Les institutions policières et judiciaires doivent être au service des justiciables et des citoyen·ne·s, quel·le·s qu’ils ou elles soient. La phrase est banale, mais mérite d’être rappelée pour rentrer effectivement aussi bien dans les conceptions que dans les pratiques de terrain, sur tout le territoire.

Les années précédentes, il aura fallu des vagues de libération de la parole (mais surtout de sa prise en compte) pour comprendre à quel point, pour les violences sexistes, notamment, le traitement des plaintes, la manière dont les plaignantes étaient reçues dans les commissariats, les procédures traitées par la justice (toutes les deux avec les moyens insuffisants de ces administrations, certes) ont démontré un faible intérêt pour des affaires encore considérées comme « de mœurs », donc négligeables.

Il aura fallu toute l’inventivité des associations féministes pour rendre enfin visibles médiatiquement les féminicides et les carences des institutions qui conduisent à leur nombre et en faire prendre conscience à la classe politique. À l’instar de ces violences systémiques contre les femmes, beaucoup d’associations féministes ont souligné une difficulté accrue pour témoigner, libérer la parole et enfin porter plainte en milieu rural, car « tout le monde se connaît » : ce processus est évidemment le même pour les LGBTI+.

Dans toutes les situations où les forces de l’ordre et la justice ont à traiter avec un citoyen·ne, c’est le respect des personnes, le traitement digne, peu importe leurs démarches, et ce qui les a conduit à se retrouver devant la justice et la police, et en concordance avec l’identité de genre des personnes qui doit être la règle. Le renforcement de toute la chaîne pénale et les liens entre justice et police commencent par cette étape de l’accueil et de l’orientation (c’est une partie importante du travail mené par l’association Flag ! depuis plus de 20 ans).

La question des violences faites aux LGBTI+ est du même acabit. Une réalité sensible, largement diffusée aux alentours du 17 mai de chaque année, avec les parutions, d’abord, du rapport de SOS Homophobie, et, depuis quelques années, des chiffres du ministère de l’Intérieur. Pourtant on touche aux mêmes limites avec ces chiffres, entre les données remontées aux associations (les témoignages) et les démarches engagées par des particuliers victimes (plaintes).

Les agressions, actes violents divers, discours, insultes et menaces ne sont pas tous signalés aux associations ni aux services de police/​gendarmerie et, lorsqu’ils le sont, ne font pas nécessairement l’objet d’une procédure judiciaire, et enfin, pour différentes raisons, il n’y a pas nécessairement une condamnation à la fin de cette procédure. La libération de la parole des victimes et les capacités d’écoute et d’accueil correctes des institutions sont directement corrélées.

C’est l’axe principal de travail à développer pour améliorer la prise en compte des actes anti-​LGBTI+ et leur donner une réponse adéquate. Afin de traiter toutes les demandes qui sont faites aux services de police et de justice, il appartient à l’État de moderniser et mettre à jour les formulaires et logiciels de dépôts de plainte, ainsi que ceux de préplainte en ligne, de main courante pour accueillir et traiter au mieux les démarches des personnes LGBTI+.

HES propose :

