Les changements apportés par la gauche avec la « loi Taubira » en 2013 – ouvrant le mariage et l’adoption à tous les couples – et avec la « loi de bioéthique » fin 2021 – ouvrant enfin la PMA (Procréation médicalement assistée) à toutes les femmes – continuent de faire sauter le verrou du modèle familial unique et transversal à toutes les couches de notre pays. Cependant, pour que la protection de tous.tes soit atteinte, notre droit doit être mis en concordance avec notre société et toutes les familles qui la composent, c’est le travail des associations homoparentales (APGL et ADFH notamment).

 

L’ouverture du mariage aux couples homosexuels, loin de mettre en cause le mariage civil, a renforcé cette institution. Cependant, la non-​conformité des formulaires nationaux à la réalité légale de notre pays – près de 9 ans après le vote du mariage pour tous – reste une inégalité entre les Français·es.

HES propose :

  • Engager la révision et la mise à jour de toutes les demandes liées à l’état civil, la parentalité et la famille avec la loi du 17 mai 2013. Par exemple, cette révision doit inclure tous les formulaires (papier et informatiques) auprès des services de l’État (y compris dans les ambassades, consulats et autres services basés à l’étranger), des collectivités locales et organismes paritaires (Sécurité sociale/​CPAM, Caf).
  • Rester vigilant·e·s sur la juste mise en œuvre de la loi du 17 mai 2013 concernant les couples binationaux impliquant des ressortissant·e·s d’un pays lié à la France par un accord bilatéral et de prendre toute initiative utile à l’application du Code civil en France.

La filiation n’est pas un accident biologique ! Dans notre société, et depuis plusieurs décennies, l’aventure parentale commence souvent par un projet explicite, réfléchi et choisi. Ce projet engage la plupart du temps un homme et une femme, mariés ou non, puisqu’un enfant sur deux en France nait de parents non mariés. La science et la vie sociale que nous avons construite font qu’aujourd’hui, et sans doute encore plus demain, le projet parental peut engager plus de deux personnes, qu’il s’agisse d’une donneuse ou d’un donneur de gamètes, d’une gestatrice, ou de projet de coparentalité.

Cette diversification assumée n’est pas le vecteur d’une déstructuration redoutée par certain·e·s, mais, au contraire, source d’une restructuration des histoires familiales, moins unique, moins secrètes, plus lisible pour les enfants qui sont le fruit de ces projets. La réalité des familles est diverse. De la même manière que le statut de « bâtard », d’enfant illégitime ou né hors mariage, a disparu de notre législation, il est logique d’avancer et de continuer à reconnaitre ce que sont aujourd’hui les réalités diverses des familles en France.

Rappel : dans sa première stratégie en faveur de l’égalité des personnes LGBTI+ dans l’UE, la Commission européenne précisait qu’elle entendait présenter une initiative législative sur la reconnaissance mutuelle de la parentalité (prévu fin 2021) et devait étudier l’adoption de mesures susceptibles de soutenir la reconnaissance mutuelle de partenaires de même genre entre les États membres. (Voir Union européenne) 

HES propose :

  • L’ouverture de la possibilité de déclaration anticipée et reconnaissance en mairie de tous les enfants par tous les parents, quelle que soit leur situation de couple. 
  • La création d’un statut du parent social, ou beau-​parent, compagne ou compagnon du père ou de la mère reconnu·e et qui, concrètement, intervient dans la vie de l’enfant, son éducation et son environnement affectif. 
  • La facilitation de la délégation-​partage de l’autorité parentale au conjoint·e, à la compagne ou au compagnon, des parents séparés.

