Ce 17 mai est la journée mondiale Idahobit contre les haines anti-LGBTI, elle doit permettre de valoriser les actions pour les droits et la lutte contre les discriminations. La France doit retrouver le chemin de l’égalité et de l’émancipation, et utiliser son rang pour les promouvoir dans le monde.
Depuis la veille de la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, la France a une nouvelle Première ministre. À son actif, aucune parole ou action notable et aucun engagement public pour les droits LGBTI… Quant à la majorité qu’elle entend ramener à l’assemblée, et son mouvement politique, leur passif est bien plus étoffé, hélas…
Le récent classement de la France à l’ILGA-Europe aura démontré tout le travail qu’il reste à mener dans notre pays pour éviter que les sujets LGBTI ne soient que le résultat de coups stratégiques et soient intégrés politiquement par le pouvoir, plutôt que poussés continuellement par les associations.
Une journée pour évoquer la suite et faire le bilan
Cette nouvelle Première ministre a donc tout à prouver quant aux sujets LGBTI. Outre l’absence totale d’engagements nouveaux du candidat Macron pour les 5 prochaines années sur des avancées légales (entre autres), aucune proposition n’a été défendue par « Renaissance/Ensemble/LREM », quelle que soit l’étiquette sous laquelle la majorité de droite conservatrice qui a dirigé le pays depuis 5 ans entend se montrer.
On ne peut que se montrer inquiet pour de véritables progrès pour les droits LGBTI et une lutte contre les discriminations assumés par l’exécutif dans notre pays après les déclarations du candidat Emmanuel Macron à l’avant-veille du premier tour de la présidentielle.
Interrogé sur le fait de parler des sujets LGBTI à l’école, le président sortant avait indiqué ne pas y être favorable et préférer que ce soit fait avec « le périscolaire » lorsque le sujet était abordé au lycée. Ces déclarations suscitent de vives inquiétudes, légitimes et compréhensibles, dans toutes les associations de défense des droits LGBTI. Elles ne laissent présager rien de bon sur la réelle volonté de l’exécutif de s’attaquer aux préjugés, qui font le lit des discriminations et des violences.
Ce discours digne des représentants Républicains des États du sud des USA est à mille lieues de ce que l’on est en droit d’attendre d’un dirigeant sérieux et informé sur ces questions.
Sur le terrain une France qui semble régresser
Alors que le très récent classement de la France à l’ILGA — Europe l’a calé à la 7e place (notre pays stagnait à la 13e depuis 2 ans, après des chutes successives), elle n’est toujours pas au niveau de 2017, où la France — sous la gauche — avait grimpé en 5e place !
Pire, les remontées du terrain, notamment reprises par le rapport de SOS homophobie, ne peuvent que soulever de légitimes inquiétudes. Les chiffres officiels sortis ce lundi indiquent une augmentation de +28 % d’agressions & violences anti-LGBTI en une année en France… Mais surtout, ces chiffres représentent un doublement des actes et victimes en 5 ans : bien triste bilan de Macron sur les LGBTI+…
Il faut que chacun·e saisisse l’ampleur de ce que l’on évoque dans ces chiffes et de la manière dont ils se traduisent concrètement dans la vie de nos concitoyen·ne·s en insultes, injures, menaces, coups, mais aussi meurtres et suicides…
Dans les lois, et dans les actions de l’exécutif, au mieux on navigue à vue
Macron assurant la présidence du Conseil européen depuis 5 mois, la France n’a rien produit de neuf et de concret en faveur des LGBTI à ce niveau. Son action pour les citoyen·ne·s ou résident·e·s dans les pays aux législations très en retard voire aux gouvernements franchement hostiles aux LGBTI (tels que la Pologne ou la Hongrie) reste encore à identifier et clarifier.
Rien ne semble avoir dépassé le « service minimum » lancé en début du mandat sur ces sujets et rien ne laisse présager que l’héritage de la présidence française de l’UE sera d’avoir avancé sur ces questions ou mis en place des actions durables…
Du côté des lois françaises, le 17 mai doit être l’occasion de rappeler que la lutte contre les discriminations doit être soutenue dans la durée, politiquement, techniquement et financièrement. À ce titre, le plan national d’action LGBT+ manque cruellement des trois. Et rien n’indique que la nouvelle locataire de Matignon fasse évoluer ça positivement.
