrance et anxiété.

En 2015, le Conseil de l’Europe avait préconisé aux États membres de faciliter la reconnaissance des personnes intersexes devant la loi en offrant la possibilité de ne pas choisir de marqueur de genre spécifié, « masculin » ou « féminin ».

En 2022 et en l’absence de pratique commune sur l’ensemble du territoire européen, la CEDH renvoie donc la France face à ses choix nationaux. Des choix nationaux faits de maigres avancées dans l’approche.

La parution, le 15 novembre 2022, d’un arrêté de bonnes pratiques fixant les règles de prise en charge médicale des enfants présentant des « variations du développement génital » ne garantit cependant pas que les interventions non consenties sur les personnes intersexes cessent. Les associations de défense des personnes intersexes ont dénoncé les lacunes de ce texte…

Intersexuation, médecine et droit…

Selon plusieurs études, environ 13 000 enfants naissent intersexués, chaque année, en France. Cela représente environ 1,7 % des naissances. L’intersexuation est méconnue, car invisibilisée, la plupart des personnes intersexes subissent des interventions chirurgicales avant l’âge de deux ans, et ces procédures imposées par le corps médical deviennent souvent un tabou dans la famille.

La médecine conforme le bébé, tout juste né, à un sexe, féminin ou masculin, niant ainsi sa réalité physique et lui enlevant la possibilité d’exister en tant que personne de genre ni féminin ni masculin ou appartenant aux deux s’il le souhaite plus tard. La médecine prive ainsi les personnes intersexes du droit à l’autodétermination, et pousse à des interventions extrêmement lourdes alors qu’elles ne sont pas nécessaires pour le pronostic vital de l’enfant. Elles n’ont lieu uniquement que pour le confort de la société.

Un long chemin de visibilisation

Le recours du requérant fait partie du long combat des personnes intersexes pour simplement exister. L’intersexuation ne doit plus être un tabou et doit pouvoir être visible en droit. L’avis de la CEDH renvoie donc la France à ses choix de société, éminemment politiques. La binarité de genre fonde l’état civil français (on nait de sexe masculin ou féminin, on est déclaré homme ou femme en fonction de cette distinction dès notre naissance) et cela ne correspond pas à toutes les réalités biologiques, ou sociales. 

Plusieurs États (dont l’Australie, l’Argentine, le Canada, Malte) reconnaissent aujourd’hui un sexe neutre ou un 3e sexe et la France devra, elle aussi, réfléchir à la pertinence des genres (et quels genres ?) sur son état civil. C’est le sens de l’histoire qui est en train de s’écrire, pour l’inclusion de toutes les diversités, qu’elles soient biologiques ou sociales.