Focus : Démarches administratives

Quand on demande un extrait multilingue d’acte de mariage sur le site officiel service​-public​.fr on obtient toujours, fin 2021, un formulaire avec uniquement « Mari » et « Femme ». Les normes sont pourtant déjà là, via la Commission inter- nationale de l’état civil (CIEC) depuis 2014 et la Convention no 34 avec des modèles d’extraits multilingues qui ne comportent plus les mentions « mari » et « femme ». Hélas, là où Belgique et Allemagne ont déjà bien ratifié ce texte, la France ne l’a toujours pas fait début 2022…

La règlementation et la jurisprudence européenne sur la reconnaissance du mariage pour tous en UE :

-  Résolution 2021/​2679 (RSP) : Droits des per- sonnes LGBTI+ dans l’Union européenne ;

-  Décision de la Curia (Cour de justice dans l’ordre juridique de l’Union européenne) : arrêt « Coman et Hamilton », selon lequel les dispositions relatives au « conjoint » dans la directive sur la libre circulation s’appliquent également aux couples de même sexe ;

- Directive 2004/​38/​CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États.

Entré en vigueur au 1er juillet 2021 (dans la dernière année du quinquennat, à l’instar d’autres mesures), le congé paternité « allongé » est passé de 11 à 25 jours (jusqu’à 32 en cas de naissances multiples) pour les pères, mais pas pour tous…

Si les femmes s’engageant à deux dans un parcours de PMA peuvent y avoir droit (fort heureusement, le genre n’est pas lié à ce congé paternité malnommé), deux hommes ayant un enfant ne peuvent pas y accéder. À titre d’exemple, un projet de coparentalité dans lequel un homme, en couple, permet à un couple de femmes d’avoir un enfant, le géniteur et la génitrice ont donc accès aux congés.

La femme de la mère ayant accouché a droit au congé paternité allongé, mais le mari, ou conjoint du géniteur n’a droit à rien. C’est similaire lors d’une maternité pour autrui, quel que soit le genre des parents… À nouveau, en 2020, une loi est donc votée qui différencie les citoyen·nes selon leur genre ou en fonction du mode de conception de leur enfant…

Crèche : un accès pour toutes les familles

La quasi-​totalité des crèches (municipales, associatives, parentales, privées, d’entreprises) reçoit des fonds publics et de la Caisse d’allocations familiales (Caf), à laquelle (presque) tout le monde cotise. Il est crucial de rapidement généraliser sur tout le territoire français (y compris Drom-​Com, et ambassades et consulats) des procédures de gestion des dossiers de demande de place non discriminatoires quant au genre des parents et à la composition du foyer familial.

HES propose : 

  • Former les professionnels à proposer clairement et simplement à la 2de mère le traitement léger lui permettant aussi d’allaiter si le couple le veut ou si le ou les bébés en ont besoin. 
  • Accepter et traiter sans discrimination aucune les dossiers de demande d’admission en crèche d’enfant de famille homoparentale et, en amont, tout couple parental de lesbiennes ou de gays doit pouvoir remplir une demande de place et tout autre formulaire de garde d’enfant sans avoir à constamment barrer la mention inutile correspondante « M. et Mme ». Il suffit de laisser deux champs pour les noms des deux parents en charge, le genre important peu…

La France a mis en place au fil des décennies un système juridique de l’adoption complexe, illogique et peu respectueux de l’histoire des enfants. Ainsi, il existe deux régimes d’adoption, simple ou plénière, la seconde suppose de réécrire l’histoire de l’enfant pour mimer la filiation biologique.

Cette incapacité à envisager, en pleine lumière, d’autres manières de devenir parent que la filiation biologique produit des souffrances pour des enfants qui se doutent d’une autre histoire pour eux-​mêmes, une autre histoire que la loi continue d’effacer dans le cadre d’une adoption plénière.

Par ailleurs, il y a trop de cas de demandes formulées par des couples gays ou lesbiens qui restent encore sous la pile pour des raisons qui n’ont pas grand-​chose à voir avec les enquêtes et entretiens préalables à l’obtention de l’agrément d’adoption.