  • S’assurer, via des actions concertées et coordonnées aux services internes des administrations et des actions des associations, d’un accueil correct dans les commissariats et casernes des LGBTI+ souhaitant porter plainte ou cherchant de l’information pour des démarches judiciaires et la lutte contre les violences ou les discriminations (présence d’un visuel sur le comptoir d’accueil permettant d’orienter directement la personne dans un espace dédié, avec un fonctionnaire formé à envisager).
  • Améliorer la prise en compte des plaintes liées aux violences LGBTI+ et des signalements de tels actes ou discours. Un travail devra être mené avec associations et services de police/​justice en lien avec les récents développements des outils numériques dédiés (application développée par Flag!). Ces démarches doivent améliorer la remontée statistique des indicateurs (plaintes, interventions, signalements).
  • Création dès 2022, avec des associations LGBTI+ nationales (avec possibilité de convier au cas par cas des associations locales), de « Comités nationaux de liaison » LGBTI-​police, LGBTI-​gendarmerie et LGBTI-​justice – comme cela se fait dans certaines villes aux États-​Unis. Ils devront se réunir régulièrement, et publier un compte-​rendu écrit (dans les semaines qui suivent) à chaque fois.
  • S’assurer du même accueil et de la mise à disposition de documents pertinents dans les maisons de la justice et du droit, ainsi que dans les maisons des avocats. Plus globalement, obtenir de la part des services du ministère de la Justice que les lieux d’accueil dont il a la gestion disposent de ressources documentaires utiles et que les agents d’accueil puissent orienter au mieux les demandeurs sur les sujets liés aux violences à l’encontre des LGBTI+.
  • Le web et les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non-​droit ou d’anonymat complet : en cas de délit et propos illégaux, les opérateurs doivent répondre à la police et la justice et fournir l’identité des auteurs, qui laissent des traces. De même, des blogs, podcasts ou sites avec une ligne éditoriale très hostile (diffamation, insultes graves, menaces) peuvent être démonétisés (fin de la pub) par les sites hébergeurs (type YouTube), et/​ou déréférencés par les moteurs de recherche et enfin, arme quasi absolue, être bloqués par les opérateurs télécoms/​web. Les procédures et mises en exécution de ces mesures doivent être simplifiées (signalements), accélérées et systématisées en cas de récidive ou de sites recopiés renaissant sous d’autres noms/​URL (adresse web).
  • Après des agressions ou violences graves contre des LGBTI+, quand une décision de privation de liberté (garde à vue, hôpital psychiatrique, prison) est intervenue, les services de police ou de justice doivent, de manière systématique (par mél. et téléphone mobile), informer en amont les victimes quand leurs agresseurs (y compris des « proches » ou de leur famille) vont ressortir.
  • Dans les milieux ruraux et non denses (peu d’habitants), insister pour que les propos et actes anti-​LGBTI+ soient traités comme dans les autres communes que policiers et gendarmes accueillent tout le monde de la même manière, réagissent vite et prennent bien les appels et les plaintes. Comme certaines le font déjà pour les femmes agressées, y compris dans leur couple/​famille, que les pharmacies de campagne soient des lieux refuges, avec des professionnels formés.
  • Mettre à jour et faire évoluer les formulaires papiers et en ligne pour préplainte, plainte, main courante, etc., afin qu’ils soient cohérents avec les démarches possibles par tous les publics.
  • Améliorer la prise en compte des violences conjugales et familiales chez les LGBTI+ dans les dispostifis de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
  • Mettre un terme aux refus d’enregistrement des plaintes et organiser le traitement effectif des plaintes par le parquet.
  • Augmenter les moyens de réponses aux actes et discours anti-​LGBTI+ en calquant, proportionnellement, les actions engagées sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
  • Au niveau départemental existent les Corah (Comités opérationnels de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-​LGBTI+), mais les préfets ne les activent – pour le moment – que quand ils le veulent ou quand le ministère de l’Intérieur met une vraie pression (agressions graves médiatisées). Il faut généraliser dès 2022 l’obligation de les activer officiellement et de les réunir plusieurs fois par an avec les acteurs de terrain (élu·es, associations).
  • Lors des révisions des Contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et de la radicalité (CLSPDR) : y intégrer obligatoirement des clauses explicites et spécifiques contre les LGBTIphobies, au même titre que contre les violences sexistes. C’est en sus un outil de remontées statistiques, sur lesquelles les questions LGBTI+ sont en souffrance en France.
  • Mettre en place des observatoires locaux sur les recoupements des divisions territoriales de justice et police (avec au moins un officier de liaison par département). Avec des réunions au moins annuelles avec les pouvoirs locaux convoqués ainsi que les représentants de la police/​justice, de l’Éducation nationale, des représentants associatifs, et du monde commercial LGBTI+ s’il en existe. La réunion sera alimentée en amont par des statistiques ou par des cas précis remontant du terrain (police, justice, associations, médias), liés à des indicateurs fixés nationalement.
  • Le traitement des violences policières doit être revu et réformé, avec la modification des statuts des inspections des services des forces de l’ordre pour en faire des organismes indépendants et dont les recommandations devront être suivies par les services judiciaires.

Pour des agents souvent peu au courant et non formés sur les questions et sujets liés aux LGBTI+ et à leurs spécificités, il est important de pouvoir proposer des sources de formation, d’abord un·e collègue référent·e, formé·e à ces questions, disposant des contacts et moyens lui permettant d’assurer correctement sa mission. La formation initiale et continue des agents sera un outil évident de montée en qualité du service public pour les personnes reçues.

