Sortis à l’occasion du 17-mai ou plus tardivement, différents rapports sur les violences anti-LGBTI doivent interpeler tout le monde. Entre les hausses décrites et les natures de ces violences, il est temps de réagir. Car en dépit d’une parole libérée, il y a eu un doublement des violences en 5 ans. Que font les pouvoirs publics face à ces chiffres ?
En ce début juin, le mois des fiertés LGBTI vient de commencer. À naviguer entre photos de profils aux couleurs de l’arc-en-ciel sur les réseaux sociaux et grandes déclarations creuses de la part de personnalités de divers horizons, on doit se souvenir de l’intérêt de cette période.
D’abord s’en servir comme rappel que les discours et actes anti-LGBTI n’ont pas disparu. Qu’ils ne sont ni l’apanage de pays étrangers ou de parties précises de la population française. Les stigmatisations et les violences ne sont pas une anomalie au sein d’une société française où les crispations et les tensions engendrent des violences de divers ordres. Elles sont la manifestation d’un symptôme bien identifié, celui de la libération des paroles de haine.
« Une atmosphère sociale particulièrement lourde »
« Tout d’abord l’atmosphère sociale est particulièrement lourde », indique Denis Quinqueton en présentant les chiffres contenus dans le rapport présenté avec Flora Bolter. La tenue de l’élection présidentielle lors de laquelle les discours de haine n’ont jamais été aussi présents n’a fait que laisser croitre les paroles discriminantes et excluantes, reprises par des médias sans aucune contextualisation. Laisser croire qu’une parole politique n’est ni réfutable ni même commentable est une erreur démocratique lourde.
« Avec la campagne de l’élection présidentielle de 2022, les candidat‧es de la droite n’ont pas hésité à utiliser les personnes trans comme bouc émissaire (voir chapitre Politique). Éric Zemmour nie régulièrement l’existence de ces personnes et Valérie Pécresse a affirmé vouloir interdire “les opérations de change — ment de sexe sur mineur·es”. Ces opérations n’existent pas (sauf pour les enfants inter- sexes, ce que SOS homophobie condamne). Les réseaux sociaux sont de forts vecteurs de ce type de propos, qui sont souvent dans un angle mort de leur modération.
Les sorties des rapports de SOS Homophobie de 2022 et de celui de la Fondation Jean-Jaurès sur les chiffres de l’application de Flag ! illustrent par ailleurs des réalités bien précises dans les violences antiLGBTI.
Outre l’augmentation particulière des témoignages recueillis sur la transphobie cette année par SOS Homophobie, il faut noter la précision par les services du ministère de l’Intérieur sur l’augmentation globale des violences contre les LGBTI+. Elles ont plus que doublé en 5 ans, avec une augmentation de 104 % depuis le rapport de 2016 (le rapport du service statistique ministériel de la sécurité intérieure — PDF 503 ko).
Tenir compte de l’augmentation des témoignages comme d’une amélioration de la libération de la parole
L’augmentation des témoignages et celle des signalements ne sont pas strictement équivalentes à une hausse des violences. Ces prises de parole témoignent que la parole continue de se libérer et que les victimes savent qu’elles peuvent témoigner, et se confier, à minima à une association.
Toutefois, il y a plusieurs analyses possibles sur ces chiffres. Elles permettent de voir que :
- les dépôts de plainte et signalement auprès des services de police restent compliqués avec des signalements dans l’application de Flag ! de comportements et discours LGBTIphobes de leur part,
- la majorité des signalements le sont à propos de personnes qui sont connues des victimes et sont à l’origine des violences. Toutes les LGBTIphobies ne sont pas exogènes aux “vies” classiques des LGBTI (à leur vie banale de citoyen·ne, de consommateurs·trices, d’usager·es de service public…),
- la visibilisation des personnes trans entraine à la fois une meilleure information du grand public sur les sujets de transidentité, mais elle engendre également une violence spécifique, toujours nourrie de préjugés à leur encontre,
- les questions de non-binarité traversent les rapports et les chiffres qu’ils présentent, mais la majorité des victimes reste des hommes cis. Cela peut être pris comme une démonstration que les hommes gays, cisgenres, ont intégré les outils de signalement et de témoignages qui sont à leur disposition et s’en servent. Tandis que le reste des populations LGBTI n’ont pas encore un accès “égal” à ces outils, notamment auprès des forces de l’ordre.
Les LGBTIphobies aussi au travail
L’association L’Autre Cercle a diffusé début juin son Baromètre LGBT+ 2022 qui mesure “l’inclusion des personnes LGBT+ en milieu professionnel”. Cette année, ce baromètre signale aussi les difficultés rencontrées par les personnes LGBTI au sein du monde du travail, avec entre 40 % et 60 % d’entre elles qui est invisible à la fois auprès de leurs collègues, et de leur direction.
C’est une situation qui a un impact non négligeable sur la capacité à faire connaitre les enjeux dans la vie professionnelle des personnes LGBTI+. Entre questions d’organisations vie professionnelle/vie familiale-privée, accès aux droits et considération égale…
Le baromètre indique aussi que la place hiérarchique n’est pas neutre dans la capacité à pouvoir se visibiliser : « 42 % des ouvrièr·es sont visibles auprès de leurs supérieur·es hiérarchiques direct·es contre 65 % des professions intellectuelles supérieures.”
Et les discriminations que les LGBTI peuvent subir au travail sont également notées en hausse dans le baromètre avec près d’un tiers qui ont été “victimes d’au moins une agression LGBTphobe dans leur organisation”. Et un quart qui a été victime de discriminations de la part de la direction. Ce climat reste, pour la majorité des personnes non-LGBTI+, largement sous-estimé.
Continuer à informer sur les dispositifs de signalement et accueillir tous les publics
Au sein des espaces de travail, comme la loi le prévoit, il faut que les possibilités de signalement et de plaintes contre les discours et actes LGBTIphobes soient davantage connues. Il faut que toutes les populations LGBTI puissent connaitre et avoir accès à des structures associatives, syndicales et administratives, en plus des dispositifs mis en place par les hiérarchies pour faire part de ce qu’elles ont subi, et y trouver le soutien nécessaire.
Il y a un sujet majeur au sein des associations et du tissu militant à renforcer toute l’attention portée aux femmes, aux personnes trans et non-binaires pour que les mêmes espaces de signalement, de protection et de tranquillité que les hommes gays peuvent connaitre, leur soient accessibles.
L’accompagnement nécessaire face aux violences subies, et qu’elles sachent que les espaces LGBTI+, sont de véritables espaces ouverts et surs, également aux LBTI+.
La transphobie validée, y compris par des structures et des personnalités LGB
Le rapport de SOS Homophobie en parle spécifiquement. Il est inacceptable que les combats militants contre l’homophobie s’arrangent, ou pire, s’organisent avec la transphobie.
Cette banalisation de la transphobie s’est aussi vue au sein de nos luttes. Sont apparus dans plusieurs Marches des fiertés des cortèges transphobes. »