HES propose : 

  • Que l’État dote les autorités compétentes, départementales, d’un texte contraignant, ou – à minima – une charte qui précise que la gestion d’un dossier et le processus d’enquête et d’expertise avant l’adoption se déroulent en assurant une égale considération des demandes d’agrément afin de refuser toute sélection sur des critères discriminatoires et LGBTIphobes.
  • Que l’on mette rapidement en chantier un régime juridique unique d’adoption qui reviendra sur les deux formes existantes aujourd’hui (plénière et simple) qui n’efface pas l’histoire de l’enfant adopté, mais au contraire la respecte, la continue, et qui valorise la démarche des parents adoptant, ni mieux ni moins bien que lorsqu’il s’agit de parents biologiques.
  • S’assurer de la présence dans les conseils de famille, des associations familiales représentées à l’Unaf et, plus généralement, veiller à ce que les conseils de famille soient représentatifs de la variété de celles-​ci. Refuser l’homogénéité des structures discutant des projets familiaux des candidats à l’adoption et délivrant un avis sur celui-​ci doit permettre d’éviter les discriminations. 
  • Que la totalité des droits, congés et absences (maladie) soient strictement les mêmes, dans le secteur privé comme dans le public, que les parents adoptants soient seuls ou en couples, mariés ou pacsés, hétéros ou LGBTI+.

La reconnaissance conjointe anticipée (RCA) est un dispositif créant une nouvelle filiation en dehors du droit commun, pour les seules lesbiennes. La RCA s’arrête au milieu du gué en ne répondant pas totalement aux demandes de modification dans l’établissement de la filiation et en préservant un modèle « naturel » pour les hétérosexuels, et les adoptants, et en créant un mode spécifique pour les lesbiennes.

Cette déclaration établie par le couple de femmes qui entame une procédure de PMA pour établir la filiation pour les deux personnes se fait chez un notaire. La réalisation d’un acte d’état civil est sortie du giron de l’administration publique et devient payant. Outre les questions sur cette forme d’établissement de la filiation – que l’on peut saluer pour enfin intégrer les projets parentaux non hétérosexuels – il est aberrant que l’on oblige les couples lesbiens à payer auprès d’une personne/​structure privée, un acte que les célibataires, les couples, les familles adoptantes, ont le droit de réaliser auprès de l’administration et peuvent faire auprès de notaires, avec ou sans l’aide d’avocat.

Cela crée une différenciation discriminante qui ne frappe que les lesbiennes. De la même manière, cette RCA comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non mariés est aussi imposée aux femmes lesbiennes mariées, en dépit du caractère de présomption que le mariage induit pour les couples hétérosexuels.

Un droit civil à deux vitesses est donc créé, qui conduit, à nouveau, les seules lesbiennes à ne pas être logées à la même enseigne que les autres. Il importe de refonder un droit de la filiation enfin décorrélé du statut marital et où le « projet parental » trouvera la place évidente qui lui revient.

HES propose :

  • Définir une filiation mise à jour avec la vie réelle des familles, avec une réflexion sur tout l’état civil. Revenir sur les vieux modèles légaux qui ne correspondent plus à la réalité des familles de France et de leur diversité. 
  • Refuser que des actes d’état civil, quels qu’ils soient, puissent être payants, et délégué à des tiers hors de l’administration publique. Il faut réserver aux officiers d’état civil républicains, ouverts à toutes et tous, la capacité à établir un état civil sans aucun frais.

Beaucoup a été dit sur ce sujet. Retenons l’essentiel. Les débats éthiques sont des débats sérieux qui comptent pour notre avenir, pour celui de l’humanité. La question éthique de la possibilité du recours à la PMA a été tranchée à plusieurs reprises, au moment des différentes lois bioéthiques (1994, 1999, 2004), à chaque fois dans un sens favorable.

Elle a été tranchée également lors de sa mise en œuvre par les professionnels de santé. Nous savons qu’hier, lorsque le recours à la PMA n’était pas permis aux couples de femmes et aux femmes seules, son accès n’était pas réservé « aux cas d’infertilité médicalement constatée » comme l’indiquait alors la lettre de la loi, mais est ouvert à d’autres cas, conformément à son esprit. 23 000 enfants naissent chaque année grâce à une PMA.