Il faut développer la capacité des administrations concernées, et sur des répartitions géographiques pertinentes, à proposer des formations, une fois les agents en service, pour réceptionner les personnes LGBTI+, et traiter leurs demandes ou pour des actions dans leur direction, sans distinction de leur nature (contrôle, arrestation, détention). L’accueil des personnes trans doit être un point particulier à améliorer.

Aucun corps de police ou partie de l’institution judiciaire ne doivent être éloigné d’une formation, que ce soit, par exemple, procureurs, greffes, police de l’air et des frontières, pénitentiaires, douanes (dépendant de Bercy, mais disposant de pouvoirs similaires aux forces de police vis-​à-​vis des personnes). Enfin, comme pour tou·te·s les fonctionnaires, les agents de police, les militaires, les personnels de justice sont des « employés » de l’État et doivent recevoir sa protection dans leur mission, au même titre que n’importe quel autre agent.

HES propose :

  • L’intégration systématique de modules de formation spécifiques concernant l’accueil des victimes d’actes anti-​LGBTI + et la gestion de problématiques rencontrées par les LGBTI+, au sein des formations dédiées à chaque corps et structure, tant pour la formation continue qu’initiale obligatoire de toutes les forces de l’ordre, notamment des gendarmes.
  • Intégrer pleinement des situations LGBTI+ en commissariat (dépôt de plainte) via les principales plateformes numériques de formation de la police, en coordination avec des associations LGBTI+, notamment pour utiliser un vocabulaire et des questions appropriés.
  • Associer à ces formations les syndicats et associations LGBTI+ éventuelles des secteurs et corps concernés afin d’améliorer la participation des agents et engager les syndicats, notamment ceux représentatifs à valoriser, améliorer et développer l’attention à porter aux personnes et questions LGBTI.
  • Mise en place d’une « ligne d’alerte » téléphonique de signalements de comportements et propos discriminatoires ou de harcèlement. Avec affichage dans les locaux communs, de repos, les vestiaires, et inscriptions dans des documents produits par les ressources humaines et remis à tou·te·s les agent·es).
  • Le même service devra être proposé aux services de sécurité des grands acteurs des transports en commun (SNCF, RATP, Transdev), aux pompiers professionnels et volontaires (à travers les Services départementaux d’incendie et de secours), à tou·te·s les pompiers militaires (Paris et Marseille), à tou·te·s les gendarmes (y compris ceux et celles présents·es en zones périurbaines et rurales). Enfin, toute l’armée, et tous les corps militaires devront avoir un service similaire disponible où qu’ils se trouvent et quel que soit leur engagement (y compris dans les corps de forces armées regroupant plusieurs pays).
  • Appliquer la loi sur les thématiques de harcèlement sexuel ou moral, et les dimensions aggravantes des actes et discours LGBTIphobes d’où qu’ils viennent et quel que soit le lieu où ils ont lieu. La police, l’armée, la justice ne sont pas des employeurs différents des autres et tou·te·s les agent·es et militaires ont droit aux mêmes protections que n’importe quel citoyen face à des situations dangereuses pour leur état de santé.

En novembre 2017, Clément Dumont, militaire, parachutiste de la base aérienne 105 d’Évreux, et homosexuel de 37 ans, marié, s’est suicidé.

Des faits de harcèlements ont été révélés par Sylvain, son veuf. Son époux, sergent, « subissait des insultes à caractère homophobe (…) tous les jours à son travail. » « Entre deux couloirs, on lui disait Tiens, revoilà l’autre pédé », rapporte Sylvain. Sa hiérarchie a déclaré qu’il avait d’« excellents états de service »… L’inaction de la hiérarchie militaire et du ministère de la Défense face à ces comportements, s’ils ont été signalés, n’est pas acceptable.