Un acte symbolique et… c’est tout
Élisabeth Borne, qui n’a, jusque-là, jamais été une féministe affichée ni militante d’aucun parti de gauche (aucune raison donc pour que ce label lui soit accolé) avant d’être ministre, n’a à ce jour jamais été candidate et élue à aucune élection. On voit peu de raisons de se réjouir de la nomination d’une technocrate qui en 5 ans (non-stop de 2017 à ce jour) a été à 3 postes de ministres successifs pour Macron, et n’a jamais exprimé de positions claires et fortes en faveur des LGBTI.
S’il est nécessaire de reconnaître le symbole que représente le fait de nommer une femme à ce poste-clé, qu’une promesse de 2017 évoquait, cela en soi n’est pas suffisant. Elle n’a pas pour autant été le 1er choix du président réélu qui a tenté de recruter des femmes vraiment de gauche, puis une élue de droite aux positions homophobes éprouvées dans un mauvais coup à plusieurs bandes. Une habitude.
Et s’il s’agit de mener une politique de régression sociale et glaciale façon « Thatcher » (casse des services publics comme l’école, les hôpitaux et l’audiovisuel, retraite à 65 ans…), comme elle l’a hélas déjà fait sur la casse de la SNCF et les sévères coups de rabots sur l’indemnisation par l’assurance chômage, alors on ne peut pas décemment applaudir ce choix à gauche. Nous savons trop bien combien les publics LGBTI peuvent être des précaires parmi les précaires. Les attaques contre la solidarité nationale ne les épargnent pas.
Quelle autorité aura-t-elle sur les parlementaires dans le cadre de (très très putatifs) textes de loi qui pourraient améliorer les droits des LGBTI ? Le président, comme avec Castex, veut juste une exécutante. Il ne s’agira en fait que de poursuivre ce qui est fait depuis 2017 et pour les droits LGBTI, on ne peut que vaguement espérer un bref sursaut à la veille des élections de 2027 pour changer nos lois. Rien de très optimiste ni de vaguement politique.
En Europe, une journée pour réaffirmer le lien entre social et « sociétal »
Cette année, le thème retenu pour l’IDAHOTBI 2022 est « Nos corps, nos vies, nos droits » qui nous rappelle la nécessité de continuer à faire avancer les questions d’identité de genre et également l’importance de mettre en place des mécanismes de soutien envers les personnes LGBTI+ et éviter les drames encore trop nombreux de suicide, notamment auprès des jeunes.
La pandémie a été une période très difficile où de nombreux LGBTI+ ont été isolés ou ont dû passer la quarantaine dans des environnements familiaux peu inclusifs. Cela a aggravé les statistiques déjà alarmantes d’exclusion que nous avons connues.
Rappelons alors aux décideurs politiques que dans « le monde d’après » l’exclusion sociale n’a pas sa place et qu’il reste encore de nombreux combats à mener pour que les corps et vies des LGBTI+ soient totalement pris en compte.
Dans le monde : reprendre le combat pour la dépénalisation universelle
Cette journée internationale est aussi le moment de rappeler que les droits LGBTI, en dépit d’avancées profondes depuis des décennies dans divers endroits de la planète, restent à obtenir pour de nombreuses personnes.
L’Europe fait figure de pionnière, avec ses textes qui permettent de garantir un socle de droits aux résidents des pays du Conseil de l’Europe, même si les attaques contre l’état de droit n’épargnent pas les LGBTI et leurs droits. Notre continent est celui qui est le plus avancé pour l’égalité des droits et la protection des personnes LGBTI, avec toutefois de très fortes disparités entre l’Europe du Nord et de l’Ouest, avec les pays du Caucase ou d’Europe orientale.
C’est aussi à l’Onu que peut se jouer le combat pour faire avancer la dépénalisation de l’homosexualité. La France doit reprendre le flambeau de ce combat. Car aujourd’hui encore près de 70 États ou pays criminalisent, ou pénalisent les relations entre adultes de même sexe et les rendent passibles de prison, ou pire, dans 11 nations, de la peine de mort.
Les services des affaires étrangères, culturelles, artistiques, sportives de la France peuvent être des moyens de déploiement de messages simples à porter régulièrement. Le réseau diplomatique de notre pays, important et vaste, doit être un point d’appui pour les militant·e·s locaux qu’il faut pouvoir aider de la meilleure manière, et protéger si nécessaire.
Retrouver le chapitre du Manifest’HES 2022 consacré à ce sujet : l’action à l’international
L’amour n’a pas attendu le combat pour les droits ni des législations favorables, il existe quoi qu’il arrive. C’est le combat militant qui a permis des vies dignes et la fin de lois et systèmes qui entravaient les vies. Il faut reprendre ce combat en France, en Europe et dans le monde entier.