Focus : En Espagne, en novembre 2011, le gouvernement de gauche de Pedro Sanchez a réautorisé la PMA pour les femmes célibataires et les lesbiennes gratuitement, et l’ouvre aux personnes transgenres. La droite au pouvoir était revenue sur la loi socialiste ouvrant la PMA et l’avait rendue payante dans différents cas.Le Défenseur des droits, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, tout comme une majorité de Français·e·s aujourd’hui, sont favorables à l’extension de l’accès à la PMA. Et le Conseil national consultatif d’éthique (CNCE) a officiellement validé le principe de la PMA ouverte à toutes les femmes en juin 2017 (décision attendue depuis des années).

L’ouverture enfin, de la PMA à toutes les femmes, par la loi, promulguée en aout 2021, vient combler un manque invraisemblable dans notre législation nationale. Le projet de loi bioéthique présenté le 24 juillet 2019, avec toutes les péripéties qu’il a eu à subir n’a finalement été voté en ultime lecture par l’Assemblée nationale que le 29 juin 2021, les décrets d’application n’étant finalement publiés, eux, qu’en… septembre 2021.

La France a continué de passer pour rétrograde et frileuse, devant nos voisins européens qui avaient déjà ouvert ce droit des années avant nous. Sur ce sujet, comme d’autres, c’est le manque de courage politique et le refus de voir la réalité d’une société, bien plus volontaire pour avancer que ne l’étaient nos gouvernements, qui est le problème. Dans l’attente, ce sont des projets familiaux, des désirs de parentalité et des vies qui ont été cruellement touchés.

Et chaque phase des débats qui s’est ouverte sur la PMA ou les aides à la procréation aura laissé grandes ouvertes les vannes des discours de haine et de mépris, aussi bien pour les femmes candidates aux PMA que pour les familles qu’elles ont construites grâce à cette technique. Cela ne fait ni l’honneur de nos politiques ni celui de notre nation. Il faut aussi rappeler que l’interdiction, en France, d’un acte médical que des pays de l’Union européenne autorisent relève de l’hypocrisie.

Le droit communautaire permettant à chaque citoyen·ne de l’Union de pouvoir se rendre sur le territoire des États membres, et avoir accès à ce qu’ils y autorisent aura très vite démontré les limites d’une régulation nationale dans ce cadre. Cependant ces accès hors du sol national auront eu un cout non négligeable pour les femmes qui se sont engagées dans ces processus, à fortiori pendant la crise de la Covid-19.

La fatigue liée aux allers-​retours pour les différents rendez-​vous (pour un seul essai, alors que les PMA nécessitent plusieurs essais avant leur réussite). Les traitements à réaliser, et leur suivi, moins bien réalisés qu’avec un médecin « local », les risques aussi que ces actes engendrent, en y additionnant la fatigue morale que ces démarches créent sont autant de démonstrations que la vie des femmes a été sciemment complexifiée et rendues plus dangereuses.

PMA post-​mortem

Dans un couple hétérosexuel, la femme et l’homme peuvent déjà faire conserver leurs gamètes pour les procédures de PMA. Lorsque la mort de l’homme survient après le don des gamètes, la récupération de ceux-​ci est interdite et oblige la femme à tenter une PMA « en célibataire » et à s’inscrire dans un parcours pour trouver un don de sperme d’un autre donneur alors qu’elle dispose pourtant de gamètes prévus à cet effet !

La Ropa (don d’ovule entre deux femmes en couple)

La Ropa est la « réception de l’ovocyte par la partenaire », c’est-à-dire le don d’ovocyte dans un couple de lesbiennes. Variante de la fécondation in vitro, c’est la méthode consistant pour une femme à se faire inséminer avec les ovocytes (ovule) de sa partenaire, ce qui demeure interdit en France.

Cela permettrait pourtant à un couple d’avoir, avec un gamète, une grossesse ne nécessitant qu’un don de sperme en plus. Dans les couples où la femme pouvant avoir un enfant, n’est pas celle ayant des ovocytes, cela éviterait les parcours longs et compliqués pour obtenir un don d’ovocyte « extérieur » en plus, alors que les pénuries de donc sont bien connues en France.