Personnes Trans et Intersexes

Au sein du grand public, les publics LGBTI+ affrontent des problématiques particulières et encore en leur sein, les personnes trans, ou intersexes ont des spécificités qu’il appartient à un service public d’accompagnement et de protection de gérer correctement. Les violences (actes ou discours) dont peuvent être victimes les personnes trans et intersexes sont issues de ce que notre société produit comme normes et stéréotypes. Il importe donc que les agents de police ou de gendarmerie et tous les fonctionnaires de justice puissent accueillir et gérer les demandes de ces personnes sans reproduire des actions ou discours discriminatoires. Ceux-​ci ajouteraient de la violence institutionnelle à celle subie précédemment et continueraient d’empêcher ces citoyen·nes de faire appel, comme d’autres, à ces services pour faire valoir leurs droits.

HES propose :

  • Améliorer la prise en charge des victimes de transphobie et d’intersexophobie et les aider à porter plainte, avec l’aide, notamment, de policiers formés.
  • Améliorer les modules de formation sur les spécificités LGBTI+ et des guides de bonnes pratiques avec des associations travaillant sur les questions trans et intersexes, reconnues nationalement.
  • Améliorer le travail de formation des agents de sécurité et forces de l’ordre (dont les Bac et CRS) pour le contrôle des personnes transgenres ou intersexes, notamment dans le cadre de la fouille et de palpations (et avec le concours notamment de l’association Flag !). La déclaration de l’identité de genre par les usagers pour induire le genre de la personne qui procèdera à la fouille aux forces de sécurité.

Les TDS, citoyen·nes comme les autres

L’accueil des travailleuses et travailleurs du sexe et la manière de gérer les dossiers qui les concernent par les services de police et de justice, pour quelque raison que ce soit, doit se faire dans la stricte application du droit. Les TDS sont des citoyen·ne·s à part entière et ne sauraient, par leur activité, être empêché·e·s dans leurs droits. La prostitution n’est pas illégale en France, et les personnes, que notre société considère régulièrement comme des victimes, ne peuvent pas être encore plus victimes d’abus de la part de nos institutions et de celles et ceux qui la servent.

HES propose :

  • La formation (initiale et continue) des polices municipales sur les sujets de prostitution et sur toutes les dimensions locales que les acteurs sociaux et les associations pourraient avoir évaluées.
  • Évaluer avec indicateurs nationaux instaurés (avec des associations LGBTI+ reconnues) des situations liées à la prostitution (interventions des forces de l’ordre, nature des interventions, publics rencontrés et suivis médicosociaux disponibles/​proposés).
  • Organiser un travail de mise en liaison entre les services de police et les services sociaux (en y associant les associations de TDS ou travaillant avec elles) pour une gestion améliorée des situations des TDS, qui ne s’arrête pas à une simple démarche policière
    ou judiciaire.

Auxiliaires de plus en plus réguliers des entreprises, des collectivités, des services parapublics ou publics, les agents de sécurité privés et vigiles remplissent des actions de protection, mise en sécurité, accueil et gestion du public, quel que soit le commanditaire (organisations privées, commerces, bailleurs sociaux via l’Union nationale des HLM et de grands bailleurs comme 3F, Action logement et ICF).

Ce secteur reste aussi à travailler pour prévenir des comportements et des discours homophobes, lesbophobes, transphobes… Il faut travailler notamment avec le syndicat professionnel Groupement des entreprises de sécurité (GES). C’est lui qui coordonne des formations au plan national, pour qu’elles soient adaptées et deviennent obligatoires. Les thématiques, sujets, informations et « bonnes pratiques » pour les LGBTI+ devront être intégrés dans ces formations.

De la même manière, le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) doit veiller aussi – notamment pour les professionnels en contact avec les publics – à intégrer, parmi les prérequis pour la délivrance des cartes professionnelles, une formation à l’accueil non discriminant de tous les publics, y compris, et explicitement, aux LGBTI+.

HES propose :

  • Contenus « LGBTI » obligatoire dans les formations initiales et continues pour les forces de sécurité.
  • Suivi et satisfaction à des formations et modules « LGBTI » pour la délivrance de la carte professionnelle.

Il est évident que les contrôles de police systématiques, très intrusifs, abusifs voire avec des propos discriminatoires et agressifs, sur tous les sujets, sont à pleinement supprimer et condamner fermement. Des contrôles de routine sur les lieux de dragues entre hommes, respectueux et jamais sous forme de piège, sont évidemment toujours possibles.

