Les rapports que publie l’ILGA-Europe chaque année pour indiquer les avancées ou les régressions en matière de droits LGBTI permettent de souligner des dynamiques globales, et de se comparer. Chaque année les scores qu’obtiennent les différents pays sont réévalués au prisme de critères qui évoluent régulièrement. Ainsi, le placement sur la ligne d’arrivée dépend du remplissage des différents critères établis pour cette année par chacun des états, mais aussi par le remplissage des critères par les autres états.
C’était une des raisons qui avait fait chuter la France chaque année depuis l’arrivée au pouvoir de Macron, c’est une des raisons, en sens inverse, qui permet à la France de remonter sans qu’il n’y ait encore aucune réelle avancée pour les droits LGBTI hélas, cette année encore. La directrice de l’ILGA-Europe revenait sur ce point dans un article de Têtu.
Une année résumée en quelques points saillants
Dans le chapitre consacré à la France, l’ILGA-Europe pointe quelques-unes des décisions du gouvernement ou de la majorité qui ont mis en cause les droits LGBTI, entamé l’action associative, ou manqué de prendre conscience de la réalité que vivent les personnes LGBTI au cours d’une année particulière.
Le chapitre du rapport 2021 ILGA Europe consacré à la France
Aucune avancée légale définitive, une PMA non aboutie, aux contours rejetés par les associations sur le fond comme la forme, et toujours pas accessible aux femmes seules ou aux lesbiennes en couple. Entre les attaques injustes et mortifères contre les trans, un fichage tous azimuts incluant l’orientation sexuelle, refus obstiné que les médecins généralistes prescrivent directement la Prep, les constructions de filiation complètement farfelues et dangereuses et de nouveaux discours lesbophobes détestables, le bilan de cette année 2020 se limite à une modification de l’accès à l’adoption (qui n’est pas une avancée LGBTI), des congés parentaux refusés uniquement aux papas gays, et à un nouveau rejet de la transcription de l’état civil des enfants nés par GPA. Un révélateur flagrant des reports, ambigüités et doubles discours macronistes, sur fond de hausse continue des actes anti-LGBTI.
Politique étrangère
Le rapport pointe une action réalisée pour dénoncer les zones sans-LGBT… par une ville, et non au gouvernement ! Laisser le soin à des communes d’agir parce que leurs villes jumelées polonaises se seraient perdues dans cette infâme démarche est très révélateur… ILGA Europe indique en creux que cette démarche de pure haine et de bêtise homophobe n’a réussi à trouver en France, en 2020, aucune prise de parole officielle forte et déterminée du gouvernement, de la part du ministère des Affaires étrangères, pour le dénoncer en tant que nation et pour agir concrètement ensuite, au sein des institutions européennes, pour défendre et même sauver les LGBTI polonais. À ce jour, la Pologne n’a reçu aucune sanction, d’une quelconque nature de la part de l’exécutif européen… c’est juste impensable et lamentable !
Accueil des migrants et réfugiés
Dans la veine d’une politique étrangère bien loin de l’humanisme revendiqué, le traitement des personnes migrantes et réfugiées est toujours compris entre la violence et l’ignorance. Les questions LGBTI n’y échappent pas et rien n’est construit en lien avec les acteurs de la solidarité pour avoir une approche intelligente et efficace de ces situations de détresse et d’urgence.
La « fausse loi » Avia, précisément pointée du doigt pour ses défaillances et son danger
Revenant sur la proposition de « loi Avia » à plusieurs reprises, le rapport annuel indique la dangerosité, soulevée par les associations, de cette loi. La mauvaise réponse technique voulue par cette majorité pour contrer les discours racistes, homophobes, de haine (portée par une députée à qui ces mêmes faits sont reprochés par ses ex-assistants parlementaires…) a démontré son inutilité pour lutter réellement contre la diffusion facilitée par les réseaux sociaux (RS) de ces discours. Cela a même engendré des atteintes à la liberté d’expression des militant·e·s associatifs, parce qu’ils reprenaient des termes que les algorithmes des plateformes avaient identifiés comme problématiques…
La loi Avia, censurée à un niveau presque jamais vu par le Conseil constitutionnel est une représentation hélas très fidèle du travail de cette majorité LREM : persuadée d’avoir raison la première et toute seule, méprisant les avis des corps intermédiaires et se souciant peu de l’effectivité technique de ses mesures. Elle est donc vidée de sa substance, et sans aucun effet ni droit nouveau pour les LGBT. Un gâchis édifiant !