PMA prise en charge remboursée à niveau égal pour toutes les bénéficiaires

Depuis l’adoption de la loi de bioéthique de 2021, la PMA est prise en charge jusqu’à 43 ans pour les femmes. Pourquoi un tel âge ? 43 et pas 42 ou 44 ? La mise en place de critères médicaux pour les actes liés à la PMA est une démarche qui est déjà plus compréhensible que sa prise en charge jusqu’à un certain âge.

Cela relève d’un certain arbitraire et conduit des couples de femmes à aller à l’étranger parce qu’une forme de « date de péremption » leur est imposée. Les délais que la France a pris pour ouvrir la PMA à toutes les femmes ont déjà conduit à ces exils parentaux teintés d’amertume et de colère et engendrant de nombreux risques…

L’Espagne a choisi d’établir un seuil pour la prise en charge des PMA à 50 ans. Il semble logique de se poser la question des âges de la PMA, avec une liaison évidente entre la prise en charge et l’accès, il serait bien incompréhensible d’autoriser une PMA jusqu’à un certain âge et ne pas la prendre en charge au-​delà d’un autre.

HES propose :

  • Pour l’accès à la PMA, en France, les accès aux procédures ne peuvent être limités que sous la garantie de procédures médicales les plus appropriées aux patientes et à leurs conditions de santé et de grossesse, ainsi que celles de leur futur·e enfant. 
  • Aucune femme ne peut être rejetée des démarches nécessaires à l’engagement dans un processus de PMA. Le traitement égalitaire de toutes les demandes (couples de femmes, femmes seules) est une évidence qu’il faut rappeler et surtout à mettre en œuvre.
  • Toute personne trans (pouvant être gestatrice) qui souhaite s’engager dans un processus de PMA doit pouvoir y accéder et être prise en charge, sans que des médecins ne s’y opposent.

Les Cecos sont les « Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains ». C’est là qu’on trouve les professionnels de santé spécialistes de l’aide à la procréation, c’est aussi là que sont stockés, dans le système de santé publique français, les dons de gamètes.

Il existe 31 Cecos en France, et parfois des CHU se substituent aux Cecos. Près d’une petite centaine de centres PMA sont recensés en France. La capacité des Cecos est limitée et le nombre de centres permettant une PMA reste restreint (une petite centaine en France). Cela pose la question de l’accès de toutes et tous au service public de santé.

Les mois suivants l’ouverture de la PMA à toutes les femmes a vu surgir des affaires graves de refus d’accès à des procédures pour les lesbiennes et célibataires dans certains centres. Le système de don de sperme en France reste plus que sous-​développé (on dénombre environ 300 donneurs par an, face à plusieurs milliers de demandes) est plutôt inefficace et obsolète.

En théorie tous les hommes de 18 à 45 ans (en bonne santé) peuvent donner. Il est déjà possible de poser la question des bornes d’âges de cette possibilité de don. Entre 20 et 30 % des hommes se présentant pour donner sont refusés pour des raisons médicales. Mais il sera aussi intéressant de noter que c’est la procédure en elle-​même qui est un frein aux dons.

Le manque de moyens des Cecos, leur faible nombre et la procédure de don pour les hommes avec ses lourdeurs administratives et rendez-​vous obligatoire chez un psychologue amoindrissent la facilité du don, une fois la décision prise par la personne.

De nombreuses familles ont pu avoir recours à des dons de gamètes hors du cadre légal pour s’éviter des frais, des durées et des procédures incompatibles avec leur moyen, inacceptable pour la dignité des personnes. Il faudra revenir sur les lois qui pénalisent ces actes.