Si ceux-​ci sont ciblés sur les personnes présentes dans des lieux de drague de notoriété publique, notamment de nuit, ils sont alors caractérisés par une démarche visant les LGBTI+ et ne peuvent en aucun cas être acceptés, que ce soit de la part des forces de l’ordre de l’État (policiers et gendarmes) que celles des collectivités locales (police municipale, vigiles mandatés par une entité publique ou intervenants dans un lieu public).

À contrario, pour éviter des agressions LGBTIphobes, des vols et autres délits graves, notamment de la part de bandes ou petits groupes, il convient évidemment qu’un éclairage public minimal soit maintenu dans ces zones à priori peu fréquentées la nuit (parc/​jardin public, toilettes publiques, hommes, abords forestiers, parking excentré, bord de rivière/​mer, aire d’autoroute) et que des rondes des forces de l’ordre puissent être maintenues notamment les weekends, les veilles de fêtes, périodes de départs en vacances ou encore en cas de manifestations publiques importantes à proximité de ces lieux de drague bien connus (match de foot ou autre sport très populaire, concert important, grand meeting politique, festival, foire locale, fête foraine).

Les procès-​verbaux pour attentats à la pudeur sont à apprécier différemment selon qu’ils aient lieu sur une plage publique en plein après-​midi ou dans un lieu plus confidentiel, à des heures tardives. Les relations intimes entre adultes consentants ne peuvent pas faire l’objet d’accusation d’exhibitionnisme lorsque les modalités et les temporalités, ex. : avoir un rapport sexuel entre adultes consentants à 2 h du matin dans un parc, ça n’est pas du tout pareil que de s’exhiber dans un bus à 17 h 30…

HES propose :

  • Les contrôles de police sur les lieux de drague connus doivent satisfaire aux règles déontologiques.
  • Aucune action visant explicitement les LGBTI+ sur des lieux de drague ne doit être admise.
  • Les rencontres qui se font dans les lieux de drague à l’abri des regards, à des horaires tardifs ne doivent plus être verbalisées ou poursuivies.
  • Les actes réalisés dissimulés ne peuvent plus être qualifiés d’attentats à la pudeur ou exhibitionnisme.

Depuis la loi pénalisant le recours à la prostitution, des « travailleur·se·s du sexe (TDS) » se sont retrouvé·e·s dans une forme de précarité et de mise à l’écart qui les exposent davantage à des agressions.

Sur les lieux notoires où des activités sexuelles existent, reconnus par les services de police/​justice, alors que des actes violents peuvent avoir lieu et se dérouler, il est vital que les personnes puissent communiquer en urgence aux services de secours.

HES propose :

  • Éviter les contrôles de police systématiques, parfois intrusifs et abusifs, notamment la nuit (compagnies de CRS, les Bac). Privilégier des rondes aux alentours (zones d’accès), sans intervention tant qu’il n’y a pas de problème ou d’agression. Maintenir un éclairage public modéré/​minimal pour ces zones à priori peu fréquentées la nuit (quitte à installer un dispositif plus économe en énergie et causant moins de pollution lumineuse).
  • Réfléchir à l’évolution – voire la suppression – du délit d’attentat à la pudeur (notamment la nuit), à l’appréciation aujourd’hui trop subjective et aux contours mal définis. 
  • Protection des lieux de drague entre hommes connus des services de police/​gendarmerie, et des lieux connus pour la présence de personnes travailleuses du sexe, par la mise en place d’un dispositif de sécurité réfléchi avec les associations de TDS et les forces de l’ordre pour prévenir ces violences.
  • S’assurer de la bonne couverture de téléphonie (4G ou 5G) de tous ces endroits, pour que les appels aux services de secours soient rapides pour une intervention efficace en cas de problèmes.
  • Abolir les lois pénalisant le recours à la prostitution et en établir d’autres pour qu’elles ne pénalisent, n’isolent et ne fragilisent pas les travailleur·se·s du sexe, tout en continuant à traquer et poursuivre les réseaux de trafics et de traite d’êtres humains (proxénètes, réseaux mafieux, exploitation sexuelle de mineur·e·s).