Les signalements de discours et actes haineux anti-LGBTI en hausse constante
L’ILGA-Europe revient à nouveau sur la dernière publication de SOS Homophobie, pointant une énième augmentation des signalements de violences verbales ou physiques contre les personnes LGBTI. C’est une 4e année consécutive de hausse ! Un record dû au macronisme avec les reports permanents de la PMA, intégrée au sein du projet de loi Bioéthique et des débats très (trop !) étalés qui ont eu lieu au sein des chambres parlementaires. Les représentant·e·s de la majorité n’étant pas absent·e·s des prises de paroles oscillant entre ridicule, tragique et ignorance.
Aucune avancée pour les familles et même des reculs !
Sur le plan de la législation familiale, le projet de loi bioéthique, mauvais et lent serpent de mer de cette mandature, est un bon exemple des doubles discours macronistes et du manque de courage politique, entre X clins d’œil aux réactionnaires et à l’épiscopat catholique.
Dans ces questions, la plus prégnante reste l’ouverture de la PMA, toujours mal défendue par une majorité désormais conduite par un Premier ministre ne sachant même pas de quoi il parle (la « PMA post-moderne » restera une mauvaise blague), mal construite avec les avancées et les reculs constants au fur et à mesure des lectures et des amendements. Entre le rejet des personnes trans, l’établissement d’une filiation complètement fumeuse et inquiétante, puisque basée sur l’orientation sexuelle des mères ! Et avec la question de la PMA post-mortem acceptée ou refusée, quand la PMA avec donneur anonyme serait (on espère bientôt) ouverte…
On s’y perd et tout démontre un débat fui par le gouvernement – sauf lorsqu’il s’agit d’interdire –, dont les enjeux sont mal maitrisés, voire ignorés. Rien n’avance et ce gouvernement se moque éperdument des femmes que la trop longue chronologie des promesses brisées empêche d’avoir accès à la maternité.
La PMA reste pourtant une sorte d’épouvantail bien pratique face à des opposants résolus, de plus en plus marginaux et enkystés dans leurs fantasmes.
Enfants nés par GPA : mensonges de Macron et vote honteux de la majorité
Enfin, le honteux recul constaté sur la question de la transcription de l’état civil des enfants nés par GPA est soulevé aussi par le rapport : Cette promesse présidentielle est trahie par le choix du gouvernement LREM de soutenir un amendement interdisant explicitement la transcription ! Cela vient après des jurisprudences de la Cour de cassation et des condamnations multiples de la France par la CEDH pour ce refus, au détriment des familles homoparentales, ce qui nuit au quotidien à des milliers d’enfants. Cet acharnement illogique et qui mènera à nouveau la France devant les tribunaux européens n’est qu’une démonstration de la volonté du macronisme de montrer, par des coups de mentons simplistes et pénibles, qu’il ne donne pas de gage au pseudo « Lobby LGBT », et cherche donc à montrer patte blanche aux réactionnaires.
Que des enfants continuent de devoir être désignés comme un problème, parce que leur mode de conception déplaît, est une aberration…
Plan d’action national LGBT+ : trop tardif, peu novateur, manquant de moyens et de volonté
Raison d’une dégringolade sévère l’année passée – et que nous avions craint l’année d’avant -, après une première perte sèche — l’absence d’un plan national LGBT a finalement été comblée… par un gros manque. Le rapport de l’ILGA souligne son manque de moyens et les remarques concernant son inadéquation et une évaluation plus que compliquée. Même si le travail de la Dilcrah est fondamental est nécessaire, ses moyens humains et budgétaires stagnent encore et le gouvernement tente trop souvent de l’instrumentaliser comme un outil de communication et de politique à son seul profit et non à celui des LGBT…
Par ailleurs, la simple réédition/photocopie (très peu de nouveautés financées), beaucoup de méthode Coué et d’incitations vagues, avec plus d’une année de retard, de ce plan a valu une communication mensongère et outrancière, indigne de la part du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Qu’il ait fallu une notation honteuse pour notre pays, s’apparentant à une déculottée, en mai dernier, pour arriver à un plan aussi mal ficelé, et non financé, est une preuve aussi du manque de volonté, d’ambition et de considération du sujet.