La seule existence du don anonymisé en France et l’interdiction, comme en Belgique du don « relationnel » (demande à un homme proche de soi de faire un don pour soi) empêche aussi des donations moins spontanées, mais répondant à une demande. Plus globalement, l’approche encore honteuse du don dans notre société, que ses lois ont intégrée jusque dans le droit de la filiation, doit être dénoncée et l’on doit y mettre un terme…

HES propose :

  • Refondre la procédure de don de gamètes pour la simplifier, la dépathologiser et la rendre plus rapide pour les donneur·se·s. 
  • l’appariement des dons doit être possible lorsqu’il est demandé par les futures mères (fléchage des dons de sperme), mais il ne peut en aucun cas être une obligation de la part des équipes médicales.
  • Organisation d’une vaste campagne d’incitation aux dons de gamètes, notamment pour les hommes une fois le système de dons revu et allégé.
  • Implantation de Cecos (publics ou privés à but non lucratif) en France dans les zones sous dotées comme la Guyane, Mayotte, la Martinique et la Corse notamment.
  • S’assurer de la disponibilité de praticien·ne·s sur tout le territoire pour assurer un accès vraiment égalitaire aux dons.
  • Ouvrir le droit aux personnes trans à pouvoir faire des dons de gamètes (sperme ou ovocytes) sans condition particulière.

Focus : Le don fléché, relationnel (le Huffington Post, 10 sept. 2019)

« Une des solutions brandies par certains pour pallier cette éventuelle chute est le don dirigé, direct ou fléché, selon les termes utilisés. Il consiste pour un couple s’engageant dans une PMA avec tiers donneur à faire appel à un donneur identifié et choisi, un homme qui accepte de donner son sperme sans être père. Appelée aussi “procréation amicalement assistée”, elle se pratique de manière artisanale, hors parcours médicalisé. Car en France, la garantie de l’anonymat des donneurs la rend impossible légalement. »

Don de gamètes

En France en 2019, 317 hommes ont fait un don de sperme. 836 femmes ont fait un don d’ovocyte. Fin 2019, 107 000 paillettes étaient stockées dans les cuves de spermatozoïdes. 1 396 bébés sont nés de ces dons en 2019. À partir du 1er septembre 2022, les donneurs et donneuses devront consentir à donner accès à leurs données si l’enfant né de ce don le demande. (Source : Franceinfo)

La loi a ouvert le droit à chaque homme et femme de recourir à l’autoconservation des gamètes, avec toutefois des décrets régissant des bornes sur les âges. Elle prévoit aussi que le recueil et les prélèvements soient remboursés, mais pas la conservation, pourtant objectif premier de la démarche…

Il doit être rendu possible, sans demande d’un motif particulier, l’autoconservation des gamètes pour toutes les personnes souhaitant en faire la demande. Il n’appartient pas à des services de santé de vérifier si un parcours de transition, des risques professionnels possibles, ou une pathologie qui toucherait une personne sont à l’origine ou non de cette demande d’autoconservation.

HES propose :

  • L’autoconservation de gamètes mâles – quel que soit le donneur – en contrepartie d’un don. 
  • Autorisation de l’autoconservation pour toutes les personnes, hors raisons médicales et sans limites d’âge.
  • Réflexion sur le cout de la conservation et sa prise en charge par la solidarité nationale. Réserver aux centres publics, l’activité de conservation, ou organiser la non-​lucrativité de l’activité pour des structures privées, afin d’en limiter le cout.

Le sigle GPA signifie « gestation pour autrui », parfois connue sous le nom de maternité pour autrui et auquel renvoie le terme de « mère porteuse ». Elle est interdite depuis 1991 en France, et dans seulement 7 autres pays de l’UE… Elle est tolérée – voire légalisée – dans de nombreux pays comme les Pays-​Bas (depuis 1998), le Canada (2004), Israël (1996), le Danemark, le Royaume-​Uni (1985), l’Inde (2002), plusieurs États des États-​Unis, la Grèce (2002), l’Ukraine (1997), la Finlande (2007), la Géorgie (1997), la Roumanie (2004) ou la Russie (1993).