Comme pour les violences envers les femmes, trop souvent les LGBTI+ harcelés ou agressés déposent rarement plainte, ce qui est évidemment un problème démocratique et de justice. Les LGBTI+ doivent donc être certains de trouver un accueil respectueux et bienveillant auprès des policiers, gendarmes et service de justice : ça n’est à l’évidence pas le cas aujourd’hui.

De plus, quand les plaintes sont déposées, elles doivent être instruites avec autant de zèle et « d’utilité » que les autres et les condamnations doivent être fermes et ne pas trouver de circonstances atténuantes ou les traiter par-​dessus la jambe, face à des violences souvent totalement gratuites…

Il faut aussi pouvoir penser une justice restaurative qui ne consistera pas uniquement en des peines de prison ou des amendes. Si la ou les victimes des actes ou discours de haine anti-​LGBTI+ ne sauraient pas être celles pour lesquelles le « mal subi » sera réparé, il peut être pertinent de penser à des mesures d’intérêt général, de travail avec les associations (en lien et en accord avec elles !). De la même manière que les sanctions au civil ou au pénal, la justice restaurative devra prendre en compte non seulement les dégâts commis, mais aussi leurs répercussions sur les victimes.

HES propose :

  • De rendre systématique, sous réserve de l’appréciation des juges, des mesures éducatives – type travaux d’intérêt général – en complément des sanctions pénales ou civiles. 
  • Renforcer les lois et moyens pour police et justice pour identifier et punir plus rapidement et efficacement les auteurs de tels propos et menaces.
  • Améliorer les dispositifs de justice restaurative et le recours à ceux-​ci dans le cadre des peines et sanctions prononcées pour des actes anti-​LGBTI+. Associer les associations aux réflexions de l’institution judiciaire sur les mesures à prendre et les perspectives de formation et éducation aux personnes condamnées.

À l’automne 2020, la ministre de la Défense allemande a présenté une loi visant à réhabiliter les soldats de la Bundeswehr que leur hiérarchie a mis dehors sans autre forme de procès pour la simple raison de leur homosexualité.

De 1955 jusqu’en 2000 (!), des soldats allemands ont ainsi fait les frais du fameux paragraphe 175 qui pénalisait l’homosexualité. Mis en place sous l’Empire allemand, utilisé par le IIIe Reich pour envoyer les homosexuels dans les camps, et aboli uniquement en 1994. Ils seraient près de mille à pouvoir bénéficier de ces dispositions.

Le projet de loi évoque non seulement la réhabilitation, mais aussi une indemnisation de 3 000 euros en dédommagement. Sans pouvoir « annuler les souffrances », l’État fédéral allemand déciderait de revenir sur des condamnations et proposer que, pour le traitement injuste infligé à ceux qui ont été ses salariés, ceux-​ci soient indemnisés.

L’historique du traitement de l’homosexualité dans l’armée est symptomatique : motif de révocation systémique entre 1955 et 1969, dépénalisée en 1969, mais considérée comme un « élément d’insécurité ». Qualification de délit abolie uniquement en 1994, depuis 1970, discriminations plus systématiques, mais qui ont duré jusqu’en 2000. Il a fallu que, en plus du texte de loi, la Cour constitutionnelle émette une jurisprudence afin de protéger enfin les soldats LGBTI+.

C’est un cas d’école pour illustrer qu’un texte de loi n’est pas en soi suffisant pour garantir l’accès aux droits et l’égalité réelle, quelles que soient la nation et la thématique.

Comme pour d’autres sujets, hélas, la France n’a toujours pas réussi à se pencher sur son passé homophobe, sans réserver ce regard au simple domaine militaire ou à l’administration de la « Grande Muette ». Il n’a encore pas été envisagé que les violences institutionnelles, les condamnations dont ont été victimes de nombreuses personnes – des hommes pour la grande majorité –, par la faute de lois pétainiste et gaulliste jamais remises en cause jusqu’à l’arrivée de la gauche au pouvoir, soient reconnues et annulées.

HES propose :

  • Lancer une vaste enquête nationale sur les LGBTI+ harcelés, bridés ou virés de leurs carrières professionnelles dans les corps d’État ou les collectivités, et notamment dans les métiers de « sécurité ».
  • Organiser, en bonne et due forme, la réhabilitation judiciaire et administrative de ces personnes, y compris à titre posthume.
  • Mettre en œuvre une indemnisation ainsi que l’ont fait l’Allemagne et le Royaume-​Uni qui ont réhabilités et dédommagé des militaires renvoyés, car homosexuel !
  • Lancer dès 2022 des recherches approfondies, notamment au Service historique de la Défense (SHD), pour recenser des signalements et possibles sanctions contre des LGBTI+ dans l’armée au fil des décennies, avec des chercheurs·ses et historien·ne·s.