Un gouvernement « à la ramasse » sur les LGBTI, et la Covid-19 en rajoute une couche
Manque de moyens, oubli des LGBTI dans le plan d’action contre les violences (reprendre nos publications passées)…
De plus, le rapport ne creuse pas la précarité et l’isolement accrus de LGBT (jeunes, séniors, Trans…) du fait du covid, mais les acteurs de terrain en France sont unanimes sur les impacts négatifs massifs sur la santé psychologique, les violences intrafamiliales, la santé sexuelle, les prises de risques, les tentatives de suicide et l’accès rendu très fragile à la prévention (Prep… toujours refusée aux médecins généralistes) et aux soins ! Tout ceci est lourd et grave pour beaucoup de LGBT en France, alors que d’autres pays ont mieux géré cette période !
Les mutilations sur les enfants intersexes toujours bien autorisées
Le rapport de l’ILGA-Europe souligne aussi que le projet de loi Bioéthique ne comprend toujours pas une interdiction de ces chirurgies non nécessaires sur les enfants intersexes. Là encore, le travail réalisé par les associations et les parlementaires est balayé d’un revers de la main. Ces actes médicaux, considérés par nombre de nos institutions comme à proscrire, reste donc légale, faute d’un pouvoir qui souhaite, sinon se mobiliser, en tout cas comprendre ces enjeux et y répondre.
Quel avenir pour les structures & activités LGBTI très fragilisées ?
La fragilité des assos (centres LGBT, associations sportives et conviviales, organisateurs des Prides…) comme des commerces (bars, restaus, boites de nuit…) LGBT en France s’est beaucoup accrue avec l’épidémie de Covid : le gouvernement n’a pas rendu ses aides ni faciles ni automatiques ou forcément renouvelables, et bien des associations sont menacées de disparaître, de même pour de nombreux commerces LGBTI de proximité et structures liées au monde de la nuit et de la convivialité.
Les droits et les libertés attaqués, et aussi pour les LGBTI
Dans son rapport 2021, l’ILGA-Europe évoque rapidement les risques pour les droits de manifestation et la liberté d’expression plus généralement avec les différentes lois et décrets qui se sont succédés. Entre la Loi Sécurité Globale (où même le gouvernement à au moins fait mine de reculer) et les différentes tentatives de rétablir des fichiers de police ou administratifs de grande envergure, ce pouvoir s’attaque aux libertés.
Pour la première fois de son histoire, HES s’est même rendue à devoir attaquer le décret créant GendNotes qui permettait d’intégrer des données personnelles de différentes personnes dans un fichier croisé avec des risques sévères pour la vie privée, sur les possibles mésusages et à différents niveaux (police, gouvernement, mairie). À aucun moment les droits LGBTI ne progressent quand les libertés publiques régressent.
La stagnation, quand ce n’est pas le recul : seul maigre héritage du macronisme
Voir que la France remonte dans le top 5 des pays européens est une bien maigre consolation, alors qu’aucune avancée légale n’a eu lieu pour les droits LGBTI… Avec une France laissée à 73 % de remplissages des critères au dernier classement des actions de la gauche, arriver, après des années pénibles de chutes constantes et sévères à 68,5 % serait risible si ce n’était pas aussi grave, pour les droits des personnes et ceux des familles !
Le prochain classement annuel de l’ILGA (début 2022) sera le dernier du mandat de 5 ans de Macron. Il fera un constat de l’arrivée de la seule réelle avancée jamais promise et toujours pas acquise : l’ouverture de la PMA. Ces 5 années, durant lesquelles les LGBTI auront été ballotés, mis en suspens, utilisés sans vergogne, injuriés, malmenés et où ils n’auront obtenu, sauf miracle, presque aucun nouveau droit pour eux toutes et tous, risquent de se résumer bien piteusement… Que ce gouvernement et cette majorité agissent enfin un minimum dans les 14 prochains mois, s’ils ne souhaitent pas que cela soit 5 années de perdues pour les droits..