Cependant, la législation de nombreux pays reste muette et ce vide juridique laisse le champ à une GPA dans des conditions qui ne sont pas toujours exemplaires ou éthiques. Ainsi, il existe différents cadres légaux pour la GPA dans le monde. HES, avec de nombreux autres acteurs, défend un cadre légal, éthique, « altruiste » et non lucratif afin de protéger la mère qui porte et accouche, le projet des parents et l’enfant.

Aujourd’hui, le sujet n’est souvent traité que sous l’angle LGBTI. La réalité est beaucoup plus large, l’immense majorité des demandeurs/​utilisateurs sont des couples hétérosexuels (avec des problèmes de fertilité ou de santé) et le mouvement LGBTI+ élabore et propose des solutions qui ne s’adressent pas qu’à lui seul. En France, des sociétés savantes (médecins expert·e·s, juristes, chercheurs·se·s) regrettent l’interdiction totale de la GPA.

Elles plaident pour « une réflexion collective sur certaines indications médicales comme l’infertilité utérine définitive, et une éventuelle organisation par la loi de la prise en compte responsable au cas par cas » plutôt que pour une interdiction totale et absolue.

En dépit des promesses du candidat Macron en 2017, qui indiquait clairement : « nous assurerons que les enfants issus de la GPA nés à l’étranger voient leur filiation reconnue à l’état civil français, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) », la transcription de l’état civil des enfants nés par GPA à l’étranger est encore refusée à ce jour par la France, ce qui est souvent un cauchemar du quotidien pour les parents et pour leurs enfants.

La circulaire Taubira de 2013, validée par le Conseil d’État, avait permis une reconnaissance de la nationalité française aux enfants nés de Français·es à l’étranger par une GPA. Différentes décisions juridiques nationales, de la Cour de cassation, du Conseil d’État, et plusieurs condamnations de la France par la CEDH, avaient permis à des familles de voir enfin transcrits leurs actes d’état civil, pour permettre aux enfants – et à leurs parents – d’avoir non seulement des papiers français, mais également de voir reconnus les liens de filiation qui sont les leurs, mais au prix de couteuses et longues procédures.

L’amendement, introduit par le gouvernement Macron et voté par les élus LREM, présenté lors de l’examen du projet de loi bioéthique (adopté en aout 2021), indique que la transcription de l’état civil sera maintenant réservée au seul parent biologique d’un enfant né par GPA.
Cette décision force le ou la « 2d » parent à passer par une longue et humiliante procédure pour adopter son propre enfant, à l’instar de ce que devaient subir les mères lesbiennes qui n’étaient pas celles qui accouchaient dans un couple… Le seul argument présenté n’est pas celui du droit de la famille et de son actualisation, mais celui d’une honteuse « unification de la jurisprudence ».

 

Utile : Mettre fin à l’hypocrisie française

Les militant·e·s de gauche doivent clairement évoquer cette question, trop souvent polluée par des caricatures et anathèmes. En effet, il a été démontré, depuis de nombreuses années, que les Françaises et Français sont favorables à la GPA, qui bénéficiera évidemment très majoritairement aux couples hétérosexuels et à une meilleure natalité pour notre pays.

Ainsi, cette question dans la construction d’un droit émancipateur et protecteur ne peut être close par avance ou par refus d’un débat. En janvier 2022, l’Ifop constatait que 73 % des Français·es souhaitaient son autorisation. Ils étaient déjà 60 % en octobre 2014.

> Note HES : « Mais elle est où, la “France réac »” ? »

 

Il importe que les législateur·rice·s mettent fin à une hypocrisie française, qui n’utilise que le mot « marchandisation » pour masquer les réalités tangibles des GPA éthiques aujourd’hui existantes. Entre autres, dans plusieurs états des USA, en Israël, en Roumanie, aux Pays-​Bas, ou encore au Canada, qui ne sont pas des pays barbares qui priveraient les femmes de leurs droits et libertés. Il est nécessaire que des lois précises encadrent la « GPA altruiste » — comme le Royaume-​Uni et la Grèce.