Focus : 10 000 condamnations pour homosexualité en France ?

En 2018, Libération faisait référence à un chiffre de 10 000 condamnations après-​guerre. Une étude révélait que ces condamnations menaient en prison dans l’immense majorité des cas jusqu’en 1978 et frappaient, de façon nettement majoritaire, les ouvriers et les classes populaires. L’enquête remarquable d’Ariane Chemin (en 5 volets) dans Le Monde en janvier 2022 a aussi permis une mise à jour des faits et recherches sur cet angle mort de notre histoire récente.

Pour ne pas laisser tomber dans l’oubli ces vies brisées par l’homophobie du régime collaborationniste, puis par l’ordre moral du gaullisme qualifiant l’homosexualité de « fléau social », et suivi par les successeurs, menant à un fichage policier continu jusqu’en 1981, un travail mémoriel, sérieux, universitaire et reconnu par les pouvoirs publics est nécessaire, ce ne serait pas un accessoire ni une lubie.

Cette démarche indispensable pour réaliser que l’histoire d’un pays, le nôtre, est complexe et non linéaire, à l’abri des grandes phrases définitives sur ce que serait intrinsèquement notre République qu’il nous appartient de bâtir et consolider jour après jour. Et en toute transparence, pour l’Histoire.

Une démarche rendue d’autant plus nécessaire quand le président de la République, lors de l’hommage national rendu en novembre 2020 aux Invalides à Daniel Cordier, figure de la Résistance et de la France Libre, n’arrive même pas à prononcer le simple mot « homosexuel », par lequel ce Compagnon de la Libération se définissait lui-​même. Une invisibilisation tragique contre laquelle il faut lutter par cette entreprise de mémoire et tout autre moyen…

Royaume-​Uni

Des soldats privés de leurs médailles (voire de leurs indemnités) par la reconnaissance de leur « non-​hétérosexualité » les ont obtenues à nouveau. Et le gouvernement (conservateur !) a mis en place la loi Turing qui prévoit aussi de blanchir automatiquement toute personne vivante qui aurait été reconnue coupable d’offense sexuelle (la dénomination de la condamnation pour « homosexualité »).

L’Allemagne réhabilite ses soldats homosexuels discriminés, en France, le travail mémoriel reste au point mort

Après l’Allemagne, le Royaume-​Uni annonce réhabiliter et indemniser ses anciens soldats homosexuels discriminés. Et la France ?

Enfin, comme d’autres pays au sein de l’Union européenne, de l’Otan ou de toute autre organisation de coopération et de sécurité internationale, la France peut et organise des actions de coopérations policières. Les traités qu’elle a signés et les organisations dont elle est membre font que des membres des forces de l’ordre françaises participent à des opérations en territoire étranger, et que la France peut organiser des actions policières sur son territoire avec des agents étrangers ou sur des personnes étrangères.

Ces actions le plus souvent banales peuvent aussi poser quelques questions sur les motifs et les finalités des poursuites, arrestations qui peuvent avoir lieu. Enfin, abritant le siège d’Interpol – à Lyon – la France a symboliquement l’hébergement des forces de police mondiale. À ce titre, elle ne peut rester muette lorsque les droits de l’Homme et notamment les aspects LGBTI+ ne seraient pas correctement traités par cette institution ou qu’on souhaiterait y placer à sa tête, des personnes précisément connues pour avoir violé ces principes.

HES propose :

  • Dans les collaborations associant les forces de l’ordre (FDO) de la France et d’autres pays en matière de lutte contre les crimes et délits (ex. : douanes, Europol – basée à La Haye aux Pays-​Bas –, Interpol), veiller à refuser et dénoncer les règles et pratiques anti-LGBTI.
  • La France doit aussi refuser de promouvoir à des postes-​clés des personnes ayant tenu des propos, réalisés des actes ou ayant promu des mesures LGBTIphobes.