Le 10 mai 1981, François Mitterrand, candidat de gauche, présenté par le Parti socialiste, devenait le premier à être élu président sous la 5e République. Les changements que la majorité qui l’a suivi au pouvoir législatif a amenés dans notre pays dans les années 1980 ont été importants, pour les libertés (décentralisation, médias libres…), les droits humains (abolition de la peine de mort…), les droits des femmes (loi sur l’égalité, remboursement de l’IVG…) et des LGBTI+ aussi.

Changements légaux, et discours politiques intégrant le combat pour les droits

Pour les « gays & lesbiennes » et « homosexuels » de l’époque, les LGBTI+ d’aujourd’hui donc, il a permis des changements majeurs inédits : Dès 1981, avec ses ministres régaliens Gaston Defferre (Intérieur) et Robert Badinter (Justice) notamment, il est mis fin au fichage policier des homosexuels. Une pratique qui a hélas l’occasion de revenir ces derniers temps, et source de dangers au quotidien pour beaucoup (menaces, chantages, extorsion, dévoilement aux familles ou à l’employeur…).

Dans la foulée de ces réformes majeures, c’est aussi l’époque de la naissance de HES dès 1983 (une des 4 plus anciennes associations LGBTI de France en activité).

Le Conseil d’État donne raison à HES et Isoc France contre le fichage créé par le décret GendNotes

L’égalisation de l’âge de majorité sexuelle, alors que les homosexuels subissaient jusque-​là les restes des lois de Vichy et de l’infâme « fléau social » instauré par la droite de De Gaulle… À l’été 1982 donc, la « majorité sexuelle » est enfin légalement la même, 15 ans, pour tout le monde. Ce qui est souvent résumé comme une « dépénalisation de l’homosexualité » en France.

François Mitterrand aura également « libéré les ondes » radios et télés. Passant de 3 chaînes nationales toujours marquées par l’ex-ORTF, sous emprise directe du pouvoir, et une poignée de « grandes » radios, il a permis de créer un paysage audiovisuel français (PAF) plus varié et plus vaste. La libéralisation des ondes fera éclore les radios libres (dont l’ex « Fréquence Gaie /​ FG »), Canal+, les 5e & 6e chaînes, Arte (d’abord appelée « la Sept ») et de multiples chaînes variées du câble d’alors. Et permis une expression qui s’est aussi plus ouverte aux journalistes, personnalités, personnages/​fictions et sujets LGBTI+. Le journal historique « Gai Pied » né 2 ans auparavant, a aussi à partir de 1981 pu étendre son audience et ses activités. Par un contraste saisissant, la cohabitation avec la droite de 1986 à 88, avec les attaques et menaces de censure du RPR (ancêtre de l’UMP, puis de LR) de Jacques Chirac par exemple via « le musée des horreurs » de Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur qui dénonça la presse homo dont le pionnier et leader « Gai Pied »… La seconde cohabitation subie par Mitterrand, avec la droite de Balladur, Sarkozy et Bayrou en 1993 – 95, fut tout autant homophobe en rejetant notamment tout embryon de débat sur le « Contrat d’Union Sociale (CUS) » porté par quelques associations homos et AIDES, qui était le futur Pacs.

Dans la foulée, les « Gay Pride », encore timides et peu courues au début des années 1980, ont aussi pu exploser en termes de nombre de manifestants, d’associations, de commerces ciblés et sponsors, d’ambiance et de visibilité médiatique et militante…

Les années Mitterrand furent aussi celles du Minitel qui, bien avant l’internet, aura permis des dizaines de milliers de rencontres homos/​LGBTI, y compris pour des personnes isolées…

Protection des locataires avec la loi Quilliot, premières lois anti-​discriminations, Changement des lois sur la bonne moralité exigée de la part des fonctionnaires, avec la loi Le Pors… Les modifications légales et des discours sur les gays et les lesbiennes permettent aux représentations de changer dans la France des années 1980.

43 ans de sondages sur les questions LGBT : mais elle est où, la “France réac” ?

Le président Mitterrand, malgré une vraie incompréhension aux débuts de l’épidémie, a su accompagner notamment avec ses proches Jack Lang et Pierre Bergé (ce dernier cofondant d’ailleurs début 1994 le Sidaction/​ECS, sous Mitterrand, avec notamment le soutien clef de tous les médias du service public) les mouvements de lutte contre le VIH-​sida et de séropositifs qui débutèrent d’abord sans aucun soutien public formel.

C’est ce soutien aux combats menés par les associations qui a permis que, en 1993, deux hommes en couple puissent enfin avoir une couverture commune de la Sécurité sociale. La loi n° 93 – 121 du 27 janvier 1993 « portant diverses mesures d’ordre social » modifiait un article du Code de la Sécurité sociale pour qu’un concubin homosexuel d’un assuré puisse devenir un ayant droit « en tant que personne à charge ». Une avancée concrète conséquente pour l’accès aux soins à cette période, notamment pour des gays séropositifs précaires, alors que le Pacs ne devait aboutir que 6 années plus tard…

Pendant 2 mandats, avec la gauche au gouvernement, les droits des « homos » ont progressé comme jamais avant

Depuis le retrait de l’homosexualité de la liste des maladies mentales en 1981 jusqu’aux premiers balbutiements du contrat d’union civile (CUC) et de ses différents avatars dans diverses propositions de lois depuis 1990, les changements légaux et les modifications de la « perception » de l’homosexualité entre 1981 et 1993 ont donc connu des progressions importantes.

L’engagement dans la construction et l’intégration européenne, notamment, a aussi eu des effets directs, faisant naître des instances européennes qui, depuis, sont souvent volontaristes et émettent des avis, règles et directives qui organisent et protègent les droits des personnes LGBTI+.

Après 1981, 1982 et leurs suites : 1997, 1999, 2012, 2013, 2016, et… ?

Le chemin pris depuis 1997 avec le PACS, le mariage et l’adoption pour tous, les droits des trans et d’autres avancées à la notoriété moindre, mais aussi importantes (lutte contre l’homophobie à l’école, les caractérisations d’homophobie et de transphobie dans les démarches judiciaires, la formation des fonctionnaires, les prises de parole à l’international, les créations d’institutions et les nominations…) reste encore à continuer.

Mais le constat, limpide, est clair : les droits LGBTI+ ne progressent vraiment qu’avec une gauche unie au pouvoir, qui choisit d’avancer en dépit des forces réactionnaires (associatives, religieuses, politiques et médiatiques) qui se mobilisent toujours contre le progrès et pour entraver les libertés.