La question qui se pose à nous tous n’est pas de savoir s’il est possible d’avoir recours à la « gestation pour autrui » ou « maternité de substitution ». Cette question a été posée à la science qui y a répondu favorablement. Il nous revient, à nous, citoyen·ne·s, de composer avec cette réalité scientifique, à plus forte raison dans un monde ouvert où l’on touche très vite les limites d’une législation nationale en la matière.

On doit, en effet, prendre en compte qu’au sein de l’Union européenne (UE), des règles de droit s’appliquent à la fois à des citoyen·ne·s européens vivant en France et à des Français·es pouvant s’établir, même temporairement, en UE (les obligations en termes de retranscription dans l’état civil des filiations dues à une GPA sont une démonstration de la pression légale existante) ce sont les complexités d’un cadre national, à fortiori crispé, sur une question qui ne fait plus débat chez nos voisins.

Une « GPA éthique », encadrée et non commerciale

Si l’on souhaite parler correctement de la GPA, il faut évidemment parler des droits des femmes, évoquer l’intégralité des modes de GPA différents qui existent dans le monde, les nommer – et le faire précisément – et refuser de se taire par avance. Pour faire des choix éclairés et mesurés, il faut entendre des témoignages pertinents et regarder la réalité, à l’aide de rapports (parlementaires et universitaires, déjà disponibles).

Ce sont les conservateurs qui maintiennent le statuquo, et surtout le tabou dans le débat public, et ce faisant, favorisent le développement de pratiques commerciales de la GPA n’attendant rien ni personne pour prospérer dans les pires conditions. Pour ce sujet comme pour d’autres, c’est « la liberté qui opprime et la loi qui affranchit », et la régulation, les actions de la force publique, doivent être des outils de raison au service de l’émancipation.
Les interdits à priori mènent à la création de systèmes organisés, parfois hors-​la-​loi, qui ne garantissent ni un déroulement « éthique » du processus ni un suivi médical correct pour la « gestatrice » et l’enfant.


HES propose : 

  • Que pour toute demande de reconnaissance et de transcription d’un acte d’état civil et de la filiation pour tout enfant né légalement d’une GPA à l’étranger, les circuits classiques d’instruction des actes d’état civil produits à l’étranger soient ceux utilisés. Et que la transcription soit automatique pour les deux parents.
  • La France a déjà été multicondamnée par la justice en Europe (Cour européenne des droits de l’Homme) pour ne pas avoir reconnu des enfants nés légalement hors de France tout en ayant des citoyens français comme parents. Il faut appliquer immédiatement ces décisions de justice et faire évoluer notre droit.
  • De concevoir un modèle juridique de « GPA éthique » en France, à but non lucratif, en se nourrissant des expériences étrangères concluantes et réussies en la matière. C’est l’honneur de la France d’avoir un système de don de sang, de gamètes et d’organes organisés autour du bénévolat. Ce serait une nouvelle étape que de mettre en place un système qui refusera, également, de considérer la GPA d’un point de vue consumériste et mercantile. Ce modèle intègrera les questions d’indisponibilités lors de la grossesse, les risques et les sujets sanitaires liés aux procédures, de liens entre la gestatrice et les parents.

Focus : Sondage Ifop pour Femmes actuelles

Un sondage Ifop pour Femmes Actuelles (janvier 2022), permet d’illustrer à nouveau que la France est majoritairement pour la gestation pour autrui : 73 % des Français·es estiment que la GPA devrait être autorisée.

72 % des Françaises pensent que la GPA doit être autorisée pour les couples hétéros et 62 % pour les couples homos. Une tendance à la progression nette, car le soutien est en hausse de 16 % par rapport à 2014 (NB : pour la 1re fois, même les catholiques pratiquants sont une majorité, 52 %, à vouloir autoriser la GPA). La société française est largement favorable à la GPA, ce sont des pouvoirs publics que vient la frilosité.

Tribune

Alexandre Urwicz, le président de l’association des familles homoparentales (ADFH) a publié une tribune dans La Croix, le 7 janvier 2022 : « C’est en prohibant la GPA qu’on encourage les trafics et les filières